La personne qui entoure son proche atteint de maladie d’Alzheimer, qu’on appelle l’aidant familial pour le distinguer des ‘ »aidants professionnels » (médecin, infirmier(e), …etc.) assure la part essentielle de la prise en charge du patient.
Quelques notions sur les comportements à adopter et les nouvelles manières de communiquer avec lui doivent l’aider à ne pas s’y user.
Aidant familial : De quoi parle-t-on ?
L’aidant familial, généralement le conjoint ou un enfant, joue le rôle central dans la prise en charge du patient atteint d’Alzheimer.
Ce rôle maintenant bien reconnu est lourd, car l’aidant familial faire face quotidiennement au délabrement de son proche, à ses pertes de mémoire, son apathie, ses accès d’anxiété, parfois à des comportements dangereux pour lui ou autrui.
Ces stratégies sont les mêmes qu’envers un petit enfant ou un handicapé mental, dont l’organisation cérébrale est aussi défaillante, par inachèvement ou lésion. Elles sont importantes à connaître. Les pratiquer constamment permet de communiquer en toute circonstance avec aisance et amabilité.
Quels sont les enjeux sanitaires et sociaux ?
L’aidant familial doit ménager sa santé physique et mentale.
- Pour son bien à lui, afin d’éviter l’épuisement.
- Pour le bien du malade, car plus l’aidant souffre, plus il s’irrite des lacunes et du comportement de son proche. Plus il essaie de le « corriger », plus il risque de l’angoisser, de déclencher des crises néfastes pour tout le monde, et parfois des gestes ou des attitudes de maltraitance.
Quelle attitude adopter pour prévenir les conflits ?
1 – Admettre que c’est la maladie qui est responsable du comportement inadapté, non le malade ; il ne le fait pas « exprès », son cerveau se détériore.
2 – Eviter les conflits : on ne peut pas raisonner un Alzheimer, ni le remettre « dans le droit chemin ». En revanche, ces conflits l’angoissent et l’aggravent. Il est préférable de le laisser dans l’erreur plutôt que de lui montrer qu’il a tort, ce qui risque de le déstabiliser et d’engendrer une agitation néfaste.
3 – Communiquer sans les mots : dans toutes les relations avec autrui, une bonne partie de la communication passe par les gestes, le regard, les attitudes, ce qu’on appelle la communication non verbale. C’est encore plus vrai pour un patient atteint d’Alzheimer pour qui les mots n’ont plus de signification. Les gestes, les traits du visage doivent être rassurants et véhiculer l’idée que « tout va bien ».
4 – Détourner l’attention du patient vers une idée ou une activité « neutre » aide à contourner des situations à risque d’opposition ou d’anxiété.
Informations pratiques pour communiquer avec un proche Alzheimer
Quelques situations conflictuelles au quotidien
Il (elle) oublie tout
Il est inutile de lui dire « je te l’ai déjà dit ». Pour éviter de souffrir et de s’irriter de ces troubles de mémoire, l’aidant doit accepter de répéter comme une machine, sans s’investir dans la réponse.
Il perd tout, il cache tout
Pour éviter tout incident, il faut faire faire un double des clefs, des photocopies des documents importants, mettre sous clefs ce qui est important. L’aménagement de l’habitation devra être repensée afin d’offrir le moins de cachettes possibles, ce qui n’empêchera pas de retrouver les objets aux endroits les plus inattendus voire de ne pas les retrouver du tout. Dans ce cas, il ne faut pas se focaliser sur l’objet perdu et dédramatiser la perte.
Il ne m’aide pas
Il est très difficile, surtout pour le conjoint, et d’autant plus qu’il est âgé, de ne plus pouvoir compter sur le patient. Il doit admettre qu’en effet il ne peut plus en attendre aucune aide, ce qui lui impose de s’organiser autrement : en particulier faire des choses qu’il n’avait jamais faites, qu’il s’agisse de cuisiner ou de s’occuper des papiers administratifs.
Il dit un mot pour l’autre
Il faut laisser au malade le temps de parler : on peut lui proposer le début du mot (la mon….), ou le replacer dans son contexte (je regarde l’heure à la m…..). On doit lui apporter son aide pour ne pas laisser l’angoisse s’installer s’il ne trouve pas, tout en faisant toujours comme si c’était naturel et non pas en pensant qu’on fait de la rééducation.
Il ne me parle plus
Le patient ne souffre pas de ce manque de dialogue, contrairement à l’aidant ! Il peut continuer à parler au malade, mais sans se préoccuper de l’absence de réponse. Car si ce qu’on dit n’a plus d’importance (les mots ont perdu leur sens), la communication persiste… à 80% non verbale.
Pour son équilibre, il est vital que l’aidant garde des contacts réguliers avec le voisinage, les amis, la famille…etc.
Il est apathique
Aucun médicament et aucune rééducation ne permettent de stimuler le patient, ou de le motiver à des contacts sociaux. L’aidant doit en faire son deuil ; ne pas sortir ou ne pas voir d’amis ne fait souffrir que le proche aidant.
Il est plus facile de gérer un malade apathique qu’un malade agressif ! On arrive généralement à l’entrainer à faire l’indispensable : s’habiller, aller voir le médecin, manger…etc. La communication passe plus par la démonstration que par la parole : on peut dire « on va manger », et en même temps l’accompagner à table, et lui mettre les couverts dans les mains. Tandis que si on dit « tu viens manger ? », on lui ouvre la possibilité de dire non, voire de s’opposer. Il faut donc donner l’exemple, une (petite) partie du comportement passant par l’imitation. Tout en acceptant que cela ne marche pas toujours, même si on a adopté le bon comportement…
Il est angoissé
L’anxiété existe (comme la dépression) aux premiers stades de la maladie lorsque le patient en a encore conscience. Le patient vit son monde comme un puzzle dont il manque de plus en plus de pièces et qu’il essaie de reconstituer tant bien que mal. Si on lui dit qu’il se trompe, il se déstabilise et devient anxieux et/ou agressif. Il faut donc le rassurer en lui montrant qu’on partage le même monde que lui, où tout est normal. Ce comportement positif permet d’éviter au maximum le recours aux anxiolytiques, que le médecin pourra cependant prescrire si l’anxiété provoque souffrance et/ou agitation importante.
Pour prévenir la classique angoisse du crépuscule, il est conseillé de sur-éclairer la maison en fin de journée, de mettre de l’animation ou de proposer une activité à ce moment-là : regarder le coucher de soleil, si possible dehors, apaise souvent le patient.
Il a des hallucinations
Il est impossible de faire comprendre au patient qu’il s’agit d’une hallucination; si elle n’est pas angoissante, on peut la laisser évoluer, voire la partager. Le recours au médecin est par contre indispensable si l’hallucination génère de l’anxiété ou entraine un délire de persécution.
Quelle attitude face à l’opposition et/ou l’agressivité ?
Il faut distinguer une opposition ou une agressivité permanente, difficile à gérer mais qui peut faire partie de la maladie, de la crise d’agressivité survenant brutalement.
Faire face à une crise
Les crises ont toujours une cause qu’il faut rechercher.
En premier lieu, une pathologie dont le malade ne se plaint généralement pas et par conséquent méconnue (infection urinaire, mycose…).
Ensuite, une perturbation de l’environnement (comme des bruits extérieurs) qui ne gêne pas l’entourage mais que le patient perçoit exagérément et qui le déstabilise.
L’aidant doit rester calme et froid (distancié !) et ne pas se laisser gagner par l’irritation. Il faut surtout casser à son début la spirale émotionnelle, où le ton et l’agressivité enflent de part et d’autre. Parfois passer avec le patient dans une autre pièce, détourner son attention vers autre chose peut calmer la crise rapidement.
Lorsque la crise est importante, le malade peut fixer son ressentiment et son agressivité sur l’aidant. Celui-ci ne peut plus s’en sortir seul, et doit impérativement faire appel à un médiateur, autre membre de l’entourage ou soignant.
Affronter l’agressivité permanente
Cette situation est particulièrement difficile à vivre au quotidien : il faut se rappeler que le malade vit dans un monde angoissant ce qui le rend agressif, d’où l’importance de le rassurer en lui disant qu’on partage ce monde avec lui.
On peut le laisser évacuer son stress en employant des phrases « types » qui vont dans son sens « oui, tu as bien raison », « c’est bien comme ça », et surtout de les accompagner d’une expression convaincue et de gestes apaisants. Abonder dans son sens permet de l’attirer vers un autre thème plus positif et de détourner son attention de son idée fixe… mais cela n’est pas toujours possible.
Quand faire appel au médecin ?
L’aidant doit se faire aider d’un soignant dès qu’il n’est plus capable de gérer seul une situation.
La consultation est nécessaire lorsqu’apparaissent des troubles du comportement inhabituels ou qui mettent en jeu la sécurité du patient, lorsque ce dernier manifeste de l’anxiété ou de l’agressivité, en cas de crise d’agitation.
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à retenir
Ne jamais se dire qu’on fera face seul à un malade Alzheimer grâce à l’amour qu’on lui porte.
Dans les faits, la dégradation cérébrale inéluctable fait souffrir les deux et parfois cause leur double décès.
Se préparer à affronter les différents stades de la maladie avec les soignants, les services sociaux et les associations d’aidants est la meilleure chose à faire.