Le patron de Stellantis met en avant le risque géopolitique et souhaite ainsi trouver la meilleure porte de sortie en Chine. Mais un groupe automobile qui vise les sommets peut-il vraiment se passer du premier marché automobile mondial?
Quel avenir pour Stellantis en Chine? Alors que ses ventes ne décollent pas sur le premier marché automobile mondial, le groupe issu de la fusion entre PSA et FCA pourrait tout simplement cesser d’y produire des véhicules, pour se contenter de la position d’importateur.
Règlement de comptes avec la Chine à Paris
Des négociations sont en cours avec les partenaires locaux de Stellantis, a expliqué cette semaine le patron de Stellantis, Carlos Tavares, au Mondial de l’automobile à Paris.
Un salon qui accueille en particulier plusieurs constructeurs chinois comme BYD ou Great Wall Motors, avec des marques qui s’apprêtent à se lancer en Europe. De quoi appuyer l’argumentaire de Carlos Tavares:
« Nous voyons que les décisions dogmatiques de l’Union européenne ont déroulé un tapis rouge devant les constructeurs chinois donc la situation et là, il faut la gérer avec l’esprit de compétition qui nous caractérise », a-t-il notamment déclaré sur BFM Business.
L’Europe a en effet acté la fin de la vente des voitures thermiques neuves (hybrides également) pour 2035. Une décision mal digérée par Carlos Tavares, mais qui se dit pourtant bien « prêt pour la course », souhaitant désormais des aménagements, comme des aides qui cibleraient les modèles assemblés en Europe, batterie comprise, à l’image de ce que font la Chine ou les Etats-Unis.
Risque social majeur en Europe
Le patron de Stellantis évoque aussi le soutien nécessaire à la vente de voitures thermiques à faibles émissions, afin d’assurer la transition entre aujourd’hui et 2035, au risque d’abandonner le marché européen aux constructeurs chinois. De quoi permettre « aux classes moyennes de conserver la liberté de se déplacer » en « maintenant la dimension abordable de ces véhicules, entre 15.000 et 20.000 euros »:
« La moyenne d’âge d’un véhicule en circulation en Europe est de 12 ans et n’importe quelle voiture de plus de 12 ans émet plus de 200 grammes de CO2 par kilomètre. Avec une simple hybridation légère sur une voiture compacte, vous avez des émissions inférieures à 100 grammes et donc au moins réduites de 50%, préserver l’accès à l’automobile neuve aux classes moyennes et contrer l’inflation », a-t-il détaillé lors d’une table-ronde avec la presse.
Pour lui, la situation actuelle, avec des véhicules électriques plus chers que leurs équivalents thermiques, incite les ménages à conserver leur voiture. Voiture qui sera rapidement interdite de circuler dans la plupart des grandes agglomérations avec la mise en place des ZFE et un scénario noir à la clé:
« Si vous ne rajoutez pas cette couche de pragmatisme, la stabilité sociale n’est plus garantie et en plus vous allez aggraver la problématique de la planète, car il n’y aura pas suffisamment de gens assez riches pour acheter des véhicules électriques, prédit-il avant de conclure sur la question de savoir si l’Europe pourrait revenir sur sa décision: ça dépend de combien de personnes vous allez avoir dans la rue. »
En Chine, un avenir plus que jamais incertain
De l’autre côté de la planète, c’est clairement la question de la présence de Stellantis en Chine qui se pose. Le groupe franco-italo-américain a déjà mis fin à la coentreprise avec GAC qui produisait pour la marque Jeep en Chine, faute d’avoir réussi à y prendre une part majoritaire.
C’est désormais avec Dongfeng, partenaire de Peugeot et de Citroën que les discussions se déroulent.
Après les sanctions internationales visant l’Iran ou la Russie ces derniers temps, Carlos Tavares ne semble plus vouloir faire les frais d’une situation géopolitique instable. C’est ainsi qu’il justifie cette stratégie dite « asset light » (actifs légers, c’est à dire sans usines locales) pour la Chine:
« Ça fait plusieurs fois qu’on se fait éjecter d’un pays quand des sanctions occidentales sont imposées (…) Est-ce qu’on a la certitude que la stabilité des relations entre la Chine et le monde est garantie ? », a-t-il ainsi lancé, quelques mois après la montée des tensions entre la République populaire et Taïwan et une situation qui restera instable dans les prochaines années.
Il poursuit: « Si on va au bout de notre stratégie, nous n’avons pas besoin d’usines en Chine. Dans un monde où le contexte se tend, nous n’avons pas besoin d’y créer des vulnérabilités. »
Une stratégie qui se prépare depuis un certain temps: dans son plan Dare Forward 2030 présenté en mars dernier, Stellantis évoquait déjà « ce modèle économique « asset light » afin de réduire les coûts fixes et limiter les risques géopolitiques » en Chine, disant viser les 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires à la fin de la décennie. Ce qui représente moins de 7% des 300 milliards d’euros que vise Stellantis pour ses revenus dans le monde.
Où se trouvera le troisième pilier des ventes de Stellantis?
Mais alors que Stellantis, avec ses 14 marques, se positionne en numéro 3 mondial du secteur, derrière Toyota et Volkswagen, le groupe peut-il vraiment faire l’impasse sur la Chine et ses plus de 25 millions de voitures neuves vendues en 2021?
« Stellantis n’est pas vraiment dans la course aux volumes, ce que traduit cette volonté de s’écarter du premier marché mondial. Si Volkswagen y a vendu 3 millions de voitures en 2021, sa part de marché a nettement diminué ces dernières années. Pour Toyota, la force de ses ventes au Japon et en Asie du Sud-Est permet de compenser une certaine faiblesse de sa performance en Chine », note un analyste spécialisé dans le secteur automobile.
« La vraie force de Stellantis ce sont les marges, avec au premier semestre des taux de plus de 10% dans chaque zone géographique », rappelle-t-il, après des résultats records enregistrés au premier semestre.
Lors d’une conférence qui se tenait en marge du Mondial de l’Auto mardi dernier, Carlos Tavares a pourtant évoqué la recherche d’une troisième zone géographique qui pourrait représenter à terme plus de 25% des ventes. Actuellement, l’Amérique du Nord représente près de 50% des ventes de Stellantis, 36% en Europe « élargie ». Dans le reste du monde, l’Amérique du Sud pèse pour 8% du chiffre d’affaires, contre 4% en Afrique-Moyen Orient et seulement 3% en Asie.
« Historiquement, Fiat était très puissant en Amérique du Sud et particulièrement au Brésil. Mais cela reste des marchés extrêmement volatils. Ce sera compliqué d’en faire le troisième pilier de la stratégie de Stellantis », prédit notre expert du secteur.
Pour lui, la partie en Asie n’est pas non plus perdue et pourrait être relancée par l’acquisition d’un constructeur local. Affaire à suivre…
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