La soumission chimique par un proche, un fléau méconnu qui passe souvent "sous les radars"

La mère de Caroline Darian a été droguée à son insu durant des années par son mari, qui la livrait à des inconnus. Cette femme de 44 ans lance ce lundi une campagne de sensibilisation relayée par de nombreuses personnalités afin de mieux prévenir et détecter ce fléau qu’est la soumission chimique par un proche.

« M’endors pas ». Ce slogan fort a pour vocation d’être relayé sous forme de hashtag, dès ce lundi, sur les réseaux sociaux. C’est en effet le nom de la campagne de sensibilisation contre la soumission chimique lancée par Caroline Darian. La femme de 44 ans, dont la mère a été droguée pendant une dizaine d’années par son père à son insu et livrée à des hommes, avait déjà publié un livre pour alerter sur ce phénomène trop peu connu.

La victime ne se doutait de rien

L’affaire judiciaire est hors normes. Le père de Caroline Darian, alors âgé de 68 ans, a été arrêté, en septembre 2020, dans un supermarché de Carpentras (Vaucluse) après avoir été surpris en train de filmer sous des jupes de femmes. L’homme sera relâché mais avec des expertises approfondies et notamment une perquisition à son domicile, l’affaire devient bien plus sordide.

Quelque 20.000 photographies et vidéos pornographiques ont été mises au jour, avec, parmi elles, des dizaines de films montrant son épouse inconsciente, violée par des inconnus. L’épouse ne se doutait de rien avant que les enquêteurs ne lui expliquent, progressivement et photos à l’appui, ce qu’elle avait vécu.

Au total, les policiers en charge des investigations ont remonté la trace de 49 hommes qui se sont succédé chez le couple entre 2013 et 2020. Début mai, le parquet d’Avignon a requis un procès pour ces hommes suspectés d’avoir profité de l’inconscience de la mère de famille anesthésiée pour abuser d’elle. Un procès pourrait se tenir en mars 2024.

Pas que « du GHB dans un verre d’alcool dans un bar »

Caroline Darian explique, dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, que la soumission chimique est le fait de « droguer une personne à son insu pour abuser d’elle sans qu’elle ne puisse réagir ou parfois même en avoir conscience ». Contrairement aux idées reçues, celle-ci se produit bien souvent dans la sphère familiale.

« La soumission chimique, dans l’esprit des gens, ça se restreint à du GHB dans un verre d’alcool dans un bar, et surtout dans la population étudiante. Pas du tout! La soumission chimique, c’est bien plus large », déclarait Caroline Darian à BFMTV.com en avril 2022, alors que son livre, Et j’ai cessé de t’appeler papa, venait d’être publié.

Ce fléau reste encore méconnu du grand public, alors qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique majeur. La mère de Caroline Darian était notamment anesthésiée par des anxiolytiques et des somnifères, présents dans l’armoire à pharmacie familiale, et avec un procédé « tout à fait simple ».

« C’était dans son verre d’eau à table, le midi ou le soir. Ça pouvait aussi être dans son assiette, à partir du moment où les médicaments étaient écrasés et mélangés ».

Des symptômes méconnus

Les proches peuvent alors être témoins de situations étranges, qui restent inexpliquées faute de sensibilisation du grand public comme des professionnels à ce fléau.

« Pendant dix ans, nous, avec mes frères, avons été les témoins impuissants », explique Caroline Darian sur BFMTV.

« On avait notre mère au téléphone (…) elle tenait des propos incohérents, on avait le sentiment qu’elle était dans un état d’ivresse avancé alors qu’elle ne boit pas une goutte d’alcool. Elle ne se souvenait pas des conversations qu’on avait eues la veille, voire le matin même », détaille-t-elle.

Si le grand public était sensibilisé à ces « symptômes d’alertes » de la soumission chimique, les proches victimes pourraient être accompagnés afin d’effectuer des analyses toxicologiques, souligne Caroline Darian. Cette campagne expliquera notamment les symptômes afin qu’ils soient mieux connus.

Une cinquantaine de personnalités comme Olivia Ruiz, Daphné Bürki, ou Roxana Maracineanu, se sont engagées à relayer la campagne de sensibilisation. « Elles sont sensibles à cette question qui touche les femmes en première ligne, mais aussi des enfants ou des personnes âgées », explique Caroline Darian dans les colonnes du quotidien.

Sensibiliser et former les médecins

Dans le corps médical aussi, le manque de formation à ce fléau se fait ressentir. « Ma mère avait perdu beaucoup de poids. Elle perdait beaucoup ses cheveux, elle était anémiée. Son rythme de sommeil était complètement déréglé, elle souffrait d’insomnies », explique Caroline Darian à BFMTV.com. Elle avait pourtant consulté trois neurologues, notamment pour des trous de mémoire, ainsi que des médecins généralistes et son gynécologue.

« C’est passé totalement en-dessous des radars parce que les professionnels de santé ne sont absolument pas sensibilisés, ni même formés, à détecter ce type de cas », déplore-t-elle.

La campagne vise donc aussi à sensibiliser les médecins afin que « confrontés à des symptômes inexplicables, ils soient en mesure d’évoquer ce diagnostic faisant ainsi gagner un temps précieux à leurs patients », indique sur le site internet de la campagne la docteure Ghada Hatem-Ganzer, fondatrice de la Maison des Femmes 93.

« Avant d’imaginer que dans une famille, qui est supposé être le lieu de la sécurité, de la bienveillance (…) on vous drogue, pour un médecin c’est conceptuellement difficile », indique la docteure sur BFMTV. Elle appelle toutefois à ce que « nous sachions que ça existe » et soyons « en capacité d’y penser ».

600 cas par an, un chiffre largement sous-estimé

Le mouvement #Mendorspas est totalement bénévole, précisent ses membres. Il vise à « tenter de mieux prévenir, de protéger et d’optimiser la prise en charge des victimes de soumission chimique dans la sphère privée ».

Le nombre de cas de soumission chimique chaque année est très difficilement quantifiable en France. Officiellement, on parle de 600 cas par an, mais ce chiffre est largement sous-estimé. Certaines victimes ne s’en rendent pas compte, d’autres sont atteintes d’amnésie provoquée par les sédatifs. Il est également difficile pour certaines de déposer plainte, surtout contre des proches.

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