Santé Publique France lance ce mardi une nouvelle campagne de prévention autour de l’alcool chez les jeunes. La teneur des messages, incitant davantage à un encadrement de la consommation qu’à une réduction, ne fait pas l’unanimité.
À travers une petite dizaine de spots et affiches, Santé Publique France et le ministère de la Santé lancent ce mardi leur nouvelle campagne de prévention contre l’alcool à destination des jeunes.
On peut y lire que « motiver tes potes à moins consommer, C’EST LA BASE » ou encore qu' »appeler direct les secours si ton pote est en bad, C’EST LA BASE ». Certains messages sont plus ambigus, comme « boire aussi de l’eau si l’on consomme de l’alcool » ou « penser à manger avant de boire de l’alcool, C’EST LA BASE ».
Encadrer la consommation d’alcool plutôt que la réduire
La teneur des messages a fait tiquer de nombreux professionnels de santé et autres associations de lutte contre les addictions, qui estiment que la campagne incite davantage à un encadrement de la consommation d’alcool qu’à une réduction.
« Cette campagne est un peu ambiguë. Elle ne parle pas des dangers de l’alcool, ne dit pas qu’il faut réduire sa consommation… Elle parle de précautions », a ainsi jugé Bertrand Basset, président de l’association Addictions France, au micro de Sud Radio ce mardi.
« Voici donc la campagne sur l’alcool qui a franchi la censure élyséenne. Les alcooliers peuvent être tranquilles: elle ne contient aucun message de réduction de consommation. Du jamais vu », a également lancé sur Twitter le médecin et sénateur socialiste Bernard Jommier.
Une volonté de ménager la filière viticole?
Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau avait semblé se justifier avant même le lancement des spots publicitaires. « La santé publique, c’est définir des priorités et choisir des messages. Ils peuvent se discuter bien sûr… pas notre détermination à lutter contre ce fléau de santé publique », a-t-il écrit sur X (anciennement Twitter) ce lundi.
Selon notre consultant Santé, le docteur Jean-Pierre Thierry, « on peut penser que le gouvernement privilégie une approche économique. On voit bien qu’il s’agit de préserver les intérêts des producteurs et vendeurs d’alcool ».
« La France garde un niveau de consommation très élevé et les conséquences sanitaires et sociales sont extrêmement importantes, alerte le médecin. On attribue à l’alcool environ 50.000 décès par an ».
Des campagnes plus incisives annulées
Cette campagne de prévention fait d’autant plus polémique que deux précédentes campagnes, beaucoup plus incisives, avaient été retoquées par le gouvernement.
« Ne laissez pas l’alcool vous mettre KO”, disait notamment un slogan qui devait être diffusé au moment de la Coupe du monde de rugby. « Quand on boit des coups, notre santé prend des coups”, avertissait une autre campagne, qui rappelait que « boire de l’alcool multiplie les risques de troubles du rythme cardiaque” et « les risques d’AVC hémorragiques”.
Selon une enquête de Radio France, les visuels de ces deux campagnes ont été présentés par Santé Publique France, en présence et avec l’appui de la Direction générale de la Santé, fin mai 2023, au cabinet du ministre de la Santé d’alors, François Braun. Mais quelques semaines plus tard, les deux campagnes ont été annulées.
Radio France pointe des pressions de Vin et Société, le principal lobby français du vin. En janvier dernier, ce regroupement de quelque 500.000 producteurs et acteurs de la filière avait envoyé un courrier à l’Élysée pour critiquer une campagne de prévention de Santé Publique France diffusée pendant les fêtes. Cette dernière pointait du doigt le paradoxe de “trinquer à la santé” de quelqu’un, alors que “l’alcool ce n’est pas la santé”. “Un slogan inepte”, s’était insurgé le lobby du vin dans cette lettre.
En 2019, le gouvernement avait déjà été épinglé pour avoir bloqué une initiative « Dry January » (janvier sans alcool) prévue par Santé Publique France pour le début d’année 2020.
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