Des États réunis au sein de la Convention de Berne ont voté pour rétrograder le loup d’espèce « strictement protégée » à « protégée ». En France, les préfets bénéficient déjà de dérogations, autorisant à abattre 19% de la population chaque année.
L’objectif est de mieux protéger le bétail dans un contexte d’augmentation de la population des loups. Ce mardi 3 décembre, une cinquantaine de pays se sont mis d’accord mardi à Strasbourg pour abaisser le niveau de protection du loup en Europe.
La convention de Berne, qui assure la protection de la faune, a approuvé un déclassement de l’espèce, qui va passer de « strictement protégée » à « protégée ». Cela pourrait permettre d’assouplir la législation qui entoure les abattages de cet animal et ainsi sa protection.
Le loup, qui avait été exterminé au début du XXe siècle dans plusieurs pays, a fait son grand retour ces dernières années, suscitant la peur d’éleveurs qui dénoncent des attaques de troupeaux.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué « une nouvelle importante pour nos communautés rurales et nos éleveurs ». Mais de nombreux organismes ont dénoncé une décision « politique et scientifiquement infondée », lors d’une conférence de presse de plusieurs associations à Paris.
• Quelle est la réglementation aujourd’hui?
Le loup avait complètement disparu en France. Au niveau européen, le loup est protégé. Jusqu’ici, la convention de Berne plaçait le canidé sous le statut d' »espèce strictement protégée », ce qui a interdit son abattage.
Mais il existe des dérogations. Depuis 2004, la France utilise les dispositions de la directive européenne Habitats-Faune-Flore et autorise sous certaines conditions que des loups puissent être abattus suite à des dommages aux troupeaux. Ce sont les préfets qui peuvent prendre de tels arrêtés, dans un cadre strictement défini.
Aujourd’hui, en France, la loi autorise à abattre 19% de la population de loups chaque année. « En 2024, 201 loups sur les 209 autorisés ont déjà été tués », indique auprès de Var-Matin Denis Doublet le référent loup de l’association Ferus.
• Va-t-on tuer plus de loups maintenant?
« La modification entrera en vigueur dans trois mois, sauf si au moins un tiers des parties à la Convention de Berne (17) s’y oppose », a expliqué le Conseil de l’Europe. Dans le cas contraire, la décision entrera en vigueur uniquement dans les pays qui n’ont pas formulé d’objections.
Dans l’Union européenne, elle devra ensuite être transposée dans la directive Habitats, en vertu de laquelle la plupart des populations de loups en Europe bénéficient d’une protection stricte, assortie de possibilités de dérogation.
Le déclassement du loup en Europe va surtout permettre de généraliser dans d’autres pays ce qu’on fait déjà en France par dérogation, c’est-à-dire autoriser plus de tirs que ce qui est véritablement autorisé.
« Le loup reste une espèce protégée », a souligné la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, dans une déclaration à l’AFP. « Et toute destruction restera comme aujourd’hui très encadrée », a-t-elle assuré.
« On ne pourra pas se mettre à chasser le loup sans aucun cadre », a expliqué le directeur des programmes du WWF-France, Yann Laurans, mais cette décision permettra « de généraliser la possibilité de tirer et de tuer des loups, selon des règles qui devront être déterminées nationalement ».
En France donc, le vote de la Convention de Berne « ne va pas changer grand chose », prédit Dominique Humbert, président de l’Observatoire du loup.
Ce déclassement permettrait surtout une simplification administrative pour faciliter les tirs contre le loup, notamment en ouvrant la voie à une modification de la directive de l’UE. Il s’agit d’accorder plus facilement des dérogations pour tuer les loups considérés comme une menace pour le bétail des agriculteurs.
• Quelles sont les réactions?
Toutefois, cette décision inquiète de nombreux spécialistes. « D’abord, le signal donné peut être compris comme signifiant que l’espèce va bien et qu’elle a un développement tel qu’on peut ‘taper’ dans ses effectifs, ce qui risquerait clairement d’accroître les destructions illégales de loups », a affirmé à Libération Jean-David Abel, en charge du dossier loup à France Nature Environnement.
Les défenseurs du loup craignent que cette décision n’ouvre une « boîte de Pandore » et que le loup soit chasser comme d’autres espèces et soit à nouveau en voie de disparition. « Ça commençait tout juste à aller mieux pour le loup », a regretté Daniel Thonon, de la LPO. « Le taux de survie est déjà faible: moins de deux tiers des adultes survivent, et deux tiers des jeunes meurent dans l’année ». Plutôt que des tirs, les écologistes recommandent d’apprendre à vivre avec le loup.
« La présence humaine est très dissuasive », assure Bertrand Sicard, président de Ferus, une association de défense des grands prédateurs. « Il faut apprendre à l’effaroucher, à lui faire peur ».
Selon les spécialistes, les tirs sont même « contre-productifs », car ils désorganisent les meutes et créent « des individus plus solitaires, qui se tournent vers les proies plus faciles, à savoir les animaux d’élevage ».
Un déclassement du loup n’aura « aucune conséquence positive sur le bétail des éleveurs en France et en Europe », assurait le cofondateur de l’Observatoire du loup, Jean-Luc Valérie.
Clôtures électriques, chien de protection comme les patous, surveillance, aide bénévoles… Les organismes appellent à se tourner plutôt vers des mesures de protection alternatives.
En France, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a salué « un signal fort pour enfin permettre de réguler les populations lupines », dans une déclaration. De son côté, le président de la Fédération européenne des chasseurs a également salué la décision, rapporte Euronews.
• Quelle est la situation du loup aujourd’hui en Europe?
Dans l’Union européenne, qui assure se fonder sur « une analyse approfondie du statut du carnivore sur son territoire », le nombre de loups était évalué à 20.300 individus en 2023. Un chiffre en nette augmentation sur une décennie. Pour la plupart, ils se trouvent dans les Balkans, les pays nordiques, en Italie et en Espagne. En France, ce chiffre est estimé à 1.003, en baisse de 9% sur un an.
Auprès de France info, Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), indique que les données de « la Commission européenne elle-même, les loups ont tué 0,065 % du cheptel ovin européen » soit une « très très petite quantité », même si « évidemment pour les éleveurs concernés, c’est toujours important ». En termes de dégâts sur les exploitations, les dégâts sont moins importants que ceux causés par, par exemple, les cerfs ou les sangliers.
« Il ne semble pas y avoir eu d’augmentation notable des dommages au bétail causés par les loups depuis 2022, et il en va de même pour les risques de sécurité publique », rapporte Libération.
« Neuf espèces de loups en Europe, six sont classés vulnérables ou quasi-menacés », selon le « baromètre des espèces de l’UICN qui indique le risque de disparition des espèces ».
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