Des débris qui pourraient provenir d’un engin spatial lancé depuis la Guyane française, trouvé par des habitants de Salinopolis, au Brésil, le 28 avril 2014. Le morceau d’épave spatiale porte le logo de l’Agence spatiale britannique et d’Arianespace, la société européenne de lancement de satellites. Image : TARSO SARRAF/AFP via Getty Images
De temps à autre, un débris spatial traverse l’atmosphère et s’écrase sur la Terre. Le mois dernier, un morceau de fusée de 23 tonnes est tombé – sans encombre, heureusement – dans l’océan Pacifique. Le débris provenait du lancement, le 31 octobre, de la fusée chinoise Longue Marche 5B, connue pour ses retours incontrôlés sur Terre.
Vous n’avez peut-être pas beaucoup entendu parler de ces crashs jusqu’à présent. Mais il y a de fortes chances que vous en entendiez parler à l’avenir. Avec le décollage de l’économie spatiale, les autoroutes de l’orbite terrestre basse (LEO – Low-Earth Orbit) sont de plus en plus encombrées. Cela augmente la probabilité de collisions – et d’atterrissages en catastrophe sur Terre.
« Même si l’espace extra-atmosphérique est infini, les endroits où nous plaçons les satellites sont des régions très spécifiques », explique l’astrodynamicien Moriba Jah à ZDNET. « Et elles sont de plus en plus encombrées ».
Représenter les objets spatiaux
Jah est le scientifique en chef de Privateer, une nouvelle entreprise soutenue par le cofondateur d’Apple, Steve Wozniak. La mission de Privateer est d’améliorer la visibilité des autoroutes spatiales, où les satellites se croisent à une vitesse de 27 500 kilomètres par heure. L’entreprise souhaite apporter cette visibilité grâce à sa technologie exclusive de graphe de connaissances (Knowledge Graph), qui lui permet de créer des visualisations de tous les satellites et débris dans l’espace.
Avec son moteur de données, Privateer a créé Wayfinder, un outil en libre accès qui permet à d’autres acteurs de l’économie spatiale de créer les visualisations dont ils ont besoin pour occuper l’orbite terrestre basse en toute sécurité.
L’application Wayfinder de Privateer fournit des visualisations d’objets en orbite. Image : Privateer
Jah veut également convaincre les législateurs et le public que l’espace doit être considéré comme faisant partie de notre « environnement » et qu’il mérite les mêmes considérations et le même respect que notre terre, notre mer et notre air. Parce qu’il s’agit d’une ressource limitée, l’espace devrait également bénéficier d’une protection environnementale, dit-il.
57 000 satellites dans l’espace en 2030
Cela signifie que les entreprises et les gouvernements qui lancent des fusées ou des satellites dans l’espace doivent trouver des moyens responsables de ramener sur Terre leurs déchets spatiaux, ainsi que des moyens responsables de gérer tout ce qui est encore en orbite.
Sans ce type de gestion de l’espace, les chutes aléatoires de débris spatiaux continueront à menacer les Terriens de dommages physiques. En outre, les collisions dans l’espace sont susceptibles de perturber tous les aspects de la vie quotidienne. Il existe une liste croissante de services – notamment des outils de communication, des moyens de navigation et des services financiers, pour n’en citer que quelques-uns – qui dépendent des satellites pour fonctionner.
En laissant l’espace s’encombrer de déchets, nous risquons de perdre la possibilité d’utiliser l’espace au profit de l’humanité.
« Nous en savons plus sur les humains et la Terre grâce à des robots dans le ciel que nous appelons satellites que par tout autre moyen d’information. Des choses risquent d’être perdues à cause de la quantité croissante de déchets que nous avons en orbite », dit-il.
Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut considérer la rapidité avec laquelle les humains ont lancé des engins spatiaux au cours de la dernière décennie. En 2016, il y avait environ 1 700 satellites en orbite terrestre basse, selon l’Union of Concerned Scientists. En mai 2022, il y en avait plus de 5 400. D’ici 2030, selon certaines estimations, il pourrait y avoir jusqu’à 57 000 satellites en orbite.
Vers une obligation de nettoyer derrière soi
« Les pays se précipitent pour mettre des choses en orbite parce qu’il y a beaucoup d’argent et d’influence à gagner en conséquence », explique Jah. « Et cela se fait, dans une large mesure, au détriment de l’environnement ».
Étant donné la vitesse à laquelle nos autoroutes orbitales se remplissent, la Commission fédérale des communications des États-Unis a récemment adopté de nouvelles règles exigeant des opérateurs de satellites qu’ils gardent les voies libres de tout déchet indésirable. En vertu de ces nouvelles règles, les opérateurs de satellites en orbite terrestre basse doivent évacuer leurs satellites non fonctionnels dans les cinq ans suivant la fin de leur mission.
Ces règles n’ont pas encore été pleinement adoptées par la communauté
internationale. Elles représentent toutefois une amélioration par rapport aux directives actuelles qui recommandent de retirer les débris spatiaux après 25 ans. La nouvelle règle de cinq ans a de nombreux partisans dans l’industrie spatiale car, comme Jah, ils comprennent que l’espace est une ressource partagée et limitée.
« Il n’y a pas de réelles sanctions pour le moment »
« C’est un véritable bien commun mondial : l’espace est là-haut, et personne n’en est propriétaire », explique à ZDNET Mark Dickinson, directeur technique adjoint du fournisseur de services par satellite Inmarsat. C’est pourquoi il est important que tous les opérateurs de satellites assurent le suivi de leurs propres engins spatiaux.
Mais Jah et d’autres affirment que la règle des cinq ans ne va pas assez loin. D’une part, les régulateurs internationaux doivent s’assurer que des conséquences sont prévues pour ceux qui ne respectent pas les règles. M. Dickinson fait remarquer qu’il existe déjà des satellites qui flottent dans l’espace depuis plus de 25 ans après avoir été mis hors service, ce qui dépasse les directives actuelles.
Les déchets spatiaux devraient être traités aussi rapidement que possible et il devrait y avoir une certaine forme de responsabilité si cela ne se produit pas, a déclaré Dickinson.
« Il n’y a pas de réelles sanctions pour le moment », a-t-il expliqué. « Si quelqu’un lance 1 000 engins spatiaux en LEO et qu’il en déclasse 90 % avec succès, mais qu’il en laisse 10 % derrière lui, il n’y a pas de véritables règles concernant la pénalité. »
Que faire des satellites en cas de faillite ?
En outre, a ajouté M. Dickinson, les régulateurs doivent s’attaquer à la question difficile de savoir ce qu’il faut faire si une entreprise de satellites fait faillite.
« Si vous ne déclassez pas… mais que vous en rajoutez tout le temps, toutes ces constellations, la quantité d’espace se remplit », a-t-il dit. « Et en plus, ces satellites en fin de vie sont laissés comme des déchets. Et parce qu’ils sont passifs, ils ne peuvent pas éviter une collision. »
Pendant ce temps, les opérateurs de satellites qui doivent se débarrasser de leurs déchets spatiaux s’en débarrassent souvent par une « rentrée atmosphérique incontrôlée » – en d’autres termes, en les laissant brûler dans le ciel alors qu’ils retombent sur Terre. Pourtant, comme l’a démontré le récent crash de la fusée chinoise Longue Marche 5B, plus un engin spatial est grand, moins il a de chances de brûler complètement. Selon les chercheurs, les engins spatiaux qui se consument dans l’atmosphère laissent derrière eux des produits chimiques qui pourraient endommager la couche d’ozone de la Terre.
Faut-il fabriquer dans l’Espace ?
C’est pourquoi les Etats-Unis – par l’intermédiaire de la FCC et de la Maison Blanche – étudient la possibilité de soutenir les capacités construction dans l’espace (ISAM – In-Space Servicing, Assembly, and Manufacturing). Les capacités ISAM pourraient comprendre le remplacement d’une pièce cassée sur un satellite, la construction d’une nouvelle pièce ou le ravitaillement d’un vaisseau spatial. Le tout dans l’espace.
Tout comme les personnes soucieuses de l’environnement essaient de minimiser leur utilisation de plastiques à usage unique, les gouvernements devraient interdire ou essayer de minimiser l’utilisation de satellites à usage unique, affirme Jah.
En vertu de l’article XI du traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, le gouvernement est responsable de l’autorisation et de la supervision de tous les objets qui vont dans l’espace, note Jah. En théorie, un état pourrait donc donc exiger des opérateurs spatiaux qu’ils rendent leurs satellites réutilisables ou recyclables avant d’obtenir une autorisation de mise en orbite.
Vers une approche responsable ?
Ce type de mandat politique pourrait être nécessaire, étant donné que l’incitation économique à créer une industrie spatiale durable n’existe pas encore.
« Tout le monde s’accorde à dire que c’est une nouvelle page de notre industrie qui est sur le point d’être écrite », a déclaré Maurizio Vanotti, vice-président des nouveaux marchés pour la société de connectivité par satellite OneWeb, lors d’un récent webinaire sur la durabilité de l’espace. Cela dit, a-t-il poursuivi, « il y a deux aspects liés à la durabilité de cette activité – l’un est le modèle économique, l’autre l’approche technologique. Les deux choses doivent aller de pair. »
OneWeb, qui possède une constellation de plus de 600 satellites en orbite, a adopté une « approche responsable » depuis sa création, a poursuivi M. Vanotti, en construisant des satellites équipés de dispositifs d’amarrage, afin qu’ils puissent s’attacher à un autre engin spatial en cas de défaillance.
Mais pour l’instant, il n’est pas vraiment rentable pour un opérateur de satellites de lancer des missions de récupération de satellites. Jah a convenu qu’il devrait effectivement y avoir des stations de recyclage en orbite.
M. Jah reconnaît qu’un certain nombre d’obstacles se dressent sur la voie d’une économie spatiale circulaire.
Source : « ZDNet.com »
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