Avec leurs leçons de conduite filmées en caméra embarquée et leurs quiz sur le code de la route, de petites auto-écoles de quartier réussissent à cumuler des millions de vues et d’abonnés grâce à leurs contenus pédagogiques. Des moniteurs-influenceurs racontent comment ils ont percé sur le réseau social.
Cet été, Johann Stoliarov a obtenu son code de la route en seulement deux semaines, puis son permis de conduire dans la foulée, à peine un mois plus tard. La clé de cette réussite fulgurante? Il la doit, selon lui, aux comptes Tiktok spécialisés dans la conduite, qui se multiplient sur le réseau social ces dernières années.
Dans de courts formats d’environ une minute, des moniteurs se filment pendant leurs leçons de conduite grâce à une caméra embarquée dans leur véhicule. Leurs vidéos sur « comment faire une marche arrière? », « un créneau en épi? », ou encore « comment gérer le stress de l’examen? » cumulent parfois des millions de vues.
« J’allais sur ces comptes-là exprès pour m’entraîner », confie Johann Stoliarov. Le jeune étudiant, lui-même filmé à plusieurs reprises par son moniteur, s’amuse aujourd’hui du fait qu’il n’a presque pas mis les pieds à l’auto-école. Il n’a même « pas ouvert le petit bouquin qu’on (lui) avait conseillé de bachoter avant l’examen ».
« C’est une nouvelle manière de réviser », explique-t-il. « Déjà c’est gratuit, et en plus c’est pratique car on peut faire ça le soir depuis notre lit avant de dormir. »
Les prouesses ou les bourdes des élèves
C’est au début de la pandémie de Covid-19, en 2020, que Kris Mohalingam s’est lancé sur la plateforme, peu de temps après avoir ouvert son auto-école à Évry-Village (Yvelines) avec son beau-frère. « On avait dû fermer à cause des restrictions sanitaires et on n’avait plus vraiment de moyens de communiquer avec nos élèves. Donc ma femme m’a suggéré de communiquer avec eux sur Tiktok, et c’est parti de là », raconte cet homme de 40 ans, aujourd’hui père de trois enfants.
Trois ans plus tard, le compte comptabilise près de 850.000 abonnés. Désormais, on le reconnaît régulièrement dans la rue. Si le co-gérant de cette auto-école locale ne s’attendait pas à rencontrer un tel succès, il ne cache pas y « avoir pris goût ».
À la sortie des confinements, Kris Mohalingam est donc passé à la vitesse supérieure en commençant à filmer les leçons de conduite avec ses élèves – après leur avoir préalablement demandé l’autorisation. Avec humour et décontraction, il partage leurs plus belles prouesses comme leurs pires erreurs, entre deux conseils techniques sur la manière la plus simple de se garer ou de démarrer sans caler.
« Il ne faut pas croire, on fait un métier riche en anecdotes. Il y a pas mal de choses à raconter », sourit Adama Ndao.
Gérant d’une auto-école à Chars (Val-d’Oise), il s’était toujours promis d’écrire un livre sur sa vie de moniteur, avant de se lancer il y a un an sur Tiktok, où il rassemble désormais près de 400.000 abonnés. Au-delà des accrochages ou des démarrages en côte ratés, on peut par exemple le voir rencontrer un groupe de sangliers de nuit sur une route de campagne.
Après huit ans de carrière, les vidéos explicatives de Geoffrey Gomez lui ont tout simplement redonné goût à son métier. « Une lassitude commençait à s’installer, et ça m’a redonné un nouveau souffle, un nouvel objectif », raconte le moniteur d’auto-école de 32 ans, employé à Narbonne (Aude).
Leçons immersives, « tutos » et sessions de code en direct
Pour autant, les moniteurs-tiktokeurs s’accordent à dire que leurs vidéos ne remplaceront jamais de véritables cours de conduite et une pratique accompagnée d’un professionnel.
« C’est une bonne ressource complémentaire pour les élèves », résume Geoffrey Gomez, et « ça met un peu de beurre dans les épinards ». Les vidéos permettent à certains de dégager un complément de revenus de quelques centaines d’euros mensuels, en fonction du nombre de vues et d’abonnés.
« Les vidéos qui fonctionnent le plus sont les tuto(riels). Mais ce qui plaît aussi beaucoup, c’est quand les gens sont en immersion dans la voiture », explique Adama Ndao, qui publie une à deux vidéos par jour. « C’est facile d’accès, et on leur sert un peu la soupe sur un plateau », plaisante le moniteur d’auto-école.
Certains moniteurs-tiktokeurs s’adonnent aussi régulièrement à des sessions en direct, parfois pendant plusieurs heures, durant lesquelles ils échangent en direct avec leur communauté via les commentaires. L’occasion pour eux d’animer des ateliers « code de la route », et d’aider leurs élèves à se préparer à l’examen final en les mettant en condition.
« On est un peu des coachs pour certains », se targue Geoffroy Gomez, qui passe son temps à « donner des conseils, rassurer les futurs candidats anxieux » vis-à-vis du permis de conduire. L’idée est « d’utiliser l’humour pour dédramatiser l’examen ». Et, au passage, de redorer le blason des moniteurs qui, selon Geoffroy Gomez, ont tendance à jouir d’une mauvaise réputation.
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