L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée et 2024 commence en suivant la même tendance. La fin annoncée du phénomène El Niño, qui réchauffe naturellement la planète, pourrait infléchir cette orientation. Pourtant, le dérèglement climatique pousse toujours plus vers la surchauffe et cause des dommages irréversibles.
Un hiver déjà record. Les trois derniers mois ont été les plus chauds jamais enregistrés dans le monde, a annoncé ce jeudi 7 mars l’observatoire européen Copernicus. Après une année 2023 record, avec 14,98 °C de moyenne sur l’ensemble du globe, 2024 commence dans la chaleur. Le mois de février est 1,77°C au-dessus d’un février moyen sur la période 1850-1900.
« Ce n’est pas une surprise pour les climatologues car ces températures sont dans la gamme des possibles des projections climatiques, en raison du réchauffement planétaire et du phénomène El Niño », confie Françoise Vimeux, climatologue à l’institut de Recherche pour le Développement.
« On est sur la fourchette haute des prévisions du Giec« , ajoute Davide Faranda, climatologue au CNRS, qui déplore « des mauvaises nouvelles ».
Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter
En effet, « la première cause, c’est le changement climatique », décrit-il. Et alors que les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines et à l’exploitation des énergies fossiles continuent, la tendance va se poursuivre pour cette année 2024.
« Plus les émissions de gaz à effet de serre continuent et se cumulent année après année, plus le pouvoir réchauffant se renforce », indique Françoise Vimeux.
« Les gaz à effet de serre qui emprisonnent la chaleur sont sans équivoque le principal responsable » de ces températures extrêmement élevées, affirme d’ailleurs l’Organisation météorologique mondiale (OMM), rattachée à l’ONU. Les émissions dans l’atmosphère ont atteint un nouveau record en 2023.
El Niño a atteint son pic
Outre le réchauffement climatique, les températures record de l’année dernière peuvent s’expliquer par les oscillations naturelles du climat, et notamment par le phénomène El Niño. Il se traduit par un réchauffement d’une grande partie du Pacifique tropical et se produit généralement tous les deux à sept ans pour durer entre neuf et 12 mois.
El Niño induit en moyenne une hausse des températures moyenne de 0,1 ou 0,2°C à l’échelle de la planète et augmente le risque d’événements climatiques extrêmes dans de nombreuses régions.
Le phénomène a atteint son pic en décembre. « L’intensité de l’événement diminue même s’il est toujours présent », explique Françoise Vimeux. En effet, selon les projections, il pourrait s’arrêter vers la fin du printemps ou à l’été, même si son impact pourra ensuite encore perdurer quelques mois.
« Le trimestre qui vient devrait toujours être influencé par El Niño », résume la climatologue.
« Il y a environ 60% de chances qu’El Niño persiste entre mars et mai et 80% de chances que des conditions neutres soient observées d’avril à juin », a indiqué l’OMM, qui prédit des températures au-dessus de la normale entre mars et mai sur la terre ferme.
Des océans bouillonnants
Les données de Copernicus publiées ce jeudi mettent également en lumière une autre problématique qui pourrait avoir un impact durable sur les températures de 2024. La température moyenne des océans, qui recouvrent 70% de la Terre, a atteint un nouveau record absolu, tout mois confondus, avec 21,06°C enregistrés en février à la surface des mers (hors zones proches des pôles).
Les scientifiques observent des canicules marines inédites dans l’Atlantique nord. Cet océan a connu « un effet atmosphérique qui est venu s’ajouter au réchauffement climatique », avec « moins de vent donc moins de refroidissement et plus de chauffage direct de l’atmosphère », détaille à l’AFP Juliette Mignot, océanographe à l’Institut de recherche pour le développement.
« Un Atlantique très chaud a des effets sur le climat européen », explique Davide Faranda.
D’abord, cela explique en partie les importantes précipitations sur une partie nord-ouest de l’Europe depuis plusieurs mois. De plus, « il y a un transfert de cette chaleur à l’atmosphère et donc une hausse des températures de surface des terres », indique le climatologue. Des océans bouillonnants comme aujourd’hui poussent ainsi à la hausse le mercure mondial en ce début d’année.
En outre, ce réchauffement menace directement la vie marine et peut réduire les capacités d’absorption de nos émissions de gaz à effet de serre dans les mers, puits de carbone qui absorbent 90% de l’excès d’énergie de l’activité humaine.
Vers un phénomène refroidissant El Niña?
« 2024 était en bonne voie pour être une autre année très chaude, potentiellement une année record, mais les chances que cela se produise pourraient diminuer si on se dirige très rapidement vers un phénomène La Niña », a souligné auprès de l’AFP Carlo Buontempo, directeur du service sur le changement climatique de Copernicus.
La Niña est le phénomène sœur d’El Niño et a tendance, de son côté, à refroidir naturellement le climat. Elle pourrait intervenir en fin d’année, comme l’indique l’agence océanographique américaine NOAA, mais nous pourrions également rester dans des conditions climatiques plus neutres.
Dans les deux cas, les températures, soutenues par le réchauffement climatique, ne devraient toutefois pas chuter. « On pourrait revenir aux températures moyennes des années avant 2023 mais l’effet du changement climatique pourrait aussi empêcher cela », explique Françoise Vimeux.
« On n’a pas de boule de cristal, les prévisions saisonnières sont très compliquées », concède la climatologue.
« Des dommages irréversibles »
« Il y a de fortes chances que ce soit encore une année très chaude même si cela est difficile à prévoir », abonde Davide Faranda. En outre, il explique que la fin d’El Niño ne suffira pas à inverser la tendance du changement climatique.
« À chaque fois qu’on bat des records de températures, on a des dommages irréversibles ou presque sur les écosystèmes », déplore-t-il, citant l’exemple des mégafeux survenus récemment au Chili ou au Canada l’an dernier. Ces événements provoquent de fortes émissions de gaz à effet de serre et, par la suite, les forêts ne peuvent pas totalement se régénérer.
Autre illustration: avec les fortes chaleurs mondiales, les neiges, glaciers et même la banquise fondent. « On ne peut pas reconstituer toute la masse perdue même pendant un épisode La Niña », détaille Davide Faranda.
Pourtant, ces milieux sont essentiels notamment car ils contribuent à renvoyer la chaleur du soleil vers l’espace grâce à leur couleur blanche. Par conséquent, les pôles se réchauffent plus vite que le reste de la planète.
« En tant que scientifique, on voit les projections climatiques se réaliser mais on ne pensait pas déjà voir les impacts par exemple sur l’économie, l’agriculture, les phénomènes météorologiques extrêmes… » conclut Davide Faranda.
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