Alors que la France s’apprête à alléger un peu plus ses mesures anti-Covid, notamment au niveau du traçage des cas contacts et de leur isolement systématique, les spécialistes alertent sur cette impression de « fin de pandémie », et regrettent la clarté des messages gouvernementaux. Si les indicateurs sont en baisse, une nouvelle vague n’est toutefois pas à exclure.
Trois ans jour pour jour après avoir qualifié la maladie d' »urgence de santé publique de portée internationale », l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé ce lundi de maintenir son niveau d’alerte maximal sur la pandémie de Covid-19. Si l’OMS estime que la pandémie « est probablement à un point de transition », elle regrette que la surveillance et le séquençage génétique, qui permettent de suivre l’évolution du virus et ses déplacements, aient fortement chuté.
Comme la vaccination, souligne l’OMS, que ce soit dans les pays pauvres faute de sérums, de moyens et de méfiance, ou dans les pays mieux lotis où une lassitude se fait jour et où le mouvement antivax a semé le doute.
Abandon de la stratégie du « tester, tracer, isoler »
Après la neuvième vague fin décembre, les indicateurs sont en baisse en France et la situation sanitaire en amélioration, avec moins de 16.000 malades hospitalisés actuellement, contre près de 25.000 fin décembre. D’après le site Covid Tracker, le nombre de contaminations a également chuté en un mois, de plus de 20.000 à moins de 5000 par jour en moyenne. Selon les chiffres de Santé Publique France, au 25 janvier, les hospitalisations ont diminué de 32,6% en sept jours, les morts de 31,9% et les admissions en réanimation de 34,1%.
La France s’apprête même à lever certaines des dernières mesures de restriction. Dès le 1er février, les arrêts de travail dérogatoires, sans jour de carence pour les personnes testées positives au Covid-19, ne seront plus possibles. La fin de la mesure, prévue tout d’abord « au plus tard » à la fin de l’année 2023, a donc été avancée.
Tombés en désuétude sur fond de chutes des cas, « l’isolement systématique » des cas positifs et « la réalisation d’un test » au bout de deux jours pour leurs contacts ne seront par ailleurs plus requis. Enfin le suivi des « cas contacts », via le service « contact Covid » géré par l’Assurance maladie, va quant à lui cesser définitivement.
« Est-ce que c’est le bon moment? Difficile de le dire »
Les médecins, eux, restent prudents. « C’est un pari calculé, une décision dans la continuité », commente auprès de BFMTV.com Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, dans les Hauts-de-Seine. « Est-ce que c’est le bon moment? Difficile de le dire », s’interroge-t-il.
De son côté, l’épidémiologiste et président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine Yves Buisson estime la décision « parfaitement cohérent(e) avec la situation actuelle », décrivant des « mesures du début de la pandémie ».
Les deux spécialistes s’accordent toutefois pour dire que la pandémie est loin d’être terminée. « Ce n’est pas parce qu’on arrête de le suivre que le virus est terminé », souligne Benjamin Davido, « il faut être très précautionneux quand on parle de la fin de la pandémie. C’est peut-être plutôt la fin d’une période ».
Une analyse que partage Yves Buisson, qui explique que nous sommes « dans une transformation du Covid de l’état pandémique à l’état endémique », à savoir un virus ou une maladie qui s’installe durablement dans un pays ou une région.
Un message « ambigu »
« Le message devrait être nuancé, ce n’est pas un message qui s’inscrit dans la durée », ajoute Benjamin Davido, qui en dénonce « l’ambiguïté »: le gouvernement allège le dispositif anti-Covid mais ne rappelle pas par ailleurs que le virus circule toujours en France. « Il y a un élément majeur qui aurait dû être ajouté: l’isolement individuel avec le masque pour les gens contagieux », estime l’infectiologue.
Pour l’épidémiologiste et biostatisticienne Catherine Hill, le débat est tout autre. Selon elle, les outils de traçage n’ont de toute façon « jamais fonctionné ».
« Interpréter cet arrêt du traçage comme un allègement des mesures, en sous-entendant que la situation permet cet allègement, est absolument abusif », ajoute-t-elle auprès de BFMTV.com, soulignant que plusieurs dizaines de personnes continuent à mourir chaque jour des suites du Covid. « On est dans un creux mais on ne sait pas ce qui se passera » à l’avenir, explique-t-elle.
Miser sur la vaccination
Les trois spécialistes s’accordent tous sur l’importance de la vaccination, regrettant « le message hésitant » à ce sujet. « Il faut axer les efforts sur la vaccination, qui ne sont pas suffisants », estime ainsi Yves Buisson.
« La protection diminue avec le temps », rappelle Catherine Hill, « il faut dire aux gens de refaire une dose de vaccin au bout de six mois ». Tous également n’écartent pas le risque de l’émergence d’un nouveau variant, qui pourrait entraîner une nouvelle vague. « Le virus est partout, les vagues successives dépendent des variants », détaille Catherine Hill, tandis qu’Yves Buisson assure qu' »on ne peut pas écarter le risque de l’émergence de nouveaux variants ».
Quid alors du futur de la pandémie et de son impact sur nous? Pour l’infectiologue Benjamin Davido, la réponse tient en une autre question: « Que serait amené à faire le gouvernement si les cas augmentaient à nouveau? »
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