Trois Français sur dix adaptent eux-mêmes la dose ou la durée de leurs médicaments quand un sur cinq prend des doses plus fortes que conseillées ou mélange plusieurs médicaments, selon l’ANSM. Mais ces pratiques peuvent avoir des risques sur leur santé.
« Les épices, ça marche bien quand on les mélange, pas les médicaments ». L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) lance ce mercredi une grande campagne d’information et de prévention pour alerter sur les risques de l’automédication.
Choix du traitement, quantité, durée, chaque patient nécessite des consignes personnalisées pour soigner ses maux.
« Les médicaments, c’est prescrit pour une pathologie particulière pour une seule et même personne, je ne conseille à personne d’échanger des médicaments ou de les donner à son voisin parce qu’on pense qu’il a les mêmes symptômes », avertit Frédéric Desmoulins, pharmacien au micro de BFMTV.
Pourtant, beaucoup de Français prennent l’initiative de prendre des médicaments sans prescription.
Selon une étude menée par l’ANSM auprès d’un panel de Français, trois patients sur dix adaptent eux-mêmes la dose ou la durée des médicaments prescrits, un sur cinq prend des doses plus fortes que conseillées ou mélange plusieurs médicaments en même temps et un Français sur deux donne des médicaments à ses proches qui présentent les mêmes symptômes que lui.
« En pratique, les gens sont raisonnables »
Or ces pratiques comportent des risques, qui peuvent aller jusqu’à provoquer la mort de l’usager.
« Si on regroupe tous les mésusages de médicaments, ça fait 10.000 décès par an, c’est trois fois plus que les accidents de la route, et 130.000 hospitalisations », alerte le docteur Alain Ducardonnet, consultant santé de BFMTV, citant des chiffres avancés par le Collectif Bon Usage du médicament en 2018.
S’il reconnaît que les cas d’automédication sont « nombreux », le médecin généraliste Jean-Christophe Nogrette tient à souligner qu’il voit passer dans son cabinet « très peu d’accidents » avec des conséquences graves.
« Le risque théorique, c’est que les gens n’ont pas de formation donc ils ne savent pas ce qu’ils font (…), mais en pratique, les gens sont raisonnables », assure à BFMTV.com celui qui est aussi secrétaire général adjoint du syndicat de médecins généralistes MG France.
Bien connaître « les règles du jeu »
Le surdosage est l’un des risques les plus courants de l’automédication. « Si je sens que j’en ai besoin ou que ce n’est pas assez fort, je vais augmenter moi-même la posologie », confie une jeune femme à notre micro.
S’il s’agit d’un médicament comprenant du paracétamol, comme le Doliprane ou l’Efferalgan, cette pratique ne présente pas de risque, à condition « de bien connaître les règles du jeu », prévient Alain Ducardonnet, à savoir ne pas dépasser un gramme de médicament par prise, elles-mêmes espacées de quatre à six heures, pour un maximum de trois grammes par jour.
Au-delà, il y un risque d’hépatite médicamenteuse, qui peut aller jusqu’à nécessiter une greffe du foie. Même son de cloche du côté de Jean-Christophe Nogrette qui explique qu’un surdosage en anti-inflammatoires peut être risqué pour la bonne santé des reins ou encore qu’une prise trop importante de bêta-bloquants peut entraîner un arrêt cardiaque.
Attention aux surdosages en compléments alimentaires
Le médecin voit aussi passer dans son cabinet des surdosages en compléments alimentaires.
« On voit aussi de plus en plus de surdosage de compléments alimentaires, avec notamment des mamans qui donnent de la vitamine D à leur bébé, parce que c’est à la mode », relate-t-il.
Or, ce type de surdosage « ça peut être dangereux, et entraîner des troubles neurologiques », ajoute le médecin, précisant que ces cas extrêmes restent rares.
Aussi, l’initiative de prendre un médicament peut être sans danger, mais « si on rajoute dans l’équation un traitement que prend le patient en parallèle pour une maladie chronique ou autre, ça peut compliquer les choses », souligne Jean-Christophe Nogrette.
Et les médicaments périmés?
L’ANSM invite aussi les usagers à faire attention aux modalités et à la durée de conservation des médicaments.
Pour Jean-Christophe Nogrette, le risque le plus courant avec le fait de consommer un médicament périmé, c’est « une petite perte d’efficacité ». Il peut aussi devenir toxique, mais cela arrive uniquement s’il est conservé dans de très mauvaises conditions. La stabilité des produits reste un élément très regardé au moment de leur développement.
« Les antibiotiques, il n’est pas question de les prendre s’ils sont périmés, car l’efficacité n’est pas bonne et ils peuvent être toxiques. Les collyres, les sirops, les pommades c’est pareil, surtout s’ils sont ouverts, on les jette. Pour les médicaments pour les petits bobos, on peut tolérer quatre à cinq mois de péremption », précise de son côté le médecin Alain Ducardonnet.
Au-delà de ces risques, les médecins ne s’opposent pas forcément à l’automédication dans le cas de symptômes courants que les patients connaissent régulièrement, comme les migraines ou les rhumes.
« Les gens sont compétents pour les soigner eux-mêmes, mais si ça s’aggrave, on ne persiste pas et on prend rendez-vous », conseille Jean-Christophe Nogrette.
Une conséquence du manque de médecins
L’automédication est aussi souvent une conséquence du manque de médecins généralistes.
« Quand j’ai pas forcément la possibilité de retourner voir le médecin, je prends l’initiative de prendre un médicament en plus », confie une jeune femme.
Dans ce cas-là, le secrétaire général adjoint du syndicat des médecins généralistes conseille de s’adresser aux pharmaciens, qui ont aussi de bons conseils en attendant d’obtenir un rendez-vous chez son médecin.
Dans tous les cas, dans les cabinets de médecine générale, le « ‘qu’est ce que vous avez déjà pris?’ est devenue une question rituelle », lâche Jean-Christophe Nogrette.
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