Le gouvernement a confirmé la fin du retrait de points pour les excès de vitesse de moins de 5 km/h, même si l’amende sera maintenue. Le débat fait rage entre défenseurs et opposants à cette mesure.
C’était une mesure attendue: la fin du retrait de points pour les petits excès de vitesse, a été officiellement confirmée hier par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Et c’est une décision qui fait débat.
Quel changement?
A partir du 1er janvier 2024, les excès de moins de 5 km/h sur la vitesse retenue entraineront toujours une amende, et donc clairement une sanction financière, mais plus le retrait d’un point qui s’applique actuellement à tous les excès de moins de 20 km/h par rapport à la limitation en vigueur.
En agglomération, un excès inférieur de moins de 20 km/h donne lieu à une amende forfaitaire de 135 euros (90 euros minoré). Hors agglomération, l’amende est de 90 euros (68 euros minoré).
A noter aussi qu’il s’agit bien de la vitesse retenue: elle est 5 km/h inférieure à la vitesse enregistrée pour les vitesses inférieures à 100 km/h, et 5% inférieure au-delà 100 km/h.
Concrètement, sur une limitation à 50 km/h, la verbalisation s’applique à partir d’une vitesse enregistrée de 61 km/h, qui sera retenue à 56 km/h (limitation à 50 + marge d’erreur dite « technique » de 5 km/h). Sur les autoroutes à 130, la verbalisation s’applique à partir d’une vitesse enregistrée de 142 km/h, soit 137 km/h de vitesse retenue (limitation à 130 + marge d’erreur de 5% de 130, soit 6,5 km/h).
Bon sens…?
Premier défenseur de cette mesure: Gérald Darmanin. « Je suis élu d’un territoire où je croise sans cesse des femmes et des hommes qui m’expliquent qu’ils font 30-40 km le matin pour aller travailler, 30-40 km le soir pour rentrer du travail, qui vont chercher leurs enfants à l’école, et qui passent (…) devant 10 radars automatiques chaque jour pour aller travailler. (…) Lorsque 5 fois par semaine vous passez devant 10 radars automatiques, vous avez une chance assez forte d’être un tout petit peu plus au-dessus de la vitesse autorisée », a expliqué le ministre de l’Intérieur ce jeudi matin, au lendemain de l’annonce de cette décision.
« Une mesure de bon sens » pour Gérald Darmanin, qui insiste sur la volonté de ne pas trop sanctionner les petits excès réalisés sur les trajets du quotidien, même si l’amende restera, selon lui, dissuasive. Surtout sur cette catégorie de travailleurs pour qui une amende « entre 6O et 135 euros » reste « une sanction extrêmement forte ».
« On ne va pas leur retirer par ailleurs leur outil de travail, qui est leur permis de conduire, alors qu’ils n’ont été qu’à 2-3 km/h au-dessus de la tolérance du ministère de l’Intérieur », a-t-il ajouté.
Cette mesure était réclamée de longue date par des associations d’automobilistes. C’est le cas notamment de la Ligue des Conducteurs, comme l’explique sa porte-parole Alexandre Legendre:
« On ne va pas bouder son plaisir qu’on arrête de supprimer un point pour des tout petits dépassements de vitesse qui sont plus le fait d’une étourderie ou d’un manque d’attention plutôt que la volonté délibérée de ne pas respecter le code de la route. »
Pour Yves Carra, porte-parole de l’Automobile club association, il faut attendre de voir le décret d’application de cette mesure pour savoir si la fin du retrait de points s’appliquera à toutes les routes et aux particuliers comme aux professionnels.
« Un camion à 90 ou 95 km/h, au niveau de la consommation, au niveau de l’impact en cas de choc, ce n’est pas pareil (qu’une voiture particulière) », a-t-il souligné sur BFMTV.
… ou non-sens?
Mais la mesure a également ses détracteurs. Gilles Foursicot, avocat de familles de victimes de la route, dénonce ainsi un « détricotage complet du permis à points »:
« On a une déclaration de Darmanin qui est tonitruante, qui est limite populaire voire même populiste, et qui n’a aucune réflexion derrière sur la sécurité routière. »
L’avocat regrette également le manque de concertation sur ce sujet:
« Objectivement, je m’inquiète qu’il y ait une telle déclaration fracassante sans qu’il y ait un débat avec des associations de sécurité routière, voire même des associations d’automobilistes, mais surtout de débats à l’Assemblée nationale. »
Autre argument brandi par Gilles Fouriscot pour s’opposer à cette mesure: des automobilistes avec des revenus plus importants qui seront moins touchés par une sanction uniquement financière: « On a un permis à points qui fonctionne sur un principe d’égalité: que vous soyez pauvre ou riche, vous avez exactement le même nombre de points. Que va-t-il rester? Une amende. Mais une amende de 135 euros pour un excès en agglomération, ce n’est pas du tout la même chose si vous êtes smicard à 1350 euros, que quand on est cadre à 5000 euros nets par mois. »
« On va avoir une inégalité qui va être prévue par Darmanin en fonction des revenus alors que le principe c’est l’égalité de tous par le titre administratif qu’est le permis de conduire. »
Attention aussi aux effets de cette mesure sur les chiffres des accidents de la route. Si 58% des amendes avec retraits de points concernent ces « petits excès de vitesse », pour Yves Carra, ces retraits d’un point ne sont pas le plus souvent à l’origine d’un risque de permis annulé.
« Je discute souvent avec les stagiaires (pour récupérer des points sur le permis), et au début (on me dit) ‘ah, j’ai perdu des points à cause des (excès de) moins de 20 km/h’, et quand on discute un peu plus profondément, il y a toujours des infractions supplémentaires et plus graves: un stop, un feu. »
« On ne perd pas de permis parce qu’on a perdu uniquement des points avec du moins de 20 km/h », a souligné le porte-parole de l’Automobile Club association.
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