Le président de la République lance jeudi ce nouvel organe de réflexion par lequel il espère lancer « un dialogue sans filtre » « au service du terrain ». Mais l’absence des oppositions comme les contours flous de ce dispositif laissent circonspects.
Après le « grand débat » pour sortir de la crise des gilets jaunes et la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron lance ce jeudi à Marcoussis le Conseil national de la refondation (CNR). Conçu comme un outil pour rapprocher les décisions gouvernementales des Français, les oppositions refusent en bloc d’y participer tandis que même les députés de la majorité sont sceptiques.
• Le CNR, qu’est-ce que c’est?
Le chef de l’État a annoncé le lancement de ce Conseil national de la refondation le 3 juin dernier dans les colonnes de la presse régionale, en pleine campagne des élections législatives, avec pour objectif de réunir « les forces politiques, économiques, sociales, associatives, des élus des territoires et de citoyens tirés au sort » autour de la même table.
« Ce sera l’instance dans laquelle nous ferons vivre nos réformes », assurait Emmanuel Macron. « Les Français sont fatigués des réformes qui viennent d’en haut (…) Paris doit être au service du terrain. »
Le CNR vise à « bâtir », « dans un esprit de dialogue et de responsabilités partagées », « des consensus sur la situation du pays » et « concevoir des solutions concrètes aux préoccupations de nos concitoyens », détaille le président de la République dans la lettre d’invitation à l’événement de jeudi.
L’Élysée conçoit cette journée qui se déroule de 9h30 à 18h comme « un dialogue franc, direct, interactif et sans filtre », sans plus de précision sur le format.
• Sur quels thèmes va-t-il travailler?
Le CNR est censé plancher sur cinq grands thèmes: l’école et la santé, sur lesquels l’exécutif promet de premiers résultats dès 2023, ainsi que le plein emploi, le bien-vieillir et la transition écologique.
« Dans le cadre de ce CNR, je veux que, sur l’école et la santé, soient définis nos objectifs et les moyens », expliquait Emmanuel Macron dans son entretien à la presse quotidienne régionales. « On va se donner plusieurs mois pour identifier les besoins et bâtir des projets. En sortira une feuille de route et des moyens chiffrés. »
Le « défi de l’accès aux soins » sera « au cœur de l’enjeu », a ajouté Emmanuel Macron dans une allocution diffusée mercredi à l’ouverture du 43e congrès de la Mutualité à Marseille.
• Qui y participe?
Une cinquantaine de participants représentatifs « des forces vives de la Nation » dans le social sont attendus ce jeudi pour cette première journée, sous le haut patronage de François Bayrou, le secrétaire général du CNR. Parmi les invités dont la présence est confirmée, on trouve le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, et la présidente du Haut-Conseil pour le climat, Corinne Le Quéré.
Les oppositions – de la Nupes au RN en passant par LR – ont annoncé de leur côté qu’elles ne s’y rendraient pas, tout comme le président du Sénat, Gérard Larcher. Les associations d’élus locaux, après avoir indiqué ne pas souhaiter y participer, ont finalement rétropédalé et seront représentées. Parmi les syndicats, la CFDT, la CFTC et l’UNSA ont dit oui tandis que la CGT et FO ont décliné l’invitation.
• Pourquoi un tel boycott?
Tous les partis politiques, à l’exception de la coalition présidentielle, reprochent à Emmanuel Macron un coup médiatique. Sandra Regol, la numéro 2 des écologistes y voit par exemple « un outil de communication », tout comme la France insoumise.
Marine Le Pen a refusé de son côté de prendre part « à quelque structure que ce soit qui vise à retirer du pouvoir à l’Assemblée nationale, qui est la représentation du peuple français ». Même son de cloche du côté d’Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée, qui appelle Emmanuel Macron à « respecter le Parlement que les Français ont désigné ».
Gérard Larcher, le président du Sénat, juge de son côté que « vouloir réunir dans une même instance des parlementaires », « et des représentants de la société civile (…) ne peut aboutir qu’à une confusion des rôles ».
D’autant, a-t-il expliqué sur France Inter, qu’il existe déjà un « forum de la société civile » avec le Conseil économique, social et environnemental (Cese): cette troisième assemblée de la République, composée de « 175 membres, représentants de la société civile », « peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental ».
Même certains députés macronistes sont dubitatifs en craignant de devoir s’effacer et n’appréciant guère la méthode choisie. « Si c’est pour prendre des décisions sans même penser à faire voter les parlementaires, ce sera sans moi », avance, remonté, un élu de la majorité.
Du côté des syndicats, l’annonce d’une réforme de l’assurance chômage sans consultation préalable a été considérée comme un casus belli. La CGT juge également que l’usage du sigle CNR, le même que celui du Conseil national de la résistance mis en place à la Libération, ressemble à de l’usurpation sociale et historique ».
• Quelle est la suite du programme?
Les premiers pas du CNR devraient permettre à Emmanuel Macron « d’impulser un esprit, une méthode, un agenda », d’après un député. Dans son entretien à la presse régionale, le chef de l’État avait annoncé « une première séquence de plusieurs jours puis des rendez-vous réguliers », promettant « une instance » dans laquelle « faire vivre (ses) réformes ».
Aucune nouvelle date n’a pour l’instant été communiquée. Emmanuel Macron a également promis aux associations d’élus locaux « des rendez-vous réguliers » autour des enjeux de la CNR, sans plus de précision.
Quant aux propositions qui en resortiront, François Bayrou l’a assuré ce mercredi sur LCI: « La loi, c’est le Parlement, l’Assemblée nationale et le Sénat qui continueront à la voter ». « Personne n’a jamais dit que le Conseil de la refondation allait faire la loi », a insisté le secrétaire général de ce nouveau Conseil.
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