Amenées à se multiplier avec le réchauffement climatique, les vagues de fortes chaleurs et les canicules ne sont pas sans risque pour notre santé mentale.
Insolation, déshydratation, coups de soleil… Les effets sur notre corps des chaleurs caniculaires que connaît la France sont bien connus. Mais les risques pour notre santé mentale le sont moins. Ils devraient pourtant être pris au sérieux, alertent les scientifiques, alors que les vagues de chaleur sont amenées à s’intensifier en raison du changement climatique.
Le symptôme le plus visible de nos cerveaux en surchauffe est sans doute la montée de l’agressivité. Un phénomène qu’observent de nombreux professionnels en contact avec le public, comme les forces de l’ordre ou les soignants.
Hausse de l’agressivité
« Dès 48 heures de fortes chaleurs, on observe une hausse de l’agressivité qui peut aller jusqu’à la violence physique, confirme auprès de BFTMV.com Guillaume Fond, psychiatre à l’AP-HM (Assistance publique – Hôpitaux de Marseille) et chercheur.
“Cela ne concerne heureusement pas toute la population mais les personnes qui ont des prédispositions à l’agressivité vont plus facilement passer à l’acte en cas de fortes chaleurs », précise-t-il.
Si le taux d’”agressivité” est difficilement quantifiable, la science atteste d’une hausse des crimes violents quand le mercure grimpe. Plusieurs études le montrent, comme celles menées en Finlande, aux États-Unis, à Los Angeles ou encore en Afrique du Sud.
Une méta-analyse publiée dans Science et synthétisant plus de soixante études sur le sujet conclut à elle une hausse générale des conflits humains de toutes sortes en cas de forte chaleur mais aussi lors d’autres variations climatiques importantes.
Les élèves moins concentrés
La chaleur a également un impact plus diffus sur notre concentration, notre mémoire et plus largement nos capacités cognitives. La meilleure façon de le constater étant d’observer l’apprentissage des élèves.
Pour une étude parue en 2020 dans l’American Economic Journal, des chercheurs ont analysé les résultats de plusieurs millions d’élèves au PSAT – un test qui précède l’examen d’entrée à l’université aux États-Unis. « Sans climatisation, une année scolaire plus chaude de 1°F (environ 0,5°C) réduit l’apprentissage de 1%”, ont-ils conclu.
Les plus petits n’y échappent pas. En juillet dernier, un rapport de l’Unicef mettait en garde: “Les vagues de chaleur affectent la capacité des enfants à se concentrer et à apprendre, ce qui met en péril leur éducation ».
Sécrétion de cortisol
Comment expliquer cet effet de la chaleur sur nos esprits? La première raison est d’ordre chimique. “Comme tout notre corps, le cerveau, composé à plus de 80% d’eau, souffre aussi de la chaleur”, explique à BFMTV.com Jérôme Palazzolo, psychiatre et chercheur à l’université Nice-Côte d’Azur.
“En réaction à une diminution de l’irrigation cérébrale, le corps actionne un mécanisme d’adaptation qui se traduit par une plus forte sécrétion de cortisol et de dopamine, des hormones qui vont nous mettre dans un état d’hypervigilance. Cela se traduit par du stress voire de l’anxiété” chez certaines personnes, détaille le chercheur.
La seconde raison est indirecte mais à la base de nombreux maux liés à la chaleur. Il s’agit du sommeil. « La chaleur empêche de dormir correctement. Elle nous réveille et perturbe les cycles du sommeil (léger, profond, paradoxal…) », poursuit le psychiatre Jérôme Palazzolo. Or on sait depuis longtemps que le sommeil joue sur notre moral. »
« Ce n’est pas tant la chaleur qui compte mais la température nocturne, appuie le médecin de l’AP-HM Guillaume Fond. Si elle trop élevée, elle altère notre capacité de récupération ».
Éco-anxiété
À ces réactions physiques à la chaleur est venu s’ajouter plus récemment un autre phénomène: l’éco-anxiété. Apparu autour de l’année 2020, le terme se définit par la souffrance et l’angoisse ressenties vis-à-vis du changement climatique et de la destruction de la biodiversité par l’être humain.
« L’éco-anxiété naît avec une prise en compte violente de la situation climatique associée à un sentiment d’impuissance très fort », décrit le psychiatre de l’AP-HM Guillaume Fond, qui précise qu’il ne s’agit « en rien d’un trouble psy ». « C’est même plutôt une réaction saine », souligne ce membre d’un comité de recherche sur la santé et le climat au sein de l’AP-HM.
Pour les personnes souffrant d’éco-anxiété, la chaleur n’est plus vraiment un synonyme de vacances et de détente. Alors que les vagues de chaleur se multiplient et que la canicule bat chaque année de nouveaux records, difficile pour elles de ne pas penser au réchauffement climatique.
« Ça n’est pas un motif de consultation, mais c’est quelque chose dont parlent beaucoup de jeunes patients », assure Guillaume Fond.
Mis bout à bout, tous ces éléments dessinent une période estivale qui n’est pas facile à traverser pour tout le monde. Certains psychiatres, comme l’Américaine Cynthia Rosenthal, vont jusqu’à parler de dépression saisonnière, qui ne serait donc pas exclusive à l’hiver.
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