Déjà en place, mais sans verbalisation, ou en cours de déploiement, les ZFE (zones à faibles émissions) concerneront à terme toutes les agglomérations françaises de plus de 150.000 habitants. Une « bombe à retardement sociale » que l’association 40 millions d’automobilistes veut désamorcer.
Une interdiction de circuler « pédagogique » qui risque de se transformer en mitrailleuse à PV dans les prochains mois: c’est ce que craignent certains automobilistes face à la généralisation des ZFE. Ces « Zones à Faibles Émissions » permettent en effet de restreindre la circulation de certains véhicules, jugés les plus polluants, en fonction de leur vignette Crit’Air. Une vignette à acheter une seule fois par véhicule pour 3,70 euros sur le site officiel du ministère de l’Ecologie (attention aux nombreux sites frauduleux).
Or, pour le moment, aucune sanction ne s’applique pour les particuliers dans les zones où un tel dispositif a été mis en place, même depuis plusieurs années, comme le Grand Paris, le Grand Lyon ou à Grenoble… mais pour combien de temps encore? D’ici à 2025, toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants devront au moins avoir publié un calendrier des interdictions prévues. Les premières verbalisations sont attendues pour la fin d’année ou le début 2023, avec notamment des radars à lecture de plaques.
Une situation que l’association 40 millions d’automobilistes qualifie de « bombe à retardement sociale » dans un communiqué diffusé ce lundi 26 septembre. « On est en train d’organiser une date d’obsolescence programmée sur l’automobile », résume ce mardi sur BFMTV Fabrice Godefroy, expert mobilité et environnement au sein de 40 Millions d’Automobilistes. L’association envisage différentes actions contre cette réglementation.
• Quels recours contre les ZFE?
L’association 40 millions d’automobilistes a en particulier choisi de soutenir une proposition de loi déposée par la députée Rassemblement National de la 2e circonscription de la Marne Anne-Sophie Frigout et qui vise, tout simplement, à « supprimer le principe de Zones à Faibles Émissions ».
« Dans l’exposé des motifs travaillé en collaboration avec l’association, la députée insiste sur l’impossibilité aujourd’hui d’interdire à près de la moitié des Français de circuler », poursuit le communiqué.
Principal argument: « l’incompréhension de millions de Français qui entretiennent correctement leur automobile, passant avec succès le contrôle technique antipollution obligatoire mais à qui l’on interdit l’accès aux métropoles de plus de 150.000 habitants ».
L’association annonce également soutenir le recours au Tribunal administratif d’un de ses membres qui s’attaque à la vignette Crit’Air et à son système de classification des véhicules en vigueur depuis 2015 et sur lequel repose le calendrier des ZFE.
Une classification jugée inapte à déterminer le niveau de pollution d’un véhicule, prenant en compte uniquement un argument d’ancienneté. Le véhicule de cette personne membre de 40 millions d’automobilistes, « classé Crit’Air 2 répond en effet aux obligations d’émissions polluantes imposées par la norme euro ouvrant droit à la vignette Crit’Air 1 », explique l’association, dont les avocats vont soutenir ce recours.
Enfin, des déplacements sont prévus un peu partout en France pour sensibiliser sur ce sujet, à Reims le 7 octobre, à Rouen le 21 octobre, à Montpellier le 4 novembre ou encore à Lyon, Grenoble et Saint-Etienne les 18 et 19 novembre.
• Quelles agglomérations sont concernées par les ZFE?
La France compte déjà une dizaine de ZFE, conséquence de la loi d’orientation des mobilités (ou LOM) votée fin 2019. Certaines ont été créées il y a plusieurs années, comme celles de Grenoble-Alpes Métropole, de la Métropole du Grand-Paris, ou de Grand Lyon Métropole. Et d’autres plus récentes, comme celle de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence ou de Toulouse Métropole.
La Loi Climat et Résilience, votée en 2021, a clairement généralisé le principe des ZFE: au 31 décembre 2024, toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants devront avoir mis en place ce qui porte désormais la dénomination officielle de « ZFE-m », pour « Zones à faibles émissions mobilité ».
Si aucun calendrier n’est disponible dans votre agglomération, il faut s’attendre tout de même à une interdiction qui visera au moins les Crit’Air 5 en 2023, les Crit’air 4 en 2024 et les Crit’Air 3 en 2025, ce qui correspond à la trajectoire prévue par la loi Climat.
A noter que les ZFE mettent aussi en place des aides dédiées pour changer de véhicule. Des subventions qui peuvent se cumuler avec les dispotifs mis en place au niveau national comme le bonus écologique et la prime à la conversion.
• Quels véhicules interdits de circuler?
Si on se concentre sur les particuliers et qu’on prend l’exemple de la métropole la plus « avancée » actuellement dans son calendrier, celle du Grand Paris, voici le tableau actuel:
Les véhicules particuliers non classés (immatriculés avant 1997), Crit’Air 5 (Diesel d’avant 2001) et Crit’Air 4 (Diesel d’avant 2006) sont interdits de circuler dans la zone délimitée par l’A86 (non incluse) en semaine de 8h à 20h (pour les bus, autocars et poids lourds l’interdiction vaut aussi le week-end). On parle tout de même d’interdiction de circulation « permanente », par opposition aux interdictions ponctuelles, décidées lors des pics de pollution, avec le système de circulation différenciée (selon le numéro de vignettes Crit’air, qui a remplacé le système de circulation alternée, selon le numéro de plaque pair ou impair).
Prochaines étapes importantes pour la métropole du Grand Paris: l’interdiction des Cit’Air 3 (essence d’avant 2006 et Diesel d’avant 2011), repoussée à juillet 2023 et, surtout, celle des Crit’Air 2 qui se traduira par l’interdiction de circuler pour tous les véhicules Diesel, même les plus récents, ainsi que des modèles essence (hybrides compris) d’avant 2011) programmée pour 2024. Soit demain à l’échelle de possession d’un véhicule.
Dans d’autres métropoles, comme à Lyon, à noter que l’interdiction de circuler est « vraiment » permanente, et donc pas limitée en semaine de 8h à 20h comme à Paris. L’agglomération vient d’ailleurs de mettre en place la première phase de son dispositif visant les particuliers, jusqu’ici seuls les professionnels étaient visés. Depuis le 1er septembre, une interdiction « pédagogique » vise ainsi les véhicules porteurs de la vignette Crit’Air 5 et les non-classés. Les élus doivent également voter cette semaine l’élargissement de la ZFE à de nouvelles communes. Les véhicules seront sanctionnables à partir du 1er janvier 2023, prévoit la métropole du Grand Lyon (voir plus loin « quelles sanctions? »)
Autre exemple à Toulouse, où jusqu’ici seuls les fourgons, fourgonnettes et poids lourds sont concernés par des restrictions de circuler dans l’agglomération, mais qui s’apprête à interdire d’un coup au 1er janvier 2023 les véhicules particuliers porteurs des vignettes Cirt’Air 4, 5 et les non classés.
Pour se rendre compte du nombre de véhicules potentiellement concernés, le tableau interactif ci-dessous permet de faire apparaître les effectifs selon la région (par défaut, les données sont présentées au niveau national) avec le détail par vignette Crit’Air (données AAA Data d’octobre 2021).
• Quelles sanctions?
C’est tout le problème actuel: certains calendriers s’appliquent déja… mais sans verbalisation et sans réelle sensibilisation du grand public dans un contexte de mise en place « réelle » imminente.
A Paris, la mise en place de la vidéo-verbalisation, présentée comme un pré-requis pour faire appliquer la loi, est sans cesse repoussée. Elle permettrait de sanctionner directement les contrevenants grâce à leur plaque d’immatriculation, qui donne un équivalent en vignette Crit’Air.
Officiellement, il est prévu une amende de troisième classe pour les véhicules particuliers roulant avec une vignette non autorisée, soit une amende de 68 euros forfaitaire. « Les infractions prévues peuvent entraîner l’immobilisation du véhicule », précise le site de la ville de Paris.
A Lyon, après la phase pédagogique de 4 mois, les premières sanctions pour les Crit’Air 4, 5 et non classés sont prévus dès le 1er janvier 2023. « Les écologistes ont annoncé le déploiement d’une soixantaine de radars pour faire appliquer leur dispositif », précise un article de Lyon Capitale publié ce lundi 26 septembre.
Vous pouvez aussi être verbalisé d’une amende de 68 euros si vous ne disposez pas de la vignette Crit’Air sur votre pare-brise lors d’un contrôle ou en cas de vignette ne correspondant pas à votre véhicule.
• Quelles dérogations?
Les dérogations sont cependant nombreuses. Tout d’abord au niveau national, avec les « véhicules d’intérêt général prioritaires » (police, gendarmerie, douane, pompiers, ambulances, transport de détenus…), les « véhicules d’intérêt général bénéficiant de facilités de passage » (pour les sociétés gestionnaires d’infrastructures électriques et gazières, SNCF, transport de fonds de la Banque de France, transports de produits sanguins et d’organes humains), mais aussi les véhicules du ministère de la Défense, les véhicules des personnes handicapées (carte mobilité inclusion) ou encore les bus des transports en commun.
Mais il existe aussi des dérogations dites « locales », rappelle la métropole du Grand Paris: les véhicules de collection, les véhicules d’approvisionnement des marchés, ceux des professionnels du déménagement, les véhicules citernes ou frigorifiques, ceux autorisés pour des tournages.
Dans d’autres villes, comme à Toulouse, des dérogations peuvent s’appliquer aussi aux véhicules des entreprises solidaires, des associations caritatives ou encore les producteurs de denrées alimentaires qui approvisionnent les marchés et commerces.
Aucune démarche à effectuer, du moins tant que la vidéoverbalisation n’est pas mise en place: il suffit de disposer d’un justificatif selon votre catégorie concernée par une dérogation, à présenter en cas de contrôle.
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