Le directeur de Red Bull, Christian Horner, a rapidement repéré le potentiel de Max Verstappen, ici lors du Grand Prix du Canada, le 9 juin 2017 à Montréal.  (CLIVE MASON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Alors que le cap de la mi-saison du championnat du monde vient d’être franchi, et que se disputera dimanche le Grand Prix de Hongrie, le grand cirque de la Formule 1 s’apprête à entrer dans une zone de turbulences, celle du marché des transferts. Opaque et ultra concurrentiel, ce dernier est régi par ses propres codes. Cyril Abiteboul, ancien directeur de Renault F1, les déchiffre pour Franceinfo: sport. 

Chaque mi-saison, c’est la même ritournelle. Le paddock bruisse d’une mélodie qui se siffle de bouche à oreille, rythmée par le son presque imperceptible de la rumeur. Bienvenue dans le jeu des baquets musicaux. Le championnat est déjà bien entamé, certains pilotes ont brillé, d’autres ont déçu. Et puis parfois, il y a ceux aussi qui, comme Sebastian Vettel, cèdent leur place. Il est alors temps pour les écuries de partir en chasse. 

Et celle-ci est plutôt sauvage : « Les choses ne sont pas structurées comme dans d’autres sports », fait remarquer Cyril Abiteboul. « Chaque équipe a son calendrier et son contexte. Ce qui détermine les transferts c’est la rencontre de la situation contractuelle des équipes et des pilotes. Cela dépend des durées de contrat et des options de chacun », annonce-t-il en préambule. 

En dépit de cette apparente profusion, « il y a quand même des grands moments dans une saison, c’est un peu avant l’été, pendant celui-ci, et juste après », poursuit l’ex patron de Renault. Et ce dernier d’étayer son propos avec un exemple concret : « Quand l’écurie vient d’engager un pilote et qu’elle veut se rassurer sur son choix, c’est après quelques grands prix, généralement entre Monaco et Barcelone, qu’elle met déjà une option pour la saison suivante avec ce pilote »

Et si, pour reprendre le cas de figure avancé par Cyril Abiteboul, le pilote engagé ne donne pas satisfaction ? « Quand on veut changer de pilote, on repousse au maximum les jalons contractuels et, vers la fin de l’été, on bascule sur une autre option », répond-il. Pour autant, il serait faux de croire que le pilote n’est qu’une marionnette dans les mains des directeurs d’écuries. 

« Le rapport de force dans la négociation est déterminé par des raisons sportives ou financières. Celui qui a l’ascendant sur l’autre détermine le calendrier. Quand on est en position dominante, on peut se permettre de faire traîner très longtemps », détaille Cyril Abiteboul. Ce dernier, du haut de son expérience dans le paddock, pointe cependant un détail important : « Quand ils sont intelligents, les pilotes ne regardent pas uniquement les forces en présence actuelles au moment de s’engager avec une écurie, ils extrapolent sur ce qui va se passer demain, voire après-demain »

Pour le pilote, il s’agit de se retrouver au bon endroit au bon moment.

Cyril Abiteboul

Franceinfo: sport


Débute alors un jeu de piste dans les coursives. « Les pilotes partent donc à la pêche aux informations, cherchent à savoir quelles seront les futures motorisations, les évolutions de l’organigramme de l’équipe… », énumère notre consultant. « Je me souviens que lorsque Lewis Hamilton est parti chez Mercedes [en 2013], tout le monde était sceptique. Aujourd’hui plus personne ne se pose la question sur la pertinence de son choix. » L’occasion pour Cyril Abiteboul de rappeler une règle d’or de ce sport : « En F1, il y a une puissance du résultat instantané qui obstrue la vision globale mais il faut savoir voir plus loin ». 

Cependant, il ne faut pas imaginer non plus que le marché des transferts en F1 s’apparente au Far West. Le pilote n’est pas livré à lui-même, loin de là. « Le cadre contractuel est assez blindé depuis 1991 avec la création d’une entité indépendante, le « Contract Recognition Board », qui enregistre tous les contrats des pilotes » explique Cyril Abiteboul. « Il est basé en Suisse et fonctionne comme un office notarial : il reçoit les documents sous scellé et a autorité pour délivrer, en cas de litige entre un pilote et une écurie, un jugement qui liera l’ensemble des parties prenantes. »

L’univers n’est donc pas si impitoyable que ça même si, évidemment, la F1 n’est pas une affaire d’enfants de choeur. « Une fois que le contrat est enregistré par cette commission, il y a un vrai respect des dispositions contractuelles. Mais avant la signature, c’est un peu la jungle… » rappelle l’ancien directeur. 

Il y a un certain code de conduite mais dans cet environnement où tout est tourné vers le résultat, il faut s’attendre à tout. Et celui qui ne le fait pas sera toujours défaillant. 

Cyril Abiteboul

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Ce dernier détaille cet étrange ballet : « Les négociations se font toujours de façon masquée. On va chercher des infos, on a des doutes, des suspicions… Parfois les équipes font volontairement fuiter certains éléments, on joue aussi avec les médias… Bref tous les coups sont permis. Mais, une fois que la musique s’arrête et que les contrats sont signés, ces derniers sont respectés »

Encadré par la loi, le marché des transferts n’obéit donc à aucune autre règle générale puisque, comme le conclut Cyril Abiteboul, « l’équation économique de chaque pilote, en fonction de ses résultats, de ses sponsors, des budgets qu’il rapporte à son équipe, est unique ». Et, comme souvent dans ces cas-là, les écuries n’occupent pas toutes la même place à la table des négociations. « Les teams les plus puissants pourront se laisser un maximum de temps pour faire leur choix car, en F1, ce sont eux les maîtres des horloges ». 

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