Pour les pédiatres interrogés par BFMTV.com, la crise des services de pédiatrie en France explique la saturation de l’hôpital public. Mercredi, le ministre de la Santé a déclenché le plan Orsan.
Dans son bulletin hebdomadaire relatif à l’épidémie de bronchiolite publié mercredi, Santé Publique France a souligné le caractère inédit de la vague qui s’abat actuellement sur la France. Le nombre de passages aux urgences et d’hospitalisations se situe « à des niveaux supérieurs à ceux observés aux pics épidémiques depuis plus de 10 ans ».
Mercredi au Sénat, le ministre de la Santé François Braun a indiqué que le plan Orsan allait être déclenché dans les hôpitaux français, pour faire face au nombre important d’hospitalisations. Toujours selon Santé Publique France, 6891 passages aux urgences liés à la bronchiolite ont été enregistrés du 31 octobre au 6 novembre. Ce plan Orsan prévoit notamment des déprogrammations et des réquisitions de soignants si nécessaire.
La crise de l’hôpital
Mais comment expliquer ce retour en force de la bronchiolite, après une relative accalmie durant la pandémie de Covid-19, qui avec ses confinements successifs et ses gestes barrières a protégé les plus petits? Pour les spécialistes interrogés par BFMTV.com, ce n’est pas tant un phénomène épidémique exceptionnel qui est responsable de la situation décrite par François Braun, mais plutôt l’incapacité du système hospitalier français à absorber les demandes d’hospitalisation qui lui sont présentées.
« Actuellement, l’hôpital est comme un bateau qui coule. Et l’épidémie de bronchiolite, c’est un peu la tempête qui peut le faire sombrer », analyse pour BFMTV.com Véronique Hengten, pédiatre au centre hospitalier de Versailles.
Pour la médecin, « il y a 10 ans, on était capable de prendre en charge les enfants. Ce n’est plus le cas désormais, les hôpitaux sont exsangues, et on doit en plus faire face à une forte épidémie. Le gouvernement a en réalité déclenché le plan blanc pour faire face à l’urgence ».
Des propos qui entrent en résonnance avec la lettre ouverte envoyée le 22 octobre par plus de 7000 soignants en pédiatrie, pour alerter sur la saturation des services.
Les difficultés de la médecine de ville
« On peut se demander s’il y a un dimensionnement correct de l’hôpital, si à chaque épidémie on se met à déclencher un plan blanc… », abonde Yvon Le Flohic, médecin généraliste contacté par BFMTV.com. Ce dernier estime que la réduction progressive des généralistes et des pédiatres en ville participe à l’encombrement des urgences.
« Ces dernières années, on a vu une disparition des pédiatres en ville, mais également des généralistes. En France, 6 millions de personnes n’ont pas de généralistes. Ce sont donc des gens qui dès que ça va toucher leur enfant, vont directement se tourner vers l’hôpital », déclare-t-il.
Selon Sylvie Hubinois, pédiatre libérale à Saint-Germain-en-Laye, la France ne formait jusqu’à présent que 300 pédiatres chaque année. Un nombre qui a légèrement remonté, mais qui reste insuffisant. « La pédiatrie en France a toujours été faible, nous avons peu de pédiatres par habitant comparé à nos voisins européens qui ont également un système de pédiatre en ville », regrette la médecin.
« En ville, nous sommes débordés, en plus des consultations habituelles, les pédiatres doivent gérer 10 à 15 urgences par jour! », continue Sylvie Hubinois.
Un dérèglement causé par le Covid-19?
Les problèmes structurels mis de côté, il n’en reste pas moins que l’actuelle épidémie de bronchiolite reste importante d’un point de vue sanitaire. Les spécialistes interrogés soulignent tous le possible rôle dérégulateur joué par la pandémie de Covid-19 ces deux dernières années, tout en rappelant qu’il ne s’agit que d’hypothèses.
Durant l’hiver 2020, l’épidémie avait été contenue du fait des confinements et des gestes barrières, rappelle Sylvie Hubinois, avant qu’elle ne fasse son retour à l’hiver 2021, du fait du relâchement des mesures de freinage épidémique.
Pour Véronique Hentgen, « sur la vigueur de cette année, nous n’avons que des hypothèses. Toutes les épidémies ont été désorganisées depuis le Covid-19 ». Preuve en est, cet automne, de nombreux cas de bronchiolite ont été signalés très tôt, dès le mois d’octobre.
« On peut se poser la question de l’écosystème des épidémies, qui semblent toutes avoir été impactées par le Covid-19, qui de par sa puissance a pris beaucoup de place », abonde Yvon Le Flohic.
Ne pas trop exposer ses enfants
Dans ce contexte défavorable, les parents sont appelés à la prudence. D’autant que le ralentissement de l’augmentation des cas ne pourrait être lié qu’aux vacances scolaires, entraînant une réduction des contacts chez les enfants. « Ça peut repartir de plus belles après! », met en garde Véronique Hentgen.
Pour les pédiatres contactés par BFMTV.com, il est impératif que les parents de jeunes enfants, particulièrement quand ils sont âgés de moins de trois mois, prennent des précautions. La bronchiolite se déclenche principalement chez les touts petits, et est causée par un virus, le VRS. Les symptômes qui doivent alarmer sont de la fièvre, une difficulté à respirer et à s’alimenter.
« Il faut absolument éviter les endroits trop peuplés, les centres commerciaux par exemple. Et lors des repas de famille, il ne faut pas se passer le bébé de bras en bras, quitte à paraître trop prudent! », insiste Sylvie Hubinois.
Avant de rappeler que la bronchiolite est dans la grande majorité des cas bénigne. « Quand l’enfant s’alimente encore correctement, il n’est pas nécessaire de consulter ».
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