Le parquet national financier a ouvert une information judiciaire visant la gestion des comptes de campagne du candidat Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017. La justice soupçonne des salariés du cabinet de conseil McKinsey d’avoir travaillé bénévolement pour la campagne.
« Personne ne m’a écrit, personne ne m’a appelé », a réagi ce vendredi Emmanuel Macron alors qu’une information judiciaire a été ouverte par le parquet national financier sur des soupçons de manipulation des comptes de campagne pour la présidentielle de 2017 et 2022.
Si le PNF ne précise pas quels candidats sont visés par cette procédure, selon les informations de BFMTV, les juges d’instruction nommés vont bien chercher à déterminer s’il y a eu des irrégularités dans la campagne présidentielle de 2017 du candidat de La République en marche.
· Pourquoi la campagne de 2017 d’Emmanuel Macron est dans le collimateur de la justice?
Deux informations judiciaires ont été ouvertes les 20 et 21 octobre derniers par le parquet national financier. La justice avait alors été saisie de plusieurs signalements et de plaintes d’élus, de particuliers et d’associations.
La première information judiciaire est ouverte des chefs de « tenue non conforme de comptes de campagne » et « minoration d’éléments comptables dans un contexte de campagne ».
Dans son communiqué le PNF évoque « les conditions d’intervention de cabinets de conseils dans les campagnes électorales de 2017 et de 2022 ». Mais selon nos informations, cette procédure vise bien la campagne d’Emmanuel Macron en 2017, et pas un autre candidat.
La justice soupçonne qu’une dizaine de salariés du cabinet de conseil McKinsey, auquel la présidence Macron a eu largement recours pendant son premier quinquennat, a travaillé bénévolement pour élaborer le programme du candidat avant le scrutin en 2017.
Jusque-là, rien d’illégal. Sauf que ce travail aurait été organisé par le cabinet de conseil et ces salariés auraient été affectés à des tâches bien précises pendant leur temps de travail. Ce qui constitue une infraction visant à minorer les dépenses de campagne.
· Quelles sont les autres procédures visant McKinsey?
La seconde information judiciaire ouverte par le PNF concerne des faits de « favoritisme ». À savoir la contrepartie du travail bénévole réalisé par les équipes de McKinsey.
Un rapport du Sénat avait établi en mars dernier « le phénomène tentaculaire » de recours aux cabinets de conseil par l’État depuis l’entrée en fonction d’Emmanuel Macron. Les principales interrogations portaient sur la collaboration avec le cabinet américain McKinsey, avec lequel un contrat de 12,3 millions d’euros avait été signé pendant la crise sanitaire liée au Covid-19 et un autre de 3,88 millions d’euros pour gérer la mise en œuvre de la réforme des APL.
La justice soupçonne aujourd’hui que ces contrats sont la contrepartie du travail fournit par les équipes du cabinet de conseils pendant la campagne. Elle cherche désormais à établir si ces contrats sont légaux ou s’ils ont été signés au mépris des règles de mise en concurrence imposées à l’Etat lors de marchés publics.
Enfin, après la publication du rapport des sénateurs, le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire le 31 mars pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » visant le cabinet McKinsey. Le cabinet est aujourd’hui soupçonné de ne pas avoir payé d’impôts en France pendant 10 ans, de 2011 à 2020, grâce à un système d’optimisation fiscale. Une perquisition a été déjà menée dans ce dossier le 24 mai. Si des éléments intéressants les autres procédures y ont été trouvés, ils seront versés aux autres dossiers.
· Pourquoi la justice ouvre ces enquêtes?
À la suite de la publication du rapport du Sénat, le PNF a été destinataire de très nombreuses plaintes et courriers concernant les liens entre Emmanuel Macron et le cabinet McKinsey. Des courriers adressés par des élus, des particuliers et d’associations apportant des éléments circonstanciés sur une possible infraction.
· Comment réagit l’Élysée?
Interrogé ce vendredi sur l’ouverture de ces informations judiciaires, Emmanuel Macron aspire à ce « que toute la lumière soit faite et que toute la transparence soit faite ».
« J’ai appris par la presse que des associations et des élus avaient saisi la justice. C’est normal que la justice fasse son travail. Elle le fait librement, elle va faire la lumière sur ce sujet. Les comptes de 2017 ont déjà été regardés, reregardés, reregardés », a déclaré le président de la République.
« Il ne vous a pas échappé que parfois il peut y avoir des problèmes dans les comptes de campagne mais les miens ont été regardés comme tous les candidats de 2017. Les choses se feront normalement avec sérénité et transparence », a-t-il ajouté depuis Dijon.
Emmanuel Macron bénéficie d’une immunité présidentielle pendant toute la durée de son mandat. Il ne peut donc pas être entendu tant qu’il est président par la police ou les magistrats.
Pendant la présidentielle de 2022, Emmanuel Macron avait réfuté toute « combine », affirmant que les contrats conclus entre l’État et McKinsey l’avaient été dans le respect des règles en vigueur. « Aucun contrat n’est passé dans la République s’il n’y a pas une mise en concurrence et un contrat de marchés publics », avait-il rétorqué le 27 mars sur France 3 à ceux qui lui reprochaient ces nombreux contrats.
« S’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal », avait-il alors répliqué.
« Si McKinsey a fraudé, il sera poursuivi », avait-il ajouté concernant la situation fiscale de la société. Le chef de l’État avait ensuite salué l’ouverture d’une enquête sur ce volet. « C’est très bien que le juge, les contrôleurs fiscaux se saisissent d’une affaire quand on dit qu’une entreprise aurait fraudé », avait-il expliqué sur TF1 début avril.
• McKinsey a relativisé l’importance des contrats
Pour l’heure, le cabinet américain McKinsey n’a pas réagi à l’ouverture de ces deux procédures concernant ces soupçons de favoritisme.
Concernant l’enquête sur des soupçons de « blanchiment aggravé de fraude fiscale », « la contribution à l’impôt d’une entreprise, ce n’est pas que l’impôt sur les sociétés », s’était défendu Clarisse Magnin-Mallez, directrice générale de McKinsey France, sur BFM Business en juillet.
« On a payé quasiment un demi-milliard d’euros sur les dernières années, notamment de cotisations sociales. »Quant à l’étendue des contrats conclus avec l’État, la responsable du cabinet de conseil assurait qu’ils ne représentaient que « 5% du chiffre d’affaires et 3% de la marge » de l’entreprise, soit « une petite partie de l’activité de McKinsey en France ».
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