Il y a près de 15 millions de chats domestiques en France. Pour jouer, par instinct de chasseur ou parfois pour se nourrir, ils peuvent s’attaquer aux animaux sauvages, dont les oiseaux. S’ils sont loin d’être les premiers responsables de leur déclin, leur nombre en constante hausse peut parfois poser des problèmes de cohabitation. Mais des solutions simples existent.
« Avant d’avoir mon chat, je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse chasser autant », confie Lily. Depuis qu’il lui a déposé sur la terrasse pas moins de trois petits moineaux en l’espace de quelques semaines, cette mère de famille fait désormais attention à accrocher les boules de graisse qu’elle laisse pour les oiseaux « à des endroits inaccessibles à Coco ».
« J’ai acheté des jouets pour satisfaire son instinct de chasseur et le calmer question oiseaux », complète-t-elle.
Ces 27 et 28 janvier, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et le Muséum national d’Histoire naturelle organisent des opérations de comptage des oiseaux dans les jardins pour « permettre à chacun d’agir concrètement en faveur de la connaissance et de la protection de notre avifaune en alimentant les bases de données naturalistes ».
L’objectif est de compter et noter durant une heure tous les oiseaux qui visitent notre jardin. Un lieu également fréquenté par l’animal de compagnie préféré des Français: le chat. En France, il y aurait près de 15 millions de chats domestiques dans nos foyers, un chiffre en constante augmentation.
Selon une étude publiée dans la revue scientifique Nature en 2013, les chats domestiques tueraient « entre 1,3 et 4 milliards d’oiseaux par an » rien qu’aux États-Unis. Peuvent-ils ainsi être un danger pour la biodiversité, et comment l’éviter?
75 millions en France
Non contents d’être nourris, logés et parfois blanchis, les chats n’ont toutefois pas perdu leur instinct et leurs capacités de chasseurs. Utiles lorsqu’ils font la chasse aux souris dans la maison, cela peut avoir un véritable impact sur la biodiversité à extérieur.
« En moyenne dans nos centres, sur 20.000 animaux recueillis par an, 14% sont prédatés par le chat, dont 90% sont des oiseaux », indique à BFMTV.com Anne-Laure Dugué, responsable du programme faune en détresse à la LPO.
En France, la LPO estime en moyenne qu’un chat domestique « tue entre 5 et 10 oiseaux par an ». Rapporté aux millions de chats possédés par les Français, les dégâts sur les pies, mésanges ou autres moineaux seraient de plus de 75 millions de victimes par an, sans compter les chats à l’état sauvage.
Selon une étude réalisée par le Muséum national d’Histoire naturelle et la Société française pour l’étude et la protection des mammifères, 66% des proies rapportées par les chats domestiques sont des petits mammifères, majoritairement des rongeurs. Viennent ensuite les oiseaux, qui représentent 22% des proies, principalement les moineaux, mésanges, merles, rouges-gorges, ou encore tourterelles.
« C’est important de savoir que le chat (est un prédateur) », affirme Anne-Laure Dugué.
« Les chats ne sont en aucun cas à l’origine de la raréfaction de la biodiversité à l’échelle mondiale et la cause de mortalité, par exemple, de nos passereaux », insiste néanmoins la spécialiste.
Selon le CNRS, le nombre d’oiseaux a décliné de 25% en 40 ans sur le continent européen, voire de près de 60% pour les espèces des milieux agricoles, soit 800 millions d’oiseaux en moins depuis 1980.
Les scientifiques pointent « l’évolution des températures, de l’urbanisation, des surfaces forestières » mais en premier lieu « l’agriculture intensive » avec l’augmentation de l’utilisation d’engrais et de pesticides.
Toutefois, si le chat n’est pas, et de loin, le premier responsable de ce déclin, « il peut y participer », explique Elsa Bonnaud. « La prédation des chats peut s’y ajouter, surtout dans des territoires où l’urbanisation fait déjà que les territoires sont plus limités pour la biodiversité », abonde dans le même sens Anne-Laure Dugué.
Un risque supplémentaire pour les espèces en danger
Les chats peuvent notamment être un facteur d’aggravation supplémentaire sur des populations déjà vulnérables. Depuis deux étés, la petite ville de Walldorf, en Allemagne, demande aux propriétaires de félins de ne plus les laisser sortir de mai à août.
Une mesure qui vise à protéger des oiseaux rares présents dans cette commune, les cochevis huppés, durant leur période de reproduction. Si un chat est pris en train de tuer l’un de ces volatiles, le propriétaire risque une amende.
« Les impacts peuvent varier, par exemple, la tourterelle turque est particulièrement chassée car elle est lente à décoller. Heureusement, sa population n’est actuellement pas en danger », illustre la LPO.
À La Réunion, le chat est une menace pour le pétrel de Barau, en danger d’extinction, rapporte La 1ère. Les autorités cherchent donc à limiter sa prédation en capturant les chats en liberté mais surtout en organisant de vastes campagnes de stérilisation.
« Le chat n’est pas problématique en lui-même, c’est le nombre qui l’est », explique Elsa Bonnaud.
L’importance de la stérilisation
En effet, les spécialistes insistent sur l’importance de la stérilisation. « Ça ne limite pas la prédation mais ça limite la population en évitant notamment les abandons », détaille Anne-Laure Dugué.
En quatre ans, un couple de chats peut être à l’origine de plus de 20.000 naissances, selon le ministère de l’Agriculture. S’ils ne sont pas adoptés ou s’ils s’échappent, ils deviennent des chats harets ou errants, qui ont par ailleurs un territoire de prédation encore plus large que les chats domestiques.
Alors que l’Australie a pris des mesures draconiennes en lançant une vaste opération d’extermination de chats errants, la problématique existe également en Nouvelle-Zélande, où le kiwi, symbole du pays, est menacé par le trop grand nombre de chats. Une petite localité avait d’ailleurs suggéré, en 2018, d’interdire aux habitants de posséder un chat pour protéger la faune.
Une importante vulnérabilité sur les îles
Comme l’explique Elsa Bonnaud, la prédation des chats est bien plus dangereuse pour la biodiversité sur les îles. « Sur une île, c’est un prédateur introduit, sans processus de co-évolutions avec les autres espèces donc les proies n’ont pas de comportements de fuite ou d’échappement », précise la chercheuse.
Sur le continent, « le chat est responsable en partie d’une diminution du nombre d’oiseaux, mais il n’a pas fait disparaître une espèce sur les continents. »
Selon une étude, les chats, introduits par les humains, ont déjà été associés à 26% des extinctions d’oiseaux, de mammifères et de reptiles dans le monde. C’est notamment le cas pour les oiseaux marins, comme ceux de la famille des albatros, « très malhabiles en terre et qui sont donc des proies très faciles ».
Il y a quelques années, sur l’île de Port-Cros, la totalité des chats a été stérilisée ou capturée et ramenée sur le continent pour protéger notamment le puffin de Méditerranée, une espèce rare. « Ça fait du bien aux oiseaux marins et aux reptiles », explique Elsa Bonnaud.
La cohabitation est possible
Alors comment éviter que son chat s’attaque aux oiseaux? « Le chat domestique n’a pas besoin de chasser car il est nourri, très souvent il ne mange même pas sa proie », indique Anne-Laure Dugué. Ainsi, la LPO conseille de « jouer avec son chat » pour l’occuper et le divertir.
« Le chat est un grignoteur, alors il faut qu’il ait tout le temps à manger dans sa gamelle », afin de limiter ses déplacements à la recherche d’un oiseau ou autre proie, poursuit Anne-Laure Dugué
La LPO préconise également de garder si possible le félin à l’intérieur « après un épisode prolongé de pluie, au crépuscule, au moment de l’envol des jeunes ou en votre absence ».
Au-delà de cela, il est également possible de lui mettre un collier à clochettes ou une collerette colorée qui permettent d’alerter la faune sauvage de sa présence. Des dispositifs pour l’empêcher de passer ou l’éloigner des endroits sensibles existent également. Les spécialistes l’assurent: une bonne cohabitation est entièrement possible.
Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.