Nicolas Doze face à Jean-Marc Daniel : Europe, anti-dumping ou protectionnisme ? - 14/09

L’enquête de l’Europe sur les subventions chinoises aux voitures électriques a déclenché une réaction immédiate de Pékin. Le début d’une guerre commerciale ouverte?

L’Europe vient-elle de déterrer la hache de guerre face à l’industrie automobile électrique chinoise? L’annonce de l’enquête ouverte par l’Union européenne a en tout cas provoqué une réaction immédiate de Pékin, qui menace de représailles face à ce qu’elle qualifie de protectionnisme.

• Quelle est l’origine de ce conflit?

En début d’année, l’Union européenne a confirmé l’objectif de ventes automobiles zéro émission à partir de 2035. Concrètement, le marché des voitures neuves devra donc proposer des modèles 100% électrique (sur batterie, la technologie la plus avancée à ce jour, ou via une pile à combustible hydrogène) et plus aucun modèle thermique, essence, diesel, hybrides compris.

Une transformation du marché européen engagée depuis un certain temps et qui attire logiquement des constructeurs chinois en avance sur la voiture électrique. Une ambition qui se retrouve dans les chiffres: en 2021, les véhicules électriques chinois étaient à 4% de part de marché en Europe, alors qu’elle est de 8% actuellement. Et ce ne serait que le début.

Un groupe comme BYD, leader en Chine, affiche d’importantes ambitions en Europe, tout comme la marque MG (groupe chinois SAIC), en proposant notamment des véhicules à des prix inférieurs aux marques traditionnelles. Des marques bien installées en Europe, comme Stellantis (Peugeot, Fiat, Opel, Citroën, DS…), Renault (avec Alpine et Dacia) et Volkswagen (avec Skoda, Seat, Cupra, Audi, Porsche…) et qui ont elles aussi engagé leur transformation à vitesse grand V.

« La concurrence des véhicules électriques chinois pourrait coûter 24 milliards d’euros par an au secteur automobile européen d’ici 2030 », estimait en mai dernier une étude Allianz Trade.

• Quelles sont ces « subventions chinoises » à la voiture électrique?

C’est ce que l’enquête de l’Europe va chercher à déterminer. Une enquête très longue, qui doit durer 13 mois au total et qui démarrerait en octobre prochain.

13 mois durant lesquels une armée d’experts de la Commission européenne, des analystes, des économistes, des avocats vont aller chercher des preuves que l’État chinois subventionne ses constructeurs de véhicules électriques, par exemple en leur faisant payer l’électricité moins cher, en abaissant les prix des matières premières ou encore en octroyant des prêts à des taux extrêmement favorables.

Des pratiques de dumping ou de distorsions de concurrence à l’origine de « prix artificiellement bas » et qui, si elles sont mises en évidence, pourraient donc déclencher une série de mesures en Europe pour y remédier.

Nicolas Doze face à Jean-Marc Daniel : Europe, anti-dumping ou protectionnisme ? – 14/09

• Quelles mesures peut prendre l’Europe?

Point important: il ne faudra pas forcément attendre la fin de l’enquête pour prendre des mesures provisoires à l’encontre des constructeurs chinois. Des décisions pourraient être annoncées entre 2 et 9 mois après l’ouverture de l’enquête, si le danger est jugé réel pour l’économie européenne, à tel point que l’on ne pourrait pas prendre le risque d’attendre, indique-t-on à Bruxelles.

Dans l’entourage d’Ursula von der Leyen, on nous assure que l’UE ne s’engage pas dans ce bras de fer la fleur au fusil, qu’un certain nombre d’éléments, de preuves ont déjà été récoltés.

La mesure de rétorsion principale, et la plus probable, consisterait à imposer des droits de douane supplémentaires aux voitures électriques chinoises: ils sont aujourd’hui à 10% et pourraient grimper à 20% voire 30% pour rétablir un juste équilibre.

Autre mesure possible: la Commission européenne pourrait fixer un prix minimal plancher. Cela consisterait à interdire par exemple aux constructeurs chinois de vendre leur voiture en Europe en-dessous de 20.000 euros ou de 30.000 euros par exemple.

Deux exemples de véhicules de marques chinoises actuellement proposés en France: une MG4 démarre à 29.990 euros hors bonus et une BYD Dolphin à 33.990 euros (mais une version de base à 28.990 euros était prévue). On les compare souvent à un modèle made in France comme la Renault Mégane E-Tech, dont les prix démarrent actuellement à 38.000 euros.

Mais le modèle « made in China » le moins cher du marché reste actuellement la Spring de Dacia (groupe Renault), qui démarre à 20.800 euros (toujours hors bonus).

• Quelles représailles potentielles de la Chine?

L’enquête annoncée ce mercredi par la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen est « ouvertement du protectionnisme » et « aura un impact négatif sur les relations économiques et commerciales entre la Chine et l’Union européenne », a fustigé dans un communiqué le ministère chinois du Commerce.

Des mesures diverses pourraient être prises, à la fois concernant les importations et les exportations chinoises et au-delà du secteur automobile. Sanctions qui auraient un impact particulièrement négatif pour les pays dépendants de la Chine pour leur échanges, à l’instar de l’Allemagne, déjà mal en point.

Sur fond de rivalité technologique avec les États-Unis, la Chine a par exemple restreint récemment les exportations de gallium et de germanium, deux métaux rares dont le géant asiatique est le principal producteur et indispensables pour la production de semi-conducteurs.

Julien Bonnet, avec Justine Vassogne

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