un vaccin inédit pour prévenir les rechutes de cancers ORL développé en France suscite l'espoir

Plusieurs essais thérapeutiques ont été présentés ce week-end à Chicago lors du congrès annuel d’oncologie clinique américaine, réunissant des experts du monde entier. Des nouvelles accueillies avec beaucoup d’espoir par les professionnels de santé et les patients.

« L’époque est folle au niveau du traitement du cancer. » Le professeur David Khayat, oncologue, fondateur de l’Institut national du cancer, n’a pas caché son optimiste dimanche sur BFMTV quant aux avancées de la recherche sur le cancer, alors que se tenait jusqu’à mardi à Chicago le congrès annuel de l’Asco (American Society of Clinical Oncology), rendez-vous phare des chercheurs et médecins oncologues du monde entier.

Il réagissait notamment aux résultats concluants d’essais thérapeutiques du laboratoire français Transgene qui a conçu un vaccin pour prévenir la récidive de cancers touchant la sphère ORL (oto-rhino-laryngée). Sur les 16 patients traités grâce à un sérum personnalisé, aucun n’a rechuté plus de 10 mois après l’injection.

« Jusque-là, on s’attaquait directement à la tumeur. Désormais, on va réveiller le système immunitaire du patient pour la combattre. C’est une nouvelle extrêmement importante », a commenté auprès de BFMTV.com, Iris Pauporté, directrice de la recherche et l’innovation à la Ligue contre le cancer.

« C’est encore très expérimental », a cependant rappelé David Khayat soulignant que le vaccin mis au point concerne des types de cancer encore spécifiques et uniquement la prévention de rechutes.

Les cancers des poumons et du pancréas face au progrès

Il ne s’agit pas du seul vaccin en cours de développement. En mai, le laboratoire allemand BioNTech a présenté dans la revue Nature les résultats d’un vaccin ARN messager, sur le même modèle que ceux contre le Covid-19, pour lutter contre le cancer du pancréas, qui tue 88% des patients touchés. Parmi les 16 patients étudiés, la moitié a développé des cellules capables de détruire le cancer.

« Sur ce cas précis, on est au début d’une histoire. C’est une bonne nouvelle, une source d’espoir », a réagi auprès de BFMTV.com Éric Solary, président du conseil scientifique de la fondation ARC pour la recherche sur le cancer.

Autre motif d’espoir, les résultats d’un essai clinique contre le cancer le plus mortel ont fait grand bruit ce week-end à Chicago: un comprimé, administré quotidiennement (parfois en plus de la chimiothérapie) dans des cancers des poumons opérables, a réduit de moitié la mortalité avec cinq ans de recul.

Les données de survie sont « impressionnantes », a vanté Roy Herbst, de l’université Yale. « Dans ce type de maladies, pour lesquelles les avancées se font attendre, une grande lueur d’espoir s’allume », a lancé Iris Pauporté.

Fruits de décennies de recherche

La chercheuse de la Ligue contre le cancer a expliqué l' »accélération de l’innovation » ces dernières années par un travail de fond entamé « il y a une bonne quinzaine d’années ». « Nous avons mis en place la recherche sur la génomique des cancers en faisant un catalogue précis des tumeurs. C’était un pari de fous, mais grâce à cela, nous avons généré beaucoup de connaissances. »

Elle est rejointe par Éric Solary, auteur de la préface des « Révolutions de la recherche sur le cancer », publié en avril par l’ARC: « Nous sommes dans une phase d’accélération de la mise en œuvre pratique des découvertes de ces vingt dernières années. Nous connaissons désormais mieux les médicaments et sommes capables de les utiliser à des stades précoces. C’est une avancée majeure. »

« Tous les deux, trois ans, on a une nouvelle façon de soigner le cancer qui sort », s’est aussi réjoui le professeur Khayat, évoquant notamment l’immunothérapie, la thérapeutique ciblée et les « espoirs sur les vaccins ».

Selon les chiffres de 2022 de l’Institut national du cancer, 6 patients sur 10 guérissent aujourd’hui d’un cancer, contre 5 sur 10 dans les années 2010 et 3 sur 10 à la fin du XXe siècle. Ce taux tend à encore augmenter dans les prochaines années, même si le vieillissement de la population et la meilleure guérison – donc l’augmentation du risque de contracter plusieurs cancers dans sa vie – devraient être à l’origine d’un plus grand nombre de cancers.

« Il y a de bonnes raisons d’être optimiste. L’objectif est d’atteindre les 3 patients guéris sur 4 le plus vite possible », a espéré Éric Solary.

La difficulté de la généralisation des traitements

Ces progrès, aussi encourageants soient-ils, vont désormais être confrontés à plusieurs obstacles. Le premier: les avancées concernent souvent des cas précis de tumeurs et ne peuvent pas encore être généralisées à l’ensemble des patients atteints d’une forme de cancer.

Par exemple, concernant le médicament d’AstraZeneca contre le cancer des poumons, Iris Pauporté a tenu à souligner qu’il ne concernait que 10% des cas, soit 1500 patients en France. Puis, la directrice de la recherche et l’innovation à la Ligue contre le cancer a mis le doigt sur le coût de ce genre de traitements, notamment dans le cas du vaccin contre les cancers ORL personnalisé pour chaque patient grâce à une intelligence artificielle.

« Le modèle économique n’est pas stabilisé. Quelle sera la prise en charge des tests sur 15.000 patients par an? », s’est-elle interrogée. « Nous sommes aussi conscients de la difficulté d’accès aux médicaments de tous les patients. »

Selon Éric Solary, « le coût sera une source de conflit politique et social ». Alors que le personnel soignant alerte depuis de nombreuses années sur l’état du système de soins français, en particulier par le manque de moyens investis dans les hôpitaux, le professeur d’hématologie à la faculté de médecine Paris-Saclay a pointé « un contraste entre le progrès des connaissances et les difficultés de faire tourner au quotidien un hôpital ».

« Il faut préserver le système de santé pour bénéficier des avancées de la recherche, a-t-il clamé, la question est sur la table. »

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