Déversement de pellets sur une plage à Colombo au Sri Lanka en mai 2021

Des petits morceaux de plastique ont atterri ces dernières semaines sur des plages françaises de la côte Atlantique. Ces granulés sont très difficiles à éliminer et polluent pour longtemps les lieux infectés.

De minuscules morceaux de plastique se sont échoués sur des plages de Loire-Atlantique ces dernières semaines, entraînant de vives protestations des autorités locales et des associations de protection de l’environnement. Le ministre de la Transition Écologique a parlé samedi de « cauchemar environnemental », déclarant que l’État avait « décidé de porter plainte » pour arrêter cette pollution.

Ce n’est pas la première fois que la pollution aux billes de plastique est pointée du doigt, en France mais aussi ailleurs dans le monde, et qu’il est demandé à ce que le transport de ce produit soit davantage encadré.

· À quoi servent ces microbilles en plastique?

Ces très petits morceaux de plastique sont appelés pellets, GPI (granulés plastiques industriels) ou encore « larmes de sirène ». Il s’agit de « matières premières plastiques commercialisées sous différentes formes, dont les dimensions externes sont supérieures ou égales à 0,01 mm et inférieures à 1 cm », écrivait le ministère de la Transition Écologique dans une consultation de 2021.

Les pellets « ne sont pas plus gros qu’une lentille et peuvent prendre différentes formes: des billes, des flocons, des paillettes… », expliquait début 2021 Samuel Just, expert prévention des risques au ministère.

Ces objets sont à terme fondus et utilisés « comme matière première dans l’industrie plastique pour produire différents types de produits, par exemple: des jouets en plastique, des bouteilles en plastique ou encore des ustensiles de cuisine. »

« La quasi-totalité des objets de notre quotidien sont faits à partir de ces granulés. De votre saladier au pare-chocs de votre voiture », rappelle également l’ONG Surfrider foundation, qui lutte contre cette pollution.

· Comment en retrouve-t-on dans l’environnement?

Ces minuscules granulés de plastique, transportés par tonnes autour du globe, se retrouvent dans la nature car leur perte « peut arriver simplement en manipulant des sacs qui les contiennent, il suffit que le sac se déchire, une vanne de camion-citerne mal fermée, et les granulés tombent au sol », explique Samuel Just.

D’autre part ils « sont extrêmement légers, et donc très sensibles aux aléas météorologiques. Ils sont donc emportés par les vents et les eaux de pluie si aucune précaution n’est prise. »

Ainsi l’ONG Surfider pense que la pollution récente aux microbilles en Loire-Atlantique vient d’un « conteneur qui, peut-être, s’était abîmé il y a un certain temps, et qui, avec les tempêtes récentes, s’est ouvert », a expliqué son porte-parole, Lionel Cheylus, à l’AFP. « On a trouvé des pellets en décembre dans le Finistère, ça a ensuite été aux Sables d’Olonne, après ça a été ici à Pornic (…), vendredi, c’était encore à Noirmoutier. C’est une pollution qui se déplace », a-t-il ajouté.

En 2021, un navire a explosé au large du Sri Lanka et sa cargaison a été rejetée dans l’océan. Il « a déversé des milliards de granulés de polyéthylène et de polypropylène, 25 tonnes d’acide nitrique et une variété d’autres produits chimiques et lubrifiants », rappelle Greenpeace, les côtes du Sri Lanka avaient alors été « inondées de centaines de tonnes de granulés de plastique ».

Déversement de pellets sur une plage à Colombo au Sri Lanka en mai 2021
Déversement de pellets sur une plage à Colombo au Sri Lanka en mai 2021 © Ishara S. KODIKARA / AFP

Il est estimé actuellement qu’à l’échelle européenne 265.000 de ces granulés finissent dans l’océan chaque seconde. Sur une année, cela représente 41.000 tonnes, « soit l’équivalent de 11,5 milliards de bouteilles en plastique, qui se retrouvent dans l’environnement et notamment sur nos plages, puis en mer », explique le ministère de la Transition Écologique.

· Pourquoi est-ce dangereux?

« C’est un véritable fléau pour nos écosystèmes », déclarait en 2021 l’ex-ministre de la Transition Écologique Barbara Pompili.

Une fois déversés dans la nature, ces billes sont très difficiles à ramasser du fait de leur petite taille, elles peuvent se glisser partout. De plus les pellets sont destinés à y rester très longtemps car ils ne sont pas biodégradables et causent « des dommages irréversibles à la biodiversité et aux habitats marins et terrestres », écrit Surfrider.

Ils « peuvent être avalés par les animaux, qui les confondent avec des œufs de poissons, ce qui bouche leur estomac et cause souvent leur mort. Ils se fractionnent et intègrent progressivement la chaîne alimentaire, jusqu’aux poissons que nous mangeons, présentant un risque potentiel pour la santé humaine », explique encore l’ONG.

« Nous ingérons entre 39.000 et 52.000 particules de micro-plastique par an, c’est un enjeu de santé publique », a en effet déclaré le sénateur de Loire-Atlantique Joël Guerriau au Sénat la semaine dernière.

Cela a également une incidence économique forte. Après le déversement de tonnes de ces microbilles sur les côtes sri-lankaises en 2021, les pêcheurs locaux ne pouvaient plus travailler car la faune était contaminée.

· Qu’est-il fait pour empêcher cette pollution?

Un décret daté du 16 avril 2021 oblige déjà en France les sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels à mettre en place des systèmes de prévention des pertes de ces granulés dans l’environnement mais aussi à réaliser des audits de ces mesures au moins tous les trois ans.

Mais pour Joël Guerriau « nous devons agir plus fort » car ces mesures « n’apparaissent plus suffisantes puisque la pollution actuelle provient du transport maritime ».

Pour mieux contrôler ces produits, il faut une « définition claire au niveau international, comme quoi il s’agit là de produits dangereux, et une fois qu’on a cette condition qui est remplie et reconnue, à ce moment-là, qu’il y ait une couleur spécifique des conteneurs permettant d’identifier qu’il y a de la dangerosité », a souhaité Joël Guerriau.

Surfrider propose d’autres mesures pour enrayer cette pollution, comme pénaliser des rejets de ces granulés de plastique dans l’environnement et « imposer en cas d’accident la déclaration immédiate et le nettoyage ». L’ONG demande également à ce que soient refusés « les permis autorisant les nouvelles infrastructures visant à augmenter la production de plastique en Europe. »

En plus de la plainte du ministre de la Transition Écologique, le maire de Pornic (Loire-Atlantique), Jean-Michel Brard, a porté plainte contre X lundi suite à la pollution qui a frappé son littoral, de même que le maire des Sables d’Olonne (Vendée), Yannick Moreau, et la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais.

Salomé Vincendon

Salomé Vincendon Journaliste BFMTV

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