A l’origine des « airbags tueurs », on retrouve l’entreprise japonaise Takata. Le scandale de ces coussins gonfleurs défectueux, à l’origine de dizaines de morts à travers le monde, a conduit à la faillite de cet équipementier qui fournissait de nombreuses marques, dont Citroën.
C’est un équipement conçu pour sauver des vies, mais qui se retrouve au coeur d’un scandale de grande ampleur. Les airbags défectueux de l’entreprise japonaise Takata, qui équipaient près d’un véhicule sur cinq dans les années 2000 et 2010, sont en effet à l’origine de dizaines de morts et de centaines de blessés dans le monde. Une affaire qui a commencé il y a plus de 15 ans aux Etats-Unis et qui déclenche actuellement une vague de rappels urgents en Europe et en particulier en France.
Un rappel « Stop Drive » très rare
Cette procédure de rappel reste assez habituelle. Elle permet de corriger un défaut plus ou moins important constaté sur des véhicules. Sur le site du service public Rappel Conso, on compte par exemple actuellement plus de 1.200 cas dans la catégorie « automobiles, motos et scooters » entre 2018 et aujourd’hui.
Ce qui interpelle dans le rappel opéré depuis le printemps par Citroën, c’est la demande aux propriétaires concernés de ne plus conduire le véhicule, ce qui reste extrêmement rare. Même dans ce contexte des airbags Takata en Europe, avec jusqu’ici des rappels dits « de routine », comme par exemple en janvier dernier sur les Seat Tarraco produits entre janvier 2019 et février 2020, avec une fiche française qui reprend de manière automatique (et visiblement un peu confuse avec une période concernée incomplète) la fiche de rappel au niveau européen .
« Citroën vous demande de cesser immédiatement de conduire votre véhicule », peut-on ainsi lire dans le courrier envoyé par la marque française à plus de 246.000 propriétaires de C3 et de DS3, courrier que nous avons consulté.
Un élément qu’on retrouve dans la fiche de rappel européenne diffusée le 3 mai pour ces Citroën C3 et DS3, avec la mention « Request to stop driving » (demande d’arrêter de conduire).
Cette indication disparaît toutefois mystérieusement dans la transposition de cette fiche sur le « Rappel Conso » français. Les deux premières pages publiées ont été supprimées (comme on peut le voir en cliquant sur les deux liens de notre article du 15 mai) et les trois fiches encore disponibles se contentent de pointer un risque de « blessures » et de simplement « contacter le concessionnaire ». Nous sommes toujours en attente d’une réponse des services de l’Etat sur ce point.
Pourquoi ce principe de précaution chez Citroën?
Aux Etats-Unis, les premiers signalements d’airbags défectueux remontent à 2008 avec les premiers rappels de modèles de la marque Honda, comme le rappelle un article des Echos. Mais c’est en 2014 que l’affaire prend de l’ampleur: une série d’accidents suspects déclenche l’ouverture d’une vaste enquête par la sécurité routière américaine, la NHTSA.
Le bilan est en effet édifiant: les airbags défectueux de Takata sont mis en cause dans des accidents ayant conduit à 27 morts et plus de 400 blessés. L’entreprise reconnaîtra avoir dissimulé les défauts constatés et dépose le bilan en 2017, criblée de dettes, avec ses activités reprises par Key Safety Systems (KSS), filiale américaine du groupe chinois Ningbo Joyson Electronic Corp.
Les propriétaires de plusieurs modèles de différentes marques (BMW, Ford, Honda, Mazda, Nissan, Toyota…) recoivent alors cette demande de ne plus conduire le véhicule, comme l’indique la page dédiée sur le site de la NHTSA.
Une mesure de précaution pour éviter de nouveaux drames, ce qui serait aussi bien le cas pour les derniers rappels de Citroën et DS.
Des premiers rappels avaient été lancés en 2020 dans des départements d’outre-mer après des accidents suspects impliquant des Citroën C3 et DS3. C’est en effet dans les régions chaudes et humides que le composant explosif dans ces airbags, du nitrate d’ammonium, peut engendrer une explosion incontrôlée. Les débris projetés à plus de 300km/h peuvent alors entraîner des blessures graves voire la mort.
« En France, plusieurs instructions judiciaires sont ouvertes et en retranchant les diverses informations, il y aurait 10 morts et 11 blessés graves identifiés comme victimes de ces airbags depuis 2020 », nous a indiqué le cabinet Coppet Avocats qui accompagne des familles de victimes.
Un porte-parole de Stellantis nous a en outre confirmé que ce sont bien ces accidents mortels qui ont poussé Citroën et DS à rappeler les modèles concernés avec cette mention « Stop Drive », ce qui n’est par exemple pas le cas pour les autres marques comme Opel, ou d’autres véhicules rappelés (C4, DS4 et DS5).
Pourquoi un tel décalage dans le temps?
Beaucoup s’étonnent de ce rappel opéré par Citroën en 2024 pour des modèles produits à partir de 2009. Mais c’est justement le mauvais vieillissement de cet explosif déclencheur de l’airbag qui est à l’origine du problème d’explosion incontrôlée.
C’est le premier accident en France métropolitaine qui a visiblement lancé l’alarme en Europe.
« En novembre 2023, dans les Pyrénées, un homme de 51 ans meurt au volant de sa C3, semble-t-il à cause de l’explosion de son airbag. Ce serait une première (…) Les pouvoirs publics demandent alors à Citroën d’accélérer une campagne de rappel déjà programmée pour janvier », note une enquête des Echos publiée le 11 juin dernier.
La décision est alors prise de se concentrer sur une moitié sud de la France, avec un risque plus important de détérioration « accélérée » de l’airbag.
Aux Etats-Unis, où l’affaire est plus ancienne, les rappels sont toujours en cours. Le clip ci-dessous, publié par la NHTSA en octobre 2023, résume l’enjeu de cette opération, qui consiste à rappeler encore des dizaines de millions de véhicules.
Combien de véhicules concernés?
Aux Etats-Unis, la NHTS donne le chiffre de 67 millions d’airbags rappelés. Il n’existe pas encore de décompte pour l’Europe, mais rien que pour les marques du groupe Stellantis, on évoquait 8 millions de voitures potentiellement concernées.
Point important à noter: seules les C3 et DS3 ont jusqu’ici fait l’objet de ce rappel « Stop Drive », mais il faut avoir en tête que d’autres accidents et l’évolution des enquêtes en cours pourraient donner lieu à de nouveaux rappels de ce type.
Comment savoir si votre véhicule est concerné?
La situation reste complexe pour les propriétaires de C3 et DS3 produites entre 2009 et 2019. Soit le véhicule a été rappelé et il faut alors espérer que le constructeur respecte ses engagements: la réparation assurée dès que possible et la mise à disposition d’une solution de mobilité.
Mais que faire si votre C3 ou DS3 n’a pas été rappelée? A priori, le risque n’est pas avéré et vous pouvez donc conduire en toute sécurité. Citroën et les autres marques concernés continueront à lancer des campagnes de rappel pour remplacer les airbags défectueux. L’UFC Que Choisir a publié une liste non-exhaustive des marques, modèles et dates de production avec des airbags Takata.
Il est aussi important de ne pas rentrer dans une psychose. Un expert confiait à nos confrères d’Auto Plus dans le numéro du 14 juin que désactiver les airbags reste une très mauvaise idée, en particulier car le coussin fait partie « d’un système de sécurité global » en lien notamment avec « des ceintures de sécurité à retenue programmée ». Ces dernières, lors d’un choc « exercent une pression moins forte sur la cage thoracique afin de limiter les risques de lésion dans cette zone », comptant justement sur le rôle de l’airbag. Conclusion: « En déconnectant l’airbag, le risque d’un tel impact augmente donc considérablement ».
« L’objectif n’est pas de remettre en cause l’utilité d’un airbag en bon état de marche ou encore de créer un vent de panique mais bien de prévenir des conséquences connues et reconnues », rappelle sur son site internet le cabinet Coppet qui défend les familles de victimes.
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