un baptême du feu hors du commun pour Liz Truss

Mardi, Liz Truss est devenue la 15e Première ministre d’Elizabeth II. Jeudi, elle en est devenue la dernière. La mort de la monarque deux jours après son entrée en fonction place les débuts de la cheffe du gouvernement sous une lumière accrue.

Liz Truss doit s’entretenir ce vendredi à Londres le roi Charles III. L’histoire retiendra qu’en l’espace de quatre jours, la nouvelle Première ministre britannique aura eu l’honneur insolite de rencontrer deux souverains du Royaume-Uni. Mardi, elle avait en effet été reçue par Elizabeth II en audience à Balmoral, en Ecosse, devenant ainsi l’ultime cheffe du gouvernement du long règne qui se referme.

La mort de la reine d’Angleterre jeudi donne un relief inédit son entrée en fonction, au risque d’exposer les défauts que les observateurs et ses concurrents politiques lui prêtent. De plus, les dix jours de deuil national qui s’ouvrent vont entraver l’application de son programme dans une période particulièrement critique pour le Royaume-Uni.

Gêne en tribune

L’entrevue entre Charles III et Liz Truss confrontera deux personnages connus pour être peu à l’aise en public. Si cette audience privée ne devrait pas les mettre en difficulté, Liz Truss va devoir malgré tout accompagner l’émotion des Britanniques lors de ses discours à venir. Car, comme le remarque un éditorial du Guardian, ses obligations de représentation dans ce moment de deuil collectif seront scrutées avec attention et aucun faux pas ne lui sera permis. Or, les lacunes de Liz Truss à la tribune sont notoires selon les observateurs.

Elle n’a pris aucun risque jeudi soir au moment de prononcer son éloge funèbre depuis le perron du 10, Downing Street, s’en tenant à quelques considérations très simples, ramassées en trois minutes. « La mort de la reine est un choc pour le Royaume et pour le monde. La reine Elizabeth II était le fondement sur lequel le Royaume-Uni a prospéré. (…) Le Royaume-Uni est ce grand pays qu’il est aujourd’hui grâce à elle », a-t-elle lancé, jugeant: « Elle était l’esprit du Royaume-Uni et cet esprit perdurera ».

« Elle a été une inspiration personnelle pour moi comme pour de nombreux Britanniques », a-t-elle enfin glissé.

Une prudence justifiée par solennité du moment autant que par la menace d’une sortie de route. Ainsi, lundi, alors que le congrès du Parti conservateur actait sa désignation, le moment de flottement succédant à l’hommage qu’elle venait de rendre à son prédécesseur n’a échappé à personne: quelques secondes de silence dans une salle qui se demandait visiblement si elle en avait fini avec sa célébration de Boris Johnson ou non. Dans la presse, le Huffington Post britannique a éreinté le style oratoire de la Première ministre: « Un mot vient à l’esprit devant ces clignements lents, ces pauses intempestives, et ces phrases parfois bancales: la gêne ».

Cruel contraste

Le contraste avec la parole flamboyante et fleurie de Boris Johnson s’avère bien cruel. Lawrence Bernstein, spécialiste de la communication politique, a remarqué auprès de Metro que le « glaçage décoratif » des discours de « BoJo » était décidément « parti ». « Peu importe ce qu’on pense de Boris, c’est un orateur brillant. Vous voudriez qu’il parle à l’une de vos soirées. Peut-être que j’éviterais Liz en revanche », a-t-il comparé. « Elle n’est pas réputée pour être une oratrice née », a encore euphémisé Lawrence Bernstein, prolongeant même: « Elle n’apparaît pas comme une oratrice charismatique ».

Le consultant a toutefois pris la peine de caractériser le discours trussien: « Elle essaye de paraître directe et fiable ». « On a l’impression qu’elle va essayer de gouverner comme quelqu’un qui fait exactement ce que dit l’emballage. Il ne sert à rien d’aboyer en vain », a-t-il observé.

Faux départ sous haute surveillance

Le problème, c’est que par la force des choses, le pouvoir de Liz Truss se réduira dans l’immédiat à un ministère de la parole, car le Parlement s’apprête à plonger dans un sommeil de dix jours, le temps du deuil, comme le montre l’agenda du Daily Mail. Mercredi, Liz Truss a d’ailleurs été fauchée par l’annonce de la détérioration de la santé royale au moment même où elle dévoilait sa thérapie de choc pour le Royaume-Uni.

Et, si elle a révélé un plan chiffré à 150 milliards de livres pour geler les tarifs de l’énergie, c’est surtout son action qui semble gelée ce vendredi par la mort soudaine d’Elizabeth II. Son équipe, qui s’était fait forte de planifier dans le détail ses cent premiers jours à la tête du gouvernement, doit d’ores et déjà repartir de zéro, signale ici le Guardian.

Après ce faux départ, Liz Truss devra enchaîner par un sprint. Car la situation qu’elle est appelée à redresser est grave, relève CNN. L’inflation a bondi de 10% en juillet, une première en 40 ans. La facture d’électrité des menages a grimpé de 54% en moyenne au cours de l’année, et le pays va droit à la récession. En parallèle, les services publics s’enfoncent dans la crise, et vacillent à cause d’une pénurie criante de financements et de personnels.

Enfin, Liz Truss fait face à un danger plus larvé mais pas moins urgent. Tous deux évincés du gouvernement, Boris Johnson et Rishi Sunak – qui fut son rival dans le processus de désignation conservateur – s’apprêtent à se rasseoir à la Chambre des Communes et dans les instances du Parti. Et ce dernier ne lui pardonnera surement aucun faux pas.

Robin Verner Journaliste BFMTV

Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.

Laisser un commentaire