Face au fléau des punaises de lit, les lieux qui accueillent du public à longueur de journée sont particulièrement vulnérables. Transports en commun, cinémas, hôpitaux… Plusieurs établissements ont détaillé à BFMTV.com quels moyens ils mettaient en place pour éviter d’être envahis par ces nuisibles qui menacent leur clientèle ou patientèle.
« Une petite bête se glisse dans vos vêtements et c’est fini ». Les punaises de lit, en pleine recrudescence en France depuis les années 1990, ne se cantonnent plus à vos matelas et votre linge de lit. Transports en commun, hôtels, cinémas, hôpitaux… Aucun lieu accueillant du public n’est vraiment à l’abri face à ce petit parasite.
Ces dernières semaines, plusieurs salles de cinéma parisiennes ont ainsi été épinglées sur les réseaux sociaux, alors que des internautes racontent avoir été piqués ou infestés en leur sein. À Lyon ou à Boulogne-sur-Mer, des services hospitaliers ont même dû fermer plusieurs jours à cause d’une invasion de punaises de lit.
Ces petites bêtes, de la taille d’un pépin de pomme, sont transportées dans les vêtements et les bagages et se glissent généralement dans les bordures de lits afin de se nourrir de sang humain la nuit. Si elles ne sont pas dangereuses et ne transmettent pas de maladies, elles provoquent d’importantes nuisances telles que des troubles du sommeil, de l’anxiété ou un isolement social.
Des salles de cinémas coutumières du fait
Le problème n’est pas nouveau, à en croire les salles de cinéma, qui martèlent qu’elles n’ont pas attendu cette nouvelle flambée de cas pour s’emparer du problème. L’UGC Ciné Cité des Halles, par exemple, explique à RTL que ses salles obscures sont « traitées chaque semaine » de manière préventive. « Et dès qu’il y a un signalement, on traite à nouveau », précise-t-on.
Même lorsqu’il n’y a pas de soupçons d’invasion, des chiens renifleurs passent trois à quatre fois par an dans les salles du cinéma indépendant « Les 7 Parnassiens » du XIVe arrondissement de Paris. « C’est ce qu’il y a de plus efficace pour déceler leur présence », selon la directrice d’exploitation de la salle.
Les cinémas MK2, eux-aussi, font passer des entreprises spécialisées dans la détection et l’éradication des punaises de lit tout au long de l’année. Et celles-ci font régulièrement appel à des brigades de détection canines pour s’assurer de la sanité d’un lieu.
« Le ou les chiens guident l’entreprise pour déterminer si nous faisons face à une infestation », confie une employée du groupe, sous couvert d’anonymat. « Ils flairent l’odeur des oeufs et des punaises vivantes ». Si aucune punaise n’est détectée, ‘un certificat de non infestation’ est alors délivré par l’entreprise ».
Dans le cas d’une suspicion comme cela avait pu être le cas dans une salle parisienne fin 2018, les sociétés de décontamination peuvent avoir recours à un traitement par entothermie, soit par élévation de la température de la pièce ou du bâtiment à plus de 60°C pendant plusieurs heures. Des fumigènes ou des générateurs de vapeur sèche à 180°C – comme le Cimex Eradicator – sont également utilisés plus localement, sur les sièges et dans les recoins des pièces concernées.
Pièges, insecticides… Le défi des transports en commun
Mais ces nuisibles ne se cantonnent pas aux salles de cinéma et les transports en commun, qui brassent du monde, sont particulièrement vulnérables à ce petit parasite. Des punaises de lit ont par exemple été découvertes dans les rames du métro marseillais en juillet dernier, et ce malgré les opérations de décontamination organisées chaque année par la RTM. Celles-ci sont menées au printemps pendant deux jours, « sur tous les matériels » et « avec des produits qui peuvent s’avérer toxiques ».
« En règle général, cela suffit pour limiter le développement de ces nuisibles », expliquait cet été Denis Costopoulo, directeur général adjoint de la RTM en charge de l’exploitation, interrogé par BFM Marseille.
À la SNCF, on assure que les choses sont sous contrôle, et qu’aucune punaise de lit n’a jamais été signalées au niveau des lignes TGV. Quant au parc Intercités et aux trains de nuit, « le nombre de cas remontés » en leur sein est en forte baisse voire quasi nul depuis plusieurs années, notamment en raison de la purge et de la rénovation des voitures engagée en 2020 et achevée à l’été 2023.
Par ailleurs, « une trame de traitement » à suivre en cas de suspicion de nuisibles (cafards, fourmis, punaises de lit…) a été imaginée pour les TGV et les Intercités. Ainsi en plus du nettoyage des voitures réalisé quotidiennement, un traitement anti-nuisible préventif est appliqué par les équipes tous les deux mois maximum.
En cas de signalement isolé, des pièges spécifiques sont posés dans l’ensemble de la rame, de l’insecticide est vaporisé dans toutes les voitures et de la poudre de diatomée (un biocide non-toxique) ou du gel anti-nuisible sont appliqués si besoin dans les zones d’humidité ou les zones non accessibles aux clients.
Ce dispositif est ensuite renouvelé tous les 15 jours pendant un mois minimum, avec un contrôle de la rame toutes les semaines. Dans le cas où une présence plus importante de nuisibles serait signalée, la rame est alors sortie du service commercial afin de subir des traitements intensifs quotidiens jusqu’à disparition des nuisibles (avec démontages d’un certain nombre d’éléments à l’intérieur des voitures si besoin). Cela peut durer entre 3 à 5 jours, avant que la rame ne soit suivie et contrôlée toutes les semaines durant le mois qui suit sa remise en service commercial.
« Les hôpitaux armés pour gérer ce risque »
À l’hôpital, il n’est pas rare que des services ou des chambres soient envahis par les punaises de lit. « On est appelé 8 à 12 fois par an pour des punaises de lit », note Delphine Grau, responsable médicale de l’unité hygiéniste à l’hôpital de Montpellier, qui considère que le nombre de cas signalés est « largement sous-estimé ».
Toutefois, les hôpitaux sont généralement « mieux armés » pour lutter contre les parasites que les autres lieux accueillant du public, selon Jonathan Debeauve, directeur de la communication du centre hospitalier de Besançon. Et pour cause, ils sont a minima dotés d’un service de bactériologie et d’hygiène, voire d’une unité d’Entomologie médicale comme c’est le cas à Nice, au sein du service de Parasitologie-Mycologie.
« Ce type de risque, nous avons l’habitude de le gérer, comme les poux, les blattes ou la galle », explique Jonathan Debeauve. « On a des spécialistes qui maîtrisent le sujet et aujourd’hui dans la plupart des hôpitaux, tout est fait pour éviter la transmission d’infections nosocomiales ».
« Vous remarquerez par exemple que les matelas, lits, banquettes et fauteuils ne sont plus en tissu, mais tout ou presque est désormais plastifié pour éviter que les bactéries ou les parasites s’y logent », note-t-il encore.
Pour le Dr Delphine Grau, la difficulté à l’hôpital réside dans « l’identification rapide » des punaises de lit. « Leur détection est hyper difficile car ces petites bêtes ne sortent que la nuit et se cachent le jour. Seules de petites tâches de sang sur la literie ou des lésions cutanées sur le patient peuvent nous alerter et nous permettre de mettre en place les mesures adéquates pour éviter une propagation ».
Au centre hospitalier de Nice, le personnel médical et paramédical est ainsi sensibilisé et formé à la problématique, et des procédures d’action précises ont été rédigées par le Service d’Hygiène du centre hospitalier afin de réagir correctement au moindre soupçon. Une photo de l’insecte suspect est systématiquement envoyée à l’unité d’Entomologie pour identification, ainsi que l’insecte lui-même dans une boîte étanche.
Une procèdure contraignante pour l’hôpital
Et en cas de confirmation qu’il s’agit bien de punaise de lit, des actions sans insecticide sont majoritairement proposées (nettoyage, chaleur, congélation…) pour s’en débarrasser, et une société de désinsectisation est sollicitée dans les 12 heures. Pour éviter la transmission dans l’établissement, les soignants doivent protéger leur tenue par des surblouses à manches longues à usage unique, des gants et des surchaussures, et la manipulation du linge du patient est scrupuleuse.
En cas de suspicion, Delphine Grau, de l’hôpital de Montpellier, préconise d’ailleurs d’isoler le patient en chambre individuelle dans la mesure du possible, même si elle reconnaît que cela se révèle souvent « compliqué »; et surtout de limiter ses déplacements.
Son linge est alors traité selon une procédure très stricte: il est isolé en double emballage dans des sacs, saupoudré d’un produit antiparasitaire qu’on laisse agir pendant quelques heures. Puis les draps, taies d’oreiller, partent dans un sac dédié et identifié vers la blanchisserie, où il sera lavé en machine à laver à une température de 60°C pour éradiquer les punaises à tous leurs stades d’évolution.
Enfin, des conseils de restauration de l’habitat sont donnés aux proches du patients en vue de sa sortie. « C’est absolument nécessaire que l’habitat soit traité, bien souvent par une entreprise spécialisée. C’est la base, mais ça n’est pas toujours évident pour tout le monde ».
La lutte chimique, elle, est particulièrement contraignante au sein des établissements hospitaliers, au vu des tensions que rencontre le secteur en terme de places. « Pour éviter toute résistance des punaises, il est recommandé que ces entreprises spécialisées interviennent au moins deux fois dans la chambre à quelques semaines d’intervalle pour être sûr que les larves sorties des oeufs ne rééclosent et qu’il y ait une efficacité totale ». Ce qui signifie que la ou les espaces infectés doivent être clos pendant autant de temps.
Entre 2017 et 2022, 11% des ménages français auraient été infestés par ces nuisibles, selon un sondage Ipsos réalisé en juillet dernier pour un groupe de travail mis en place par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
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