Fibre : la qualité des sous-traitants enfin encadrée ?

Sur le papier, le plan France Très Haut Débit est un succès. Fin 2022, 32 millions d’abonnés bénéficiaient d’un accès internet de qualité, dont 18,1 millions via la fibre optique, faisant de notre pays l’un des plus fibrés d’Europe. Ce déploiement à marche forcée ne va toutefois pas sans provoquer des « dommages collatéraux » sur le terrain.

Pour les travaux de génie civil d’enfouissement de la fibre ou de raccordement, les opérateurs télécoms s’appuient sur des sous-traitants qui, eux-mêmes, font souvent appel à des sous-traitants. Rémunérés à la ligne raccordée, ces prestataires en bout de chaîne ne s’embarrassent pas toujours des obstacles techniques qu’ils peuvent rencontrer sur leur chemin.

Leurs techniciens n’hésitent pas à forcer l’accès aux locaux techniques ou à effectuer des débranchements sauvages. C’est-à-dire déconnecter un abonné existant pour raccorder un nouveau foyer à la fibre. Récemment, des élus de la Haute-Savoie se sont publiquement plaints de ces dégradations techniques. La Communauté d’agglomération de Paris-Saclay est même allée jusqu’à poursuivre l’Arcep, le gendarme des télécoms, devant le Conseil d’Etat.

Les particuliers font également savoir leur mécontentement. Le passage de l’ADSL à la fibre se présente parfois comme un véritable parcours du combattant. Selon le dernier rapport de la Médiation des communications électroniques, près de la moitié des litiges entre abonnés à la fibre et les opérateurs portent sur des problèmes techniques.

La Médiation a notamment été saisie pour « des dégâts au domicile du consommateur par le technicien, la suppression du câble ADSL, des coupures de fils électriques, de liaison ADSL ou d’antenne TV, des murs endommagés ».

Plan d’action et référentiels à la FFT

Face à ce tableau pas très glorieux du déploiement de la fibre, les opérateurs se devaient de réagir. En septembre, un plan d’action a été décidé par les acteurs de la filière. Il repose notamment sur la prise de photos avant/après, jointes aux comptes-rendus d’intervention, et la remise en état des points de mutualisation.

La Fédération français des télécoms (FFT), représentant les acteurs de la filière, vient aussi de publier des grilles de compétences à destination des donneurs d’ordres – opérateurs commerciaux, opérateurs d’infrastructure – et de leurs prestataires.

Le référentiel concernant les sous-traitants porte notamment sur la formation de leurs techniciens, les règles de sécurité et d’ingénierie pour les travaux optiques ou les bonnes pratiques lors de travaux chez le client.

Ces référentiels de compétences seront appliqués dès la fin de ce mois d’avril, précise la FFT, et « des audits seront réalisés tout au long de l’année afin de permettre un bilan de l’efficacité de ce dispositif fin 2023 ».

Un « Passeport Fibre » en phase pilote dans le Berry

L’initiative peut aussi venir du terrain. Opérateur d’infrastructures détenu à 51 % par Bouygues Energies & Services, Axione a annoncé, début avril, la création d’un « Passeport Fibre » destiné à garantir la qualité des raccordements de la fibre optique. Les critères d’obtention de ce label sont proches du référentiel de la FFT puisqu’ils portent sur le respect des règles de sécurité, l’attention portée à la relation client et, bien sûr, la qualité des interventions.

Ce passeport est délivré aux sociétés de raccordement et à leurs techniciens sous la forme d’une carte officielle. « Cette carte devra être portée en permanence par les techniciens certifiés lors des interventions », explique Axione. « Pour tout manquement constaté, le technicien devra effectuer une remise à niveau adaptée et formalisée afin de récupérer son passeport. »

Axione propose aux autres opérateurs d’infrastructures et aux opérateurs commerciaux qui le souhaitent de rejoindre ce dispositif. Depuis le mois de mars, il est déjà mis en œuvre en mode pilote dans la région du Berry.

AQPF, un audit dans les règles de l’art

Un autre label a également fait son apparition tout récemment. Baptisé AQPF pour Audit-Qualité-Pérennité-Fibre, il est porté par un consortium, piloté par Innovance, une société d’économie mixte locale (SEML) fédérant des acteurs de la fibre et des collectivités territoriales. Il associe deux associations nationales : le Cercle Credo, qui fédère les métiers de la fibre, et Avicca, qui réunit des collectivités engagées dans le numérique.

Ce label impose « un audit régulier et rigoureux » pour garantir la bonne conformité aux exigences techniques d’un réseau de fibre optique dans ses phases de construction, d’exploitation et de maintenance. En permettant aux donneurs d’ordres et auditeurs d’utiliser un langage commun, la labellisation doit faciliter la compréhension des rendus attendus entre les différentes parties.

Un référentiel réunit tous les critères exigés pour l’obtention du label AQPF. Il décrit notamment les moyens matériels et humains à mettre en œuvre et l’évaluation des compétences au sein de centres d’examens identifiés (sur une demi-journée).

L’ouverture officielle de la labellisation AQPF aura lieu dans le courant de ce mois d’avril avec la mise en place d’un comité de pilotage et d’un comité technique. Un site dédié expliquera comment déposer d’une demande et comment se déroule l’examen pour l’obtention du label. Ce dernier aura une validité de deux ans.

Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.

Laisser un commentaire