Cheval de bataille des élus écologistes depuis de nombreuses années, la lutte contre les jets privés, jugés trop polluants, prend une nouvelle dimension politique. La polémique qui a éclaté autour du déplacement du Paris Saint-Germain, le 3 septembre, à bord d’un vol privé entre la capitale et la ville de Nantes, a donné des idées aux parlementaires, en particulier à gauche.
Pas moins de trois propositions de loi (PPL) ont été ou vont être déposées prochainement par La France insoumise (LFI) et Europe Ecologie-Les Verts (EELV), à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les sénateurs écologistes ont ainsi déposé leur texte – qu’ils surnomment « la loi PSG » – dès le 12 septembre. « C’est vrai que le bad buzz subi par le PSG a accéléré les choses. Nous avons voulu déposer ce texte pour surfer sur l’actualité autour de cette pratique qui choque les Français », confie à franceinfo Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône.
Ce texte vise, selon son unique article consultable sur le site du Sénat, à « élargir à toute l’aviation privée les restrictions s’appliquant aux services réguliers de transport aérien public de passagers ». Comprendre : interdire les vols de ces jets lorsque ce trajet est également assuré en train par plusieurs liaisons quotidiennes d’une durée inférieure à 2h30, sans correspondance.
« La loi climat a prévu la suppression d’une dizaine de lignes intérieures assurées par des compagnies aériennes lorsque le trajet est inférieur à 2h30. Nous voulons étendre ce dispositif aux flottes privées. »
Thomas Dossus, sénateur EELV du Rhôneà franceinfo
« Ce n’est pas une grosse contrainte. J’ai échangé avec les services de la SNCF et ils peuvent facilement mettre à disposition des rames de TGV, même le soir pour les clubs de foot après leurs matchs », avance Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste au Sénat.
Du côté de l’Assemblée nationale, le député écologiste Julien Bayou avait été le premier à évoquer publiquement, dès la mi-août dans une interview à Libération, son intention de déposer une proposition de loi pour « bannir les jets privés ».
A l’époque, « l’affaire » du PSG n’avait pas encore éclaté, mais la prolifération sur les réseaux sociaux de comptes permettant de suivre en temps réel les moindres déplacements des avions privés de milliardaires a suscité l’indignation de nombreux internautes. Le coprésident du groupe EELV au Palais Bourbon (qui s’est depuis mis en retrait) avait alors sauté sur l’occasion pour proposer une interdiction totale de la flotte privée en France.
Il a toutefois été devancé par le député de Seine-Saint-Denis Thomas Portes, qui a déposé une proposition de loi au nom du groupe LFI pour interdire purement et simplement tous les jets privés sur le territoire français. « Ce texte est déposé en réaction au gouvernement qui demande aux Français de faire des efforts sur leur consommation d’énergie tandis que les ultra-riches continuent leur train de vie habituel à bord de leurs jets », confie à franceinfo l’entourage du député « insoumis ».
Cette proposition de loi, qui comporte deux articles, prévoit « l’interdiction de la circulation des jets privés dans l’espace aérien français en dehors des vols d’évacuation sanitaires, des vols qui concernent la sécurité nationale ou encore des jets privés militaires » et « un plan d’action pour la reconversion des salariés du secteur ». Le texte précise également que tout abus sera « puni d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende » et, en cas de récidive, jusqu’à « cinq ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende ».
Malgré le dépôt de ces deux textes, Julien Bayou n’a pas renoncé à sa démarche. Le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts envisage bien, lui aussi, de déposer une proposition de loi d’ici à l’automne. La troisième sur le même sujet.
Le député de Paris, qui travaille aux côtés de l’eurodéputée Karima Delli, préfère prendre son temps pour préparer un texte moins radical que celui de La France insoumise. « L’équipe de Julien Bayou réfléchit à un texte plus ambitieux que celui du Sénat et plus solide juridiquement que celui de Thomas Portes », confirme un proche du parlementaire, qui n’a pas répondu à nos sollicitations. « Le député mène actuellement des auditions de spécialistes du secteur et consulte beaucoup pour s’assurer que le texte soit votable et surtout qu’il fasse avancer le sujet », ajoute un proche.
Ces trois propositions de loi ont-elles justement une chance d’être votées par le Parlement ? En ce qui concerne le texte déposé par La France insoumise à l’Assemblée nationale, la probabilité est très mince : la suppression totale des jets privés en France ne fait pas l’unanimité au sein de l’hémicycle et encore moins du côté du gouvernement. La proposition de loi n’a d’ailleurs pas été inscrite dans la niche parlementaire de La France insoumise prévue le 24 novembre.
Pour le texte sénatorial, Thomas Dossus y croit davantage. L’élu lyonnais mise notamment sur les récentes sorties du ministre des Transports sur le sujet. « L’espoir qu’on a, c’est que Clément Beaune s’intéresse encore de plus près à ces questions essentielles contre le réchauffement climatique et qu’il nous aide à faire bouger les lignes », anticipe le sénateur.
J’ai fait un courrier la semaine dernière au ministre Clément Beaune pour lui dire qu’on était à sa disposition pour avancer à ses côtés sur ce sujet.
Guillaume Gontard, président du groupe EELV au Sénatà franceinfo
Accueilli froidement au cœur de l’été par l’exécutif, le projet de régulation des jets privés porté par le ministre des Transports semble finalement faire son petit effet au sein de la majorité. La polémique du PSG et les déclarations de son entraîneur Christophe Galtier y sont sans doute pour beaucoup.
Dans son plan anti-jets privés qu’il a remis récemment à la Première ministre, Clément Beaune propose plusieurs solutions pour réduire l’activité de l’aviation d’affaires et accélérer sa transition. Selon nos confrères du Monde, la décarbonation des avions grâce aux carburants durables et la limitation du trafic des jets en France pour des liaisons de moins de 2h30 figurent parmi les principales propositions du ministre. Des positions finalement assez proches du texte proposé par le Sénat.
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