Prime et déprime - ZDNet

La France regarde son portefeuille et ses factures avec inquiétude. Conséquences de la pandémie, guerre en Ukraine, inflation, le temps des cigales est terminé et on sait qu’on entre dans une période de perturbation économique. Les techs savaient déjà qu’on allait être secoués : les composants électroniques sont difficiles à trouver et si vous devez changer du matériel informatique ou électroménager, autant vous y prendre maintenant. En septembre, cela ressemblera à la chasse au dahu.

Inflation par ricochet

Hasard du calendrier : Amazon annonce une augmentation assez significative de ses tarifs à partir du 15 septembre 2022, au moment où les députés étaient en séance pour discuter du projet de loi de finances rectificative pour 2022. Ce dernier comporte différentes mesures, en théorie, susceptible d’améliorer le pouvoir d’achat des Français.

Pour quelles raisons Amazon augmente ses tarifs ? Le mail indique sobrement que « ce changement est lié à l’augmentation des coûts d’exploitation de Prime en France ». Le sous-entendu est clair : cette augmentation ne concernerait que la France. Ce ne serait donc pas une augmentation conjoncturelle, liée, par exemple, à l’inflation ou aux coûts de l’énergie.

En réalité, d’après nos confrères de BFM Tech, cette augmentation serait due à la forte augmentation des carburants et des emballages. Toujours selon eux, la France n’est pas un cas isolé puisque les abonnés américains, britanniques, espagnols ou encore italiens sont dans la même situation. Dès lors, on se demande pourquoi Amazon laisse penser dans sa communication que cette augmentation serait spécifique à la France.

Pascal Rogard, de la SACD, impute cette augmentation à la contribution d’Amazon à la création française. En effet, les plateformes Netflix, Amazon, Apple et Disney doivent consacrer 20 % de leur chiffre d’affaires, en France, à la création française.  Mais il se trompe. Cette hausse existe ailleurs, mais la communication est différente. Pour les abonnés espagnols, le mail indique clairement que les raisons de cette augmentation sont à chercher du côté de l’inflation. On note qu’Amazon se contente d’un sobre « coûts d’exploitation de Prime en France » alors que les mails reçus par les abonnés espagnols, italiens ou allemands comportent l’expression « circonstances indépendantes de notre volonté ».

Exception de communication française

Outre cette exception culturelle dans la communication, on notera que les abonnés qui paient à l’année se retrouvent avec une augmentation plus chère que ceux qui paient tous les mois, sans que l’on comprenne réellement pourquoi. La question qui va intéresser les journalistes techs et économie est de savoir si Amazon va perdre des abonnés et surtout combien.

En effet, il suffit d’aller jeter un œil sur Twitter pour constater qu’un certain nombre de personnes ont résilié leur abonnement. Si l’abonnement augmente, ce n’est pas le cas des revenus des internautes et on peut dire, sans vraiment se tromper, que beaucoup vont retourner sur les sites de streaming illégaux et les plateformes de direct download. Le business des plateformes de streaming pirate continue de fonctionner à plein régime et si Amazon va perdre de l’argent, eux en gagneront. Un autre acteur sortira gagnant : le fournisseur de VPN.

On peut se poser la question : pourquoi ne pas tout simplement résilier son abonnement Prime et se contenter de ce qu’on a de disponible légalement ? En une phrase : parce que cela ne correspond plus à la réalité. L’urbain qui a des musées et des bibliothèques gratuites à proximité, pourra toujours trouver d’autres occupations. Mais, celui qui n’a pas de budget pour ses loisirs risque de tourner en rond.

Évidemment, on peut survivre sans regarder des films et des séries. On notera aussi que ceux qui disent cela sont ceux qui justement ont des moyens conséquents à consacrer à la culture et aux loisirs. Mais, on voit que la stratégie d’Amazon consiste à reproduire celle utilisée par Microsoft et Apple : installer le consommateur dans un écosystème dont il devient dépendant. Amazon, ce n’est pas que le portail vidéo Prime : c’est aussi le Kindle, Alexa, Fire et d’autres services.  
     

Pirates en vue

L’augmentation de l’abonnement Prime est-elle une catastrophe ? Ce serait indécent de le dire ainsi, mais c’est un élément de plus, à ajouter aux autres augmentations. Par ailleurs, si on peut espérer que certains biens et services redeviennent moins chers d’ici à quelques mois, on sait pertinemment que ce ne sera pas le cas d’Amazon Prime.

Certains consommateurs vont zapper d’une plateforme à l’autre : un mois sur Prime, un mois sur Netflix, etc. Les outils tels que Tunepat vont connaître une jolie démocratisation. Quant aux plateformes illégales, elles vont se livrer à une guerre du référencement sans merci, pour le plus grand bonheur des régies publicitaires. N’oublions pas non plus les fausses plateformes de téléchargement.

L’écosystème gris qui existait à l’époque de Megaupload, avant la venue de Netflix en France, n’avait pas disparu, mais beaucoup de consommateurs s’étaient tournés vers des solutions légales, faciles et sûres. L’augmentation des tarifs de ces dernières va ramener ces consommateurs dans ces zones grises, tout simplement pour des questions de pouvoir d’achat. Quant à l’État, il n’en sort pas gagnant, dans la mesure où il va perdre de la recette fiscale.

On se demande quelle mouche a piqué Amazon pour procéder à une augmentation aussi conséquente, surtout pour les abonnés annuels. Contrairement à la PME du coin, elle a largement les moyens d’absorber l’inflation et le surcoût des matériaux. On ne nous fera pas croire qu’elle ne sait pas jouer avec le carnet de commandes. Rendez-vous dans quelques mois pour mesurer les conséquences de cette décision.

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