Des discussions au niveau européen visent à imposer une visite médicale à partir d’un certain âge pour conserver son permis de conduire. Le début de la fin pour le permis à vie en France?
C’est un débat relancé à chaque accident de la circulation impliquant une personne âgée: faut-il en finir avec le permis de conduire à vie?
Certains de nos voisins européens imposent en effet déjà une visite médicale à partir d’un certain âge et la mesure pourrait bientôt s’appliquer en France avec la révision de la directive européenne sur les permis qui remonte à 1986. Décryptage.
• Pourquoi mettre fin au permis à vie?
L’Europe veut définitivement en finir avec la mortalité routière, avec un objectif 0 mort fixé à horizon 2050. La fin du permis à vie fait donc partie des mesures envisagées, sachant que cela permettrait aussi d’harmoniser une diversité de situations en Europe.
Si la France, l’Allemagne ou encore la Pologne sont encore au permis à vie, de nombreux pays ont déjà mis en place des restrictions.
Aux Pays-Bas, à partir de 75 ans, l’automobiliste doit passer un examen médical tous les 5 ans. C’est à partir de 70 ans au Danemark et en Finlande, 65 ans en Espagne, en Grèce et en République tchèque.
L’Italie exige de son côté cet examen médical dès 50 ans. Mais c’est au Portugal qu’on retrouve la réglementation la plus stricte, avec un contrôle de l’aptitude à conduire à plusieurs étapes de la vie: dès 40 ans, puis à 50, 65 et 75 ans, âge à partir duquel il faut effectuer un examen tous les deux ans.
Enfin d’autres pays demandent un examen régulier sans condition d’âge: en Belgique, le renouvellement du permis tous les dix ans doit s’accompagner d’un certificat d’aptitude à la conduite du médecin. C’est le cas également en Roumanie, en Hongrie, en Lettonie et en Lituanie.
• Quel calendrier pour mettre fin au permis à vie?
Adoptée par la commission Transports de la Commission européenne en décembre dernier, la révision de la directive européenne doit maintenant être examinée par le Parlement, avec un débat prévu le 27 février prochain, suivi d’un vote le lendemain, 28 février, nous a indiqué l’équipe de la députée européenne Karima Delli, qui porte ce projet.
« Le texte devra ensuite être négocié avec le Conseil pour aboutir au texte final de la directive européenne », nous précise-t-on.
Une fois la directive européenne adoptée, elle doit être transposée par les États Membres dans le droit national dans un délai « raisonnable ».
L’équipe de Karima Delli prévoit ainsi une mise en place de cette mesure d’ici 2026-2027.
Un délai relativement court si on compare avec une autre directive « récente »: la mise en place du contrôle technique pour les deux roues avait en effet été adoptée en 2014 et ne sera mise en place que cette année en France, soit 10 ans plus tard.
• Périodicité, « points de contrôle », coût… Quelle forme pour l’examen médical?
Différentes questions devront être tranchées lors des débats au niveau européen, puis dans la retranscription dans le droit national.
En France, une visite médicale pourrait par exemple avoir lieu tous les 15 ans, ce qui correspond à la date de renouvellement administratif des permis au format « carte bancaire » délivré depuis 2013. Un changement important par rapport aux permis en papier rose, qui doivent dans tous les cas disparaître d’ici à 2033.
Mais quels seront « les points de contrôle lors de cette vérification des capacités à conduire?
« Dans le texte, il est préconisé en annexe de tester la vue, l’ouïe et les réflexes a minima », précise l’équipe de Karima Delli, avec une prise en charge intégrale ou partielle par l’assurance maladie.
Et qui assurera ce contrôle? En Espagne, la visite se déroule par exemple dans des centres dédiés. En Italie, ce sont les auto-écoles qui assurent cette mission.
En France, on peut donner l’exemple de professions comme les chauffeurs de taxi, de bus ou de poids lourds qui doivent effectuer régulièrement des visites médicales auprès d’un médecin agréé par la préfecture: tous les 5 ans, puis tous les 2 ans à partir de 60 ans et tous les ans à partir de 76 ans.
Des associations de conducteurs mobilisées contre la fin du permis à vie
Publiée mi-décembre, la pétition mise en ligne par l’association de la Ligue de défense des conducteurs contre ce projet européen a déjà récolté plus de 400.000 signatures. « C’est un chiffre assez énorme pour notre association, ce qui montre que c’est un vrai problème de société », souligne Alexandra Legendre, porte-parole de la ligue de défense des conducteurs. « On prend le problème à l’envers, il faudrait d’abord proposer des solutions de mobilités à tous les séniors au-delà de la voiture individuelle, plutôt que de penser déjà à interdire ce qui reste souvent la seule option disponible pour se déplacer, en zones rurales en particulier », estime-t-elle. Basculer sur des solutions comme le vélo ou la voiture sans permis pourraient en outre créer de nouveaux dangers, ajoute Alexandra Legendre.
Même son de cloche du côté de 40 millions d’automobilistes. L’association se prononce aussi contre l’idée « d’apposer une date de péremption sur le permis de conduire de chaque usager », pointant du doigt des « conséquences potentiellement désastreuses pour les usagers qui se verraient arbitrairement privés de leur droit à la conduite ».
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