Salomé Vincendon

Plus de 300 personnes ont été victimes de piqûres lors d’événements festifs ces derniers mois. Dans la grande majorité des cas aucune substance n’a été détectée dans leurs organismes, mais ce phénomène, peu compréhensible pour le moment, inquiète.

Plus de 300 personnes ont rapporté avoir été piquées ces derniers mois dans des boîtes de nuit, des bars et des festivals à travers la France, avec des plaintes déposées dans plusieurs villes, dernièrement à Toulon (Var), où un homme a été arrêté et mis en examen. Des événements comparables avaient été dénoncés à l’automne dernier au Royaume-Uni avec une vague de témoignages d’étudiantes droguées à leur insu par des injections en boîtes de nuit.

En France, du GHB – aussi appelé la drogue du violeur – a été retrouvé dans le sang de quelques victimes début mai à Roanne (Loire). Plusieurs femmes avaient subi des piqûres dans une boîte de nuit de la ville. Mais dans le reste des cas, aucune trace de drogue ou de produit n’a été retrouvé, et le mystère reste entier sur les causes de ces piqûres.

Des piqûres, mais pas toujours de substance détectée

A Grenoble (Isère), fin avril, des femmes et des hommes avaient déclaré avoir été pris de malaises après une sensation de piqûre en boîte de nuit, mais les résultats des examens toxicologiques étaient revenus négatifs au GHB et à d’autres produits testés. Toutefois, « oui, les légistes ont retrouvé quelques traces de piqûres sur certaines des victimes », avait déclaré le procureur de Grenoble à France Bleu.

A Toulon, après que des spectateurs d’une émission ont été piqués vendredi soir, les résultats toxicologiques sont attendus d’ici quelques jours, et « bien sûr on pense à la drogue du violeur », explique à BFMTV Bruno Bartocetti, secrétaire national SGP police-FO.

Cette drogue, comme d’autres, reste assez difficile à détecter, car elle est très volatile et toute trace de son passage disparait vite de l’organisme. Ce produit « s’élimine en eau et en sel très très rapidement, il y a quelques heures pour le retrouver dans le sang et maximum 12 heures dans les urines », soulignait en octobre dernier à BFMTV l’addictologue William Lowenstein. Ne pas en retrouver la trace ne veut donc pas dire qu’elle n’a pas été injectée.

Mais même si la personne qui a piqué une autre ne lui a rien injecté, ou rien qui altère son comportement ou sa santé, l’acte peut avoir des conséquences graves en transmettant des infections, comme celle du VIH, qui peut entraîner la maladie du Sida. A Nîmes, où une cinquantaine de personnes rapportent avoir été piquées pendant les ferias la semaine dernière, les autorités ont ainsi fourni un « protocole de trithérapie (traitement préventif d’urgence contre le VIH) pour éviter toute contamination possible », explique sur notre antenne Richard Schieven, adjoint à la sécurité à la mairie de Nîmes.

D’autres raisons avancées

D’autre part, il est possible que certaines personnes ayant fait un malaise pensent avoir été piquées, mais n’ont en réalité rien eu. A Toulon, l’une des victimes est une agente de sûreté qui travaillait sur le site, elle a été hospitalisée. « Elle a été victime d’un malaise mais nous n’avons pas pu encore déterminer si ce malaise était lié à une substance nuisible introduite dans la seringue où à la situation de stress qu’elle venait de connaître », a indiqué le procureur de Toulon à l’AFP.

« Est-ce que c’est quelqu’un qui fait un malaise pour une autre cause, comme une consommation d’alcool ou de produits illicites? », interrogeait sur France Bleu fin avril le procureur de la République de Rennes. « Cela complexifie un peu les enquêtes puisqu’on est souvent dans des soirées où il peut se consommer un certain nombre de produits », déclare-t-il, soulignant prendre « au sérieux » les plaintes déposées pour cas de piqûres.

Le nombre de personnes se disant piquées pourrait également en partie s’expliquer par une peur générale autour de ces affaires médiatisées et non-résolues.

Dès qu’on « va avoir un petit bleu, certains vont penser que c’est un cas de piqûre »

« Il y a quelques cas réels ou en tout cas sur lesquels il y a vraiment des enquêtes qui sont en train d’être faites, où on a quelques preuves », explique sur BFMTV Aurore Van de Winkel, docteure en information et communication, spécialiste des légendes urbaines. Mais la surmédiatisation de ces cas peut entraîner en effet de peur collective, « par exemple dès qu’une personne va avoir un malaise, dès qu’une personne va avoir un petit bleu, certains vont penser que c’est peut-être un cas de piqûre d’aiguille ».

Elle explique que ce n’est pas la première fois que des cas de piqûres sont rapportés et effrayent la population, et que les premiers recensés remontent même à 1819, « il s’agit de cas réels accompagnés de rumeurs qui exagèrent un peu les faits ». En 2020, l’affaire des mutilations de chevaux avait ainsi donné lieu à de nombreuses suppositions, jusqu’à l’action de groupes satanistes, alors que l’enquête avait fini par écarter la piste humaine dans la majorité des cas.

« Dans l’histoire on a déjà vu ce genre de mouvement très général, collectif où de très nombreuses personnes se plaignent d’une même réalité », explique sur BFMTV Pascal Froissart, enseignant-chercheur en communication à l’Université Paris 8. « Il y a des fous qui ont piqué des gens dans l’histoire, mais c’est extrêmement rare. Ce mouvement collectif il se nourrit du réel et en même temps il se repait de fictions, de peurs et d’angoisse. »

A Toulon, « on travaille sur du factuel, sur des témoignages et des vidéos surveillance », assure de son côté Bruno Bartocetti. « On n’est pas dans la rumeur, on n’est pas dans la psychose, il y a vraiment un acte précis de piquer, de vouloir faire du mal », explique-t-il. « Nous prenons ces événements très au sérieux », déclare de son côté la Police Nationale, appelant à la prudence, et expliquant que plusieurs enquêtes sont en cours.

Mais ce phénomène des piqûres en France reste, pour le moment et comme au Royaume-Uni, encore largement inexpliqué.

Salomé Vincendon Journaliste BFMTV

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