Macron peut-il espérer gagner en popularité en cas de victoire de la France ?

Le chef de l’État qui a pour l’instant gardé ses distances avec un Mondial polémique pourrait espérer tirer profit d’une éventuelle victoire des Bleus, dans un contexte social très morose. Mais, à l’exception de Jacques Chirac, la popularité des présidents n’a jamais été liée à la Coupe du monde.

Un peu de légèreté dans une période d’incertitude sociale et économique. C’est en tout cas que ce que pourrait espérer Emmanuel Macron en cas de victoire de la France au Mondial du Qatar.

Un souvenir est resté dans les mémoires du monde politique: la hausse de 18 points de la cote de popularité de Jacques Chirac en 1998, après la victoire des Bleus en France.

L’éphémère explosion de la popularité de Chirac

« Le président avait été très investi depuis le début en rendant visite aux joueurs à Clairefontaine. Puis, il n’avait raté aucun match. Après la victoire, il y avait une liesse très forte qui, d’une certaine façon, avait culminé lors de la Garden Party du 14 juillet autour du président », se remémore Jean-François Lamour, alors conseiller sport à l’Élysée pour BFMTV.com.

Si ce bond dans le cœur des Français s’avère finalement très éphémère et ne dure en tout que que quelques semaines, deux ans plus tard pour l’Euro 2000, le chef de l’État tente de réitérer l’exploit. Peine perdue: les footballeurs français ont beau l’emporter haut la main, Jacques Chirac perd quelques points de popularité.

Après de mauvais résultats – entre une équipe sortie au premier tour de l’Euro en 2008, l’échec du mondial de 2010 et une nouvelle déception en 2012-, les Bleus reprennent des couleurs en 2016.

Une victoire en 2016 qui fait du bien après les attentats

Malgré un très beau parcours jusqu’en finale, François Hollande, qui est alors au plus bas dans les sondages, ne bénéficie pas d’un effet Euro.

« Ça n’a pas changé grand-chose dans les études d’opinion mais ça nous a permis de resserrer les rangs, de nous rassembler 6 mois après les attentats du 13-Novembre », avance pour BFMTV.com Patrick Kanner, qui était alors ministre des Sports.

De quoi donner un peu d’espoir à Emmanuel Macron dans une atmosphère sociale et économique difficile sur fond de guerre en Ukraine? Le calcul semble incertain face à une compétition qui a commencé sous de très mauvais auspices.

Les polémiques se sont multipliées ces dernières semaines, tant sur l’impact environnemental de cet événement en plein désert que sur les conditions des travail des migrants ou les droits des femmes et des minorités.

« Ne pas politiser » la Coupe du Monde

Soucieux de se distinguer de ces controverses, le président a appelé à « ne pas politiser » la compétition, assurant que sur le climat ou sur les droits de l’homme, il fallait se poser la question « au moment où l’on attribue » les compétitions.

La manœuvre vise à se protéger des critiques tout en essayant de récupérer un peu de l’aura des joueurs en cas de beau parcours des Bleus voire d’une éventuelle victoire.

« On voit bien qu’on a une Coupe du monde très décriée avec le sport qui apparaît presque comme secondaire. Quand on considère dès le départ que le Mondial est raté d’avance, j’ai du mal à imaginer que ça puisse vraiment redonner le moral aux Français et à terme profiter au président », juge de son côté l’ancien président de l’Union des clubs professionnels de football Guy Contret.

« Des problèmes » qui « peuvent éclater entre les mains »

Preuve qu’Emmanuel Macron veille à garder ses distances avec une compétition controversée: la présidence a déjà annoncé qu’il ne se rendrait au Qatar que dans le cas où la France serait en demi-finale et en finale le cas échéant.

Il y a 4 ans en Russie, alors que critiques avaient également été vives sur l’organisation de la Coupe du monde, le président ne s’était rendu à Moscou que pour le dernier match de la compétition qui opposait Paris à Dubrovnik. Malgré la victoire des Français, la popularité du président n’avait d’ailleurs guère évolué.

« Il sait bien que les problèmes peuvent lui retomber sur les pieds. Le but est de soutenir l’équipe quand les choses vont bien, dans un contexte qui n’est pas celui des polémiques. Sinon, à un moment, ça peut vous éclater entre les mains. D’où un soutien en demi-ton, » décrypte auprès de BFMTV.com l’ancien ministre des Sports Jean-François Lamour.

Le traumatisme de France-Algérie en 2001

À l’Élysée, on se souvient probablement de la polémique qui avait frappé Lionel Jospin à Matignon en 2001. Trois ans après l’euphorie de la France Black Blanc Beur, Marie-Georges Buffet, alors à la tête des Sports, propose au locataire de Matinon d’organiser un match entre l’Algérie et la France – une première depuis l’indépendance en 1962.

Mais le jour J, le match tourne au fiasco. En plein Stade de France, la Marseillaise est sifflée, tout comme Zinedine Zidane, pourtant personnalité préférée des Français.

Après la mi-temps, des centaines de supporters algériens déferlent sur la pelouse, tandis que les joueurs partent se réfugier dans les vestiaires. Dans la tribune présidentielle garnie d’une partie du gouvernement, le Premier ministre Lionel Jospin ne bouge pas. De quoi donner un angle d’attaque à la droite et au Front national qui ne s’en privent pas pendant plusieurs jours.

Polémique en Afrique du Sud

Autre affaire qui pousse la présidence à la prudence face à cette Coupe du monde qatari controversée: l’élimination dès la phase de poules de la France à Knysna en 2010 en Afrique du Sud marquée par la menace d’une « grève » des joueurs de football après l’exclusion de Nicolas Anelka de l’équipe.

Devant l’Assemblée nationale, la ministre des Sports d’alors, Roselyne Bachelot, décrit une équipe pourrie par « des caïds immatures », une expression qui fait longuement débat. Autant dire que l’Élysée veut s’éviter toute polémique de ce type dans un contexte social explosif.

« On ne peut pas rester en dehors d’un tel phénomème mondial qui amène un peu de bonheur aux Français qui en ont bien besoin et en même temps, si quoi que ce soit se passe mal dans l’équipe, on nous le reprochera », soupire un député Renaissance, proche de l’exécutif.

Le président peut cependant se rassurer. Hormis pour Jacques Chirac, les performances des Bleus n’ont pas eu d’influence majeure sur la popularité des présidents de la République, d’après un sondage Ifop.

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