Lancé en 2013 sous la présidence de François Hollande, le Plan France Très Haut Débit (PFTHD) visait, comme son nom l’indique, à couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici à fin 2022. Quelque 10 ans après, et 13,3 milliards d’euros d’investissements publics consentis, l’objectif est-il atteint ?
Oui, affirme sans ambages le comité d’évaluation, piloté par France Stratégie, dans un rapport remis à Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications. A l’échéance du plan, 99 % des locaux du territoire bénéficient d’une couverture très haut débit – c’est-à-dire supérieure à 30 Mb/s – que ce soit par une solution filaire (fibre, ADSL, câble coaxial), satellitaire ou une technologie radio.
Des inégalités de déploiement
Cette couverture approchant les 100 % peut surprendre les Français qui vivent des difficultés récurrentes d’accès à internet sur leur territoire. France Stratégie rappelle qu’un local est considéré comme « couvert » dès lors qu’au moins une des technologies très haut débit évoquées plus haut est disponible dans sa zone.
« Dans le cas de la fibre, le déploiement a pu être réalisé, mais s’il n’existe pas encore d’opérateur commercial sur le réseau à même de proposer un abonnement aux usagers finaux, le local est raccordable, mais pas encore éligible », explique France Stratégie. Et « si les objectifs de couverture du plan ont donc été atteints, restent des inégalités de déploiement selon les « zones » d’intervention. »
Le rapport note que dans les zones peu denses, les réseaux d’initiative publique (RIP) alliant investissements publics et privés ont connu un démarrage plus tardif. Sur ces territoires, seuls 51 % de locaux sont raccordables. Au rythme actuel des déploiements dans ces zones RIP – plus de cinq millions de prises par an – la généralisation de la fibre devrait être atteinte en 2025, estime France Stratégie.
Le rapport note aussi un retard dans les périphéries de certaines grandes métropoles. Dans ces zones, un seul réseau est généralement déployé grâce à un co-investissement entre opérateurs. Pour réduire la fracture numérique dans ces derniers territoires, le gouvernement prépare un projet d’arrêté portant sur un accès universel au très haut débit pour tous, à « un prix abordable » et assorti d’un débit garanti de 30 Mb/s.
Une accélération dans la dernière ligne droite
Quelles que soient les difficultés rencontrées localement, France Stratégie estime que le PFTHD est un « succès », et sans que cela ait donné lieu à une quelconque dérive budgétaire. Pourtant, la France partait de loin. En 2015, 77,6 % de la population se situait en zone blanche, donc exclue du très haut débit fixe. Ce qui plaçait notre pays au 26e rang européen. En 2022, elle remontait au 12e rang pour le THD, et se plaçait même dans le peloton de tête pour la fibre sur le Vieux Continent.
Alors que nous faisions état d’un retard du PFTHD fin 2018, le mouvement s’est accéléré depuis. « La réussite du plan tient pour beaucoup à une gouvernance originale assurée de manière partagée entre collectivités locales, services de l’Etat et opérateurs privés », estime France Stratégie. Les fonds publics venant apporter sa contribution dans les zones moins denses, boudées par les acteurs du marché.
Le choix de privilégier la fibre jusqu’à l’abonné (FttH pour « fiber to the home ») a aussi contribué à une nette accélération dans les dernières années du plan. Selon le dernier décompte de l’Arcep, l’autorité de régulation des télécoms, 35,9 millions de locaux sont désormais éligibles au très haut débit filaire, soit plus de quatre locaux sur cinq.
Les entreprises en retard
Là encore, France Stratégie nuance ce bon résultat en fonction du segment de marché desservi. Si la fibre a largement été adoptée par les particuliers (79 % du nombre des abonnements au très haut débit), elle est encore trop faiblement présente dans les entreprises (32 % des entreprises abonnées au THD fin 2020).
Le rapport avance plusieurs explications pour expliquer cette frilosité des entreprises : appréhensions et coûts induits par la bascule vers une autre technologie, absence de compétences internes en matière de communication électronique, mauvaise lisibilité des offres commerciales, position encore prépondérante de l’opérateur historique, en l’occurrence Orange.
La fin du réseau cuivre à l’horizon 2030 devrait toutefois changer la donne, obligeant les entreprises à accélérer leur passage à la fibre.
Des impacts économiques et sociaux
La fibre a aussi un impact salutaire pour les territoires, tant au niveau économique que social, sachant qu’il faut un minimum de trois ans pour en mesurer les effets. Le très haut débit génère ainsi une augmentation de 7 % de la valeur ajoutée dans le secteur marchand trois ans après son arrivée et 18 % cinq ans après. L’emploi dans le secteur privé marchand augmente, lui, de 4,3 % quatre ans après l’arrivée du THD et de 8 % cinq ans après.
L’arrivée de la fibre dans une commune s’accompagne d’autres effets induits, comme l’arrivée d’une population plus jeune ou une meilleure résilience aux crises comme celle récente de la Covid-19 (moindre baisse du nombre d’emplois et du recours au chômage partiel notamment).
Si l’avènement de la fibre sur un territoire augmente ou intensifie les usages du numérique préexistants, elle ne les transforme pas radicalement. France Stratégie ne constate pas l’émergence de cas d’usage « disruptifs ». En entreprise, la fibre a fortement augmenté le nombre de salariés en télétravail ou pratiquant la visioconférence. En revanche, elle n’a pas décuplé les capacités d’innovation ou favorisé le développement du e-commerce.
Enfin, last but not least, le déploiement de la fibre a contribué à diminuer l’empreinte environnementale des infrastructures télécoms. Moins énergivores, les réseaux fibre consomment en moyenne 10 kWh par abonnement contre 35 kWh pour les réseaux cuivre. Comme pour tout progrès technologique, leur déploiement a aussi pour corolaire de débrider les usages numériques, notamment chez les particuliers avec la VOD en streaming ou les jeux vidéo en ligne.
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