Les députés européens débattent cette semaine de l’instauration d’Euro 7. Cette norme doit fixer les nouvelles exigences en matière d’émissions polluantes des gaz d’échappement.
Les débats promettent d’être tendus au parlement européen tant Euro 7 divise. La norme doit remplacer la réglementation actuelle, en vigueur depuis 13 ans, « Euro 6 ». Avec Euro 7, l’idée est de contrôler de manière plus sévère les émissions d’oxydes d’azote et de particules fines issues des véhicules, de les rendre plus propres pour lutter contre la pollution de l’air. Depuis 2018, la commission européenne travaille sur une proposition, qu’elle a rendu publique en novembre 2022.
Le projet avait déjà déçu de nombreuses associations environnementales qui le trouvait hautement insuffisant. « Certains vont reprocher à la Commission d’être trop ambitieuse, d’autres de ne pas l’être assez, expliquait Thierry Breton, à l’issue de la présentation du texte. C’est bien la preuve que nous avons trouvé le bon équilibre ».
« Nous offrons une bonne visibilité au secteur automobile. Pour le marché domestique comme pour le marché international », continuait le Commissaire européen au marché intérieur.
Le lobby automobile à la manoeuvre
Un équilibre que les constructeurs automobiles n’ont pourtant pas trouvé à leur goût. Sur la norme Euro 7, ces derniers sont unanimes: elle doit être purement et simplement jeté aux oubliettes. Aucun d’entre eux ne veut consacrer du temps et de l’argent à cette nouvelle norme alors qu’ils sont tous pleinement engagés dans leur conversion à l’électrique.
Une nouvelle norme nécessite en effet de transformer les voitures et cela coûte cher, très cher, si l’on en croit Luca de Meo. Selon les calculs du directeur général de Renault, également président de l’ACEA, le puissant lobby automobile européen, la norme euro 7 pourrait coûter des « milliers d’euros par voiture ». « Chez Renault, elle pourrait même conduire à la fermeture de quatre usines à court terme » expliquait-il au mois de février dernier.
En coulisses, le lobby automobile a donc œuvré pour alléger la proposition initiale de la commission européenne, ce que révèle dans le détail une enquête publiée par le site VoxEurop. Les membres de l’ACEA ont multiplié les rendez-vous avec des hauts membres de la commission et ont aussi réussi à faire entendre leurs arguments dans les milieux politiques.
« On entend la petite musique de l’ACEA un peu partout, chez tous les acteurs de la filière automobile française, explique Marie Chéron, responsable des politiques véhicules de l’organisation Transport & Environnement. Depuis quelques mois ils entonnent le refrain soufflé par le lobby automobile: il y a trop de normes, beaucoup trop de normes ».
Une norme Euro 6 déguisée
La politique de l’ACEA porte ses fruits. En septembre, sous l’impulsion notamment de la France et l’Italie, les 27 se prononcent en faveur d’une version allégée de la norme Euro 7.
« C’est une norme Euro 6 déguisée », estime Marie Chéron.
Les limites d’émissions polluantes pour les voitures particulières ainsi que les conditions des tests sont inchangées, elles ne se durcissent que pour les camions et les bus.
Le calendrier est lui décalé: initialement prévue en 2025, la norme Euro 7 ne devrait finalement entrer en vigueur qu’en 2030. « Le texte a été complétement détricoté » s’insurge Marie Chéron, « c’est un raté total pour l’Europe ». Karima Delli, qui suit le dossier depuis le scandale du Dieselgate en 2015, est sur la même ligne. La présidente de la commission Transport au parlement européen estime qu’avec cette nouvelle mouture d’Euro 7, « on va continuer à empoisonner des gens ». Les députés européens se prononceront ce jeudi à 11h. Leur vote sera « crucial », prévient Karima Delli.
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