Fibre : comment industriels et collectivités imaginent l'après plan France Très Haut Débit

De gauche à droite : Philippe Le Grand, président de la fédération InfraNum et Patrick Chaize, sénateur et président de l’association Avicca

La fibre est au milieu du gué. Le plan France Très Haut Débit (THD) qui s’est achevé fin 2022 a été unanimement salué comme un succès. En offrant théoriquement un accès de qualité à internet à une très grande majorité de nos compatriotes, il a fait de la France l’un des pays le plus fibrés d’Europe.

Pour autant, ce plan laisse un goût d’inachevé. Non seulement, il reste des zones mal ou pas desservies. 80 % des locaux sont ainsi raccordables à la fibre selon le dernier décompte de l’Arcep. Les territoires ruraux et isolés ne sont pas les seuls parents pauvres du déploiement actuel. Les zones moyennement denses, dites « Amii » pour « appel à manifestation d’intention d’investissement » font l’objet d’un contentieux entre l’autorité de régulation des télécoms et Orange.

Il convient, par ailleurs, d’assurer la pérennité des infrastructures existantes en renforçant leur résilience. Entre les intempéries météorologiques et les actes de malveillance, les réseaux présentent des vulnérabilités inquiétantes.

A la différence de pays voisins comme la Belgique ou l’Allemagne, notre pays a fait le choix – pour gagner en rapidité de déploiement – d’assurer une bonne partie de la desserte de son réseau, en support aérien, via les poteaux de téléphonie ou d’électricité. L’avance prise la France pourrait se retourner contre elle si elle doit procéder après-coup à l’enfouissement de ces câbles aériens.

Alors que deux échéances fortes arrivent dans les prochaines années – généralisation de la fibre attendue en 2025 et extinction du réseau cuivre en 2030 -, les acteurs de la fibre et les collectivités locales et territoriales appellent de leurs vœux un nouveau grand plan pour les infrastructures télécoms.

L’Ifer mise à contribution

C’est tout le sens du « Good Deal » du numérique porté par l’Avicca, association des collectivités engagées dans le numérique, et InfraNum, la fédération regroupant tous les acteurs de la chaîne de la fibre optique en France, des intégrateurs aux opérateurs en passant par les équipementiers. Ce plan de l’après THD vise à contenter tous les acteurs : abonnés, collectivités, industriels et pouvoir exécutif.

Détournant la devise de la République, il repose sur le triptyque égalité, pérennité et solidarité. Egalité d’accès numérique entre tous les Français, pérennité des infrastructures fixes et solidarité entre les territoires en assurant notamment le maintien des Réseaux d’initiative publique (RIP) qui accordent un rôle privilégié des collectivités dans l’aménagement numérique de leur territoire.

Comme l’argent est toujours le nerf de la guerre, l’Avicca et InfraNum présente un plan qui se veut auto-financé, sans création de taxe ou impôt supplémentaire et qui ne devrait pas avoir d’incidence sur les prix des abonnements au fixe. Il prévoit pour cela la création d’un Fonds de péréquation des réseaux optiques (FPRO), « estimé à plusieurs centaines de millions d’euros ».

Ce FPRO serait financé par la hausse attendue de l’Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (Ifer). Perçu au profit des collectivité territoriales, cet impôt vise notamment les opérateurs télécoms à raison de 1 709 euros payés par antenne installée. Avec le déploiement de la 5G, le montant de cette Ifer est appelé à exploser.

Actuellement autour de 400 millions d’euros, l’Ifer pourrait atteindre le milliard d’euros dans quelques années estime Philippe Le Grand, président de la fédération InfraNum. « Le surcroit pourrait être réaffecté, pour tout ou partie, au fonds de péréquation. »

Le « Good Deal » du numérique prévoit également la mise en place d’une structure nationale pour achever les derniers raccordements, tout particulièrement les raccordements complexes nécessitant la réalisation de travaux de génie civil sur le domaine public. Cette structure mobiliserait des acteurs privés ou publics et aurait à sa tête « un investisseur avisé » tel que La Banque des Territoires.

Un projet de loi ou une proposition de loi

Ce plan est aussi une réponse à Jean-Noël Barrot. Lors de son audition au Sénat le 8 mars, le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications dressait un constat assez similaire du paysage des réseaux télécoms en France, lui qui revendique un droit au très haut débit pour tous.

Sénateur et président de l’association Avicca, Patrick Chaize a bon espoir de convaincre le ministre de reprendre les propositions du Good Deal. « Le numérique est un sujet transpartisan qui fait l’unanimité. » A défaut, il ne s’interdit pas de déposer une proposition de loi. « Le plan France Très Haut Débit est une réussite mais une réussite inachevée, juge l’élu. Il faut finir le travail. Sinon, les oubliés de la fibre risquent d’attendre très longtemps. »

De son côté, Philippe Le Grand rappelle qu’il n’y a plus eu de grande loi sur le numérique depuis celle pour une République numérique en 2016, donc avant l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. « C’est le moment. Toutes les planètes sont alignées. » La balle est clairement dans le camp du Gouvernement.

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