Depuis le 1er janvier 2024, il est obligatoire de trier ses biodéchets, notamment en vue d’en faire du compost. Ces déchets sont généralement jetés dans des sacs en plastique très fins, dits compostables, à l’instar de ceux trouvés en supermarchés. Pourtant, leur dégradation n’est pas garantie et n’est pas sans risque pour l’environnement ou la santé humaine.
« Un plastique, même compostable, c’est toujours du plastique », lance Rafaël Guastavi, directeur adjoint économie circulaire à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
En France, depuis le 1er janvier 2024, il est obligatoire de trier ses biodéchets, c’est-à-dire les déchets alimentaires et les déchets verts du jardin. L’objectif est de réduire la quantité de déchets qui finissent incinérés et ainsi de les valoriser. Par exemple, en faisant du compost ou en les utilisant dans un processus de méthanisation pour produire du biogaz.
Les collectivités doivent permettre ce tri en mettant à disposition des poubelles supplémentaires -souvent au couvercle marron- ou des points d’apport volontaire comme il existe déjà dans la rue pour la collecte du verre.
Pour cela, elles fournissent généralement des sacs dits compostables, des plastiques très fins comme ceux que l’on trouve dans les rayons fruits et légumes des supermarchés. Avec une promesse: qu’ils se dégradent avec nos déchets et donc qu’ils ne participent pas à une pollution plastique supplémentaire.
Du plastique jusqu’à l’intérieur du corps humain
La pollution par les plastiques est un problème majeur au niveau mondial qui est loin d’être nouveau. Des millions de déchets se retrouvent partout dans la nature, notamment les océans, et finissent même dans la chaîne alimentaire humaine. De récentes études ont montré que des micro- et nanoplastiques sont détectés dans les poumons, le sang, le lait maternel ou encore le placenta.
En France, pour lutter contre ce problème, les sacs en plastique « classiques » ont été mis à la porte de nos supermarchés en 2017. Ils sont remplacés par des sacs réutilisables ou par ceux en plastique léger, dits compostables ou biosourcés (constitués en tout ou partie de molécules issues de la matière organique).
Si ces derniers semblent offrir une solution efficace pour lutter contre l’accumulation de déchets plastiques, la réalité n’est pas si simple.
Les sacs ne se dégradent pas dans la nature…
D’abord, le terme de « compostable » traduit une aptitude à se biodégrader dans un milieu dit de « compostage », soit dans des conditions bien précises « de température, d’humidité, de pression, de temps… », explique Rafaël Guastavi. Et ces conditions ne sont pas réunies dans la nature.
En 2019, une équipe de scientifiques de l’Université de Plymouth, au Royaume-Uni, a déterré des sacs dits biodégradables qu’elle avait enterrés trois ans plus tôt. Intacts, les sacs ont pu être réutilisés pour une nouvelle session de courses. Une expérience qui montre que ces sacs ne doivent en aucun cas être jetés à l’extérieur.
… ni dans les composts domestiques
Alors que nombre de ces sacs comportent la mention « ok compost home » (bon pour compost domestique), « il n’est pas garanti que ces matières plastiques se dégradent totalement dans les composteurs domestiques », indique Aurélie Mathieu, coordinatrice d’une expertise de l’Anses sur le sujet.
Comme mentionné plus haut, pour complètement se dégrader, les sacs plastiques doivent suivre des conditions exigeantes. Or, les composts que font les particuliers sont généralement des tas de biodéchets au fond d’un jardin ou dans des bacs dédiés.
« C’est malheureusement l’assurance de trouver ces sacs entièrement ou par fragments des années après », explique Rafaël Guastavi.
L’Ademe et l’Anses appellent ainsi à ne pas jeter ces sacs dans vos composts et déplorent des termes qui manquent de lisibilité pour les consommateurs.
Risques pour l’environnement et la santé
Car une mauvaise dégradation de ces matières constitue des dangers potentiels aussi bien pour l’environnement que pour la santé humaine. Les sacs compostables sont faits « d’amidon, de matières plastiques, de polymères et d’additifs », explique l’Anses. Ils sont donc toujours composés de plastique.
« Il n’est pas exclu que ces fragments se retrouvent ensuite dans nos aliments », met en garde Aurélie Mathieu.
Cela peut se produire lorsque le compost est épandu ou utilisé, par exemple, dans un potager de légumes. « On va recontaminer l’environnement et les cultures locales », poursuit la spécialiste.
Si les expositions aux micro- et nanoplastiques sont aujourd’hui avérées, les conséquences nocives sur la santé humaine sont encore difficiles à évaluer. Toutefois, des études pointent des risques de perturbations endocriniennes, des problèmes de développement ou des risques accrus de cancer. « On ne devrait pas avoir du plastique dans le corps », abonde Aurélie Mathieu.
Si les sacs ne sont pas compostables dans nos composts personnels, qu’en est-il désormais avec les collectes organisées de biodéchets? « Les conditions industrielles de compostage sont très différentes », explique l’Anses, mentionnant des normes qui favorisent la dégradation et un suivi permettant son contrôle.
« Ça donne la possibilité de contrôler la dégradation avant de réutiliser le compost, pour éviter une contamination du milieu », ajoute son collègue Sébastien Leconte.
Les sacs de fruits et légumes et ceux distribués pour les biodéchets se dégradent donc bien dans de telles conditions, souvent à plus de 90%. Toutefois, l’Ademe observe que, malgré tout, « des morceaux de plastiques inférieurs à 5mm ont été observés au bout de 6 mois en compostage industriel ».
« Quel que soit le mode de compostage, les matières plastiques biodégradables vont induire la présence de microplastiques dans ces composts », écrivait l’Anses dans un avis.
Les sacs compostables finalement incinérés
En outre, Rafaël Guastavi regrette l’usage des termes « compostage » et « recyclage ». « Les sacs vont se dégrader mais pas vraiment se composter car ça ne va pas créer de matière », détaille-t-il.
En effet, lors du processus, ils sont dégradés en CO2 ou en méthane mais ne possèdent pas de valeur fertilisante pour les plantes, contrairement aux biodéchets après compostage. On ne peut pas dire non plus qu’ils sont recyclés car ils ne permettent pas de fabriquer un nouveau produit.
Face à ces multiples obstacles, « généralement, à l’entrée des centres de traitements, les sacs sont ouverts, mis de côté et éliminés à part », explique Rafaël Guastavi. Ils sont retirés des déchets compostables car ils peuvent provoquer des « problèmes mécaniques dans les actions de compostage ou de méthanisation » ou en raison de la durée de compostage des biodéchets qui n’est pas toujours compatible avec celle de ces sacs.
Des contenants « de pré-collecte »
Mais alors, à quoi servent ces sacs, et que faut-il vraiment en faire? Dans le cas d’une collecte de biodéchets par la municipalité, Rafaël Guastavi préconise « de suivre les consignes données » et donc d’utiliser uniquement les sacs fournis car ils doivent normalement correspondre aux conditions du centre de traitement local.
Et encore, ce n’est pas une solution idéale puisqu’ils finiront parfois dans des unités de méthanisation qui n’ont pas les mêmes capacités de « digestion » que les plateformes de compostage.
En fait, « le seul usage qui nous semble acceptable, c’est d’utiliser les sacs fins comme contenants pour la collecte des biodéchets à domicile ou en point d’apport volontaire », écrit l’Ademe. En somme: ils permettent de faciliter la collecte et de pousser des gens à trier leurs biodéchets, alors qu’ils ne le feraient peut-être pas sans ces sacs.
« Ce sont des contenants de pré-collecte » résume Rafaël Guastavi.
En outre, le spécialiste explique que si des bouts de plastique perdurent dans la matière organique « c’est toujours mieux un plastique compostable qu’un vrai plastique ».
En ce qui concerne les sacs récupérés dans les supermarchés ou utilisés pour d’autres choses que du compostage, l’Ademe conseille de les jeter dans le bac jaune, au même titre que les autres emballages, même si là encore, ils seront mis de côté pour être incinérés ou enterrés, et non recyclés. Finalement, si l’on se réfère à la directive européenne, ils se situent donc dans les derniers échelons du traitement des déchets, où rien n’est récupéré ni évité.
Ces sacs, « une solution intermédiaire »
Pour Rafaël Guastavi de l’Ademe, ces sacs sont donc « une solution intermédiaire ». La priorité est de limiter l’usage des emballages et des plastiques.
« Le meilleur emballage est celui qui n’est pas produit », ajoute-t-il.
À défaut, le réemploi (nouvelle utilisation de l’emballage) est la meilleure alternative. Viennent ensuite le recyclage (récupération de la matière de l’emballage, pour l’utiliser après nouvelle transformation) et le compostage, et l’incinération en dernier recours.
Trier ses biodéchets en les jetant en vrac dans un bac de collecte ou dans un compost, en les apportant dans un contenant réutilisable, comme un « bioseau » par exemple, serait idéal.
« Aujourd’hui, on utilise les sacs compostables pour une question de praticité, dans des démarches de tri, mais à terme, l’objectif, c’est de se passer totalement du plastique », conclut Aurélie Mathieu.
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