C’est autour du 15 décembre que les Français connaîtront le projet gouvernemental de réforme des retraites dans son détail. Le gouvernement s’attaque avec prudence à ce dossier très sensible, mais la chronologie des annonces interroge jusqu’au sein de la majorité selon des éléments recueillis par BFMTV.
« Le sucré avant le salé ». Telle est l’expression employée par l’exécutif auprès de BFMTV ce vendredi au moment de décrire la logique observée dans l’élaboration du projet de réforme des retraites et surtout autour du calendrier des annonces. L’idée étant de mettre en avant les nouvelles les plus douces dans un premier temps, et de réserver les plus amères à un second.
Voulue par Emmanuel Macron dès son premier mandat, initiée par son Premier ministre de l’époque Édouard Philippe puis remisée en raison de la crise Covid, cette refonte du système des retraites a fini par prendre des airs d’arlésienne à l’Élysée.
Le président-candidat en a cependant fait l’un de ses chevaux de bataille en vue de sa réélection et les débats autour du projet devraient occuper la classe politique et l’opinion tout au long des prochaines semaines. Et plus sûrement encore, au long des prochains mois. Les négociations avec les partenaires sociaux sont quant à elles toujours en cours.
Ce vendredi, le service politique de BFMTV fait le point sur la feuille de route envisagée par l’exécutif et les méthodes qu’il compte employer pour tenter d’adoucir un sujet rendu plus brûlant encore par un contexte économique pour le moins morose. Les craintes et les doutes autour du plan gouvernemental sont toutefois grands au sein même de la majorité.
Une feuille de route encore « ouverte »
À réforme « progressive », entrée en matière progressive. L’exécutif a d’abord fixé une stricte chronologie d’après nos informations. Après l’ouverture de la troisième session des tractations avec les syndicats, le gouvernement a choisi d’occuper l’espace. Jeudi soir, l’entretien accordé par Élisabeth Borne au Parisien a paru. Place au « sucré »: départ à taux plein toujours garanti à 67 ans, retraite minimum à 1200 euros, fin des régimes spéciaux seulement à compter des nouveaux entrants, pas d’augmentation des cotisations sociales, ni d’abaissement des pensions.
Le « salé », lui, attendra. Ainsi, lorsqu’il s’agit de savoir si les Français devront bien partir à la retraite à 65 ans, conformément aux souhaits du chef de l’État, la cheffe du gouvernement botte en touche auprès du Parisien: « Les concertations ne sont pas terminées et tous les arbitrages ne sont pas encore rendus. Le dernier cycle des discussions commence seulement ».
Dans la foulée, c’est au tour de son ministre du Travail, Olivier Dussopt, d’assurer le service après-vente face à la presse ce vendredi: « Les premières discussions bilatérales ont commencé hier soir. Nous ne voulons pas préjuger du résultat ».
« Nous avons cette feuille de route (un relèvement de l’âge de départ à 64 puis 65 ans, NDLR), mais nous avons aussi dit que ce n’était pas un totem, que ce n’était pas un tabou, que nous sommes ouverts aux propositions », a-t-il ajouté.
Du 15 décembre à l’été
Ce vendredi, les ministres devaient encore se rassembler dans l’après-midi autour de la Première ministre pour une réunion consacrée aux retraites. Le prolongement du calendrier s’annonce comme suit: les consultations syndicales jusqu’à la fin de semaine prochaine, la présentation du projet dans son détail le 15 décembre et l’envoi du texte au Conseil d’Etat pour un cadrage optimal.
Après quoi, selon nos éléments, le projet doit arriver sur la table du Conseil des ministres début janvier puis au Parlement à la fin du mois.
On note d’ailleurs qu’Élisabeth Borne s’est montrée plus prudente auprès du quotidien francilien: « Le texte devra ensuite être présenté en Conseil des ministres au début de l’année prochaine, pour un examen au Parlement au printemps ». L’entrée en vigueur de la loi n’a, elle, rien de nébuleux. L’exécutif la veut avant la fin de l’été.
Un contexte particulièrement défavorable
Si le gouvernement avance ainsi à pas comptés et par étapes, c’est qu’il se sait attendu au tournant. Le sujet d’une réforme du système des retraites est en soi explosif, et a fait dérailler bien des exécutifs depuis le gouvernement Juppé de 1995.
De surcroît, la flambée de la facture énergétique, l’inflation croissante avivent encore les inquiétudes sur l’avenir. Dans ce contexte, l’espoir du sommet de l’État de s’éviter un mouvement social paraît illusoire. Du moins, tâche-t-il d’en atténuer l’ampleur en y allant piano et en affichant sa volonté de « pédagogie ».
Quitte, donc, à étirer le suspense autour des décisions les plus pénibles, comme celle d’arrêter l’âge du départ légal, Emmanuel Macron lui-même oscillant entre un départ à 65 ans… ou à 64 ans moyennant un allongement de la durée des cotisations.
« Ultra anxiété » et « mauvais timing »?
L’entourage de la Première ministre est bien conscient du péril politique, comme le montre cette confidence à BFMTV: « Cette réforme est ultra-anxiogène, il faut qu’elle soit perçue comme une chance et non un recul. On ne touchera pas à la pénibilité et on va pousser à fond sur l’emploi des seniors ».
Pour autant, le rythme adopté par le gouvernement pour rassurer les Français ne présente aucun gage de réussite. D’autant moins qu’il peine déjà à convaincre la majorité. « C’est un mauvais timing avant Noël. Tout le monde va en parler lors du repas de famille », dixit un député Renaissance à BFMTV. « Il y a le retour du Covid, les coupures d’électricité… Vous ajoutez à cela les retraites, ça fait beaucoup! Attention à la colère sourde des Français qui peut exploser », prévient un conseiller du pouvoir.
Celui-ci s’apprête par conséquent à redoubler d’efforts pour parer les coups. Ainsi, la semaine prochaine, plusieurs ministres seront missionnés sur le terrain pour parler des retraites, toujours dans un objectif d’apaisement. Eux aussi devront sans doute peser leurs mots.
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