C’est une « success story » comme on en fait peu. Débarquée en Formule 1 voilà 27 ans, la firme Red Bull a depuis bâti un empire. A coup de millions, avec de l’audace aussi. Comme toutes les histoires de ce type, celle de la firme autrichienne comporte sa part de mystère, de fantasme, voire de noirceur. Au moment où elle aborde en tête du championnat son Grand Prix national sur le circuit de Spielberg, dimanche 10 juillet, Franceinfo: sport fait le point sur la galaxie Red Bull.
L’écurie au taureau rouge a rué dans les brancards pour se faire une place dans l’arène, n’hésitant pas à bousculer les codes et l’ordre établi. D’abord spécialisé dans le sponsoring des sports extrêmes, Red Bull a tenté l’aventure de la discipline reine du sport mécanique en 1995 en s’accolant à l’écurie Sauber. Puis, ayant acquis suffisamment d’expérience dans le paddock, elle a franchi le pas en rachetant coup sur coup Jaguar en 2004, et Minardi l’année suivante. La révolution était en marche.
« C’est d’abord et avant tout la volonté d’un dirigeant, actionnaire et propriétaire de sa marque, passionné de sport automobile et qui a créé une machine de guerre marketing », explique d’emblée Cyril Abiteboul à propos de Dietrich Mateschitz, le fondateur du groupe. Et notre consultant, ancien directeur sportif de Renault F1, de résumer : « Tout est lié au narratif de cette marque, basé sur la performance et l’extrême ». Mateschitz n’a cessé de développer ce concept, aussi bien pour ses boissons énergisantes que pour ses monoplaces.
Last years F1 race winners at the Red Bull Ring, Austria:
2021 Austrian GP winner – Max Verstappen
2021 Styrian GP winner – Max VerstappenHome advantage for Christian Horner’s team? pic.twitter.com/edtyTr566O
— William Hill (@WilliamHill) July 6, 2022
« Après avoir sponsorisé Sauber il s’est dit qu’il ne serait jamais aussi bien servi que par lui-même, raconte encore Cyril Abiteboul. Plus que n’importe quelle autre écurie, Red Bull a su investir de manière continue, importante et multidirectionnelle ». Si l’argent est bien sûr la clé de voûte de l’édifice, il a été intelligemment employé. « La stabilité est peut-être l’élément le plus fondateur du succès », poursuit Cyril Abiteboul. « Si vous regardez bien, le staff de Red Bull n’a que très peu bougé au cours du temps. Que ça aille bien ou non. Et quand ça n’allait pas, ils n’ont pas viré tout le monde comme cela peut se faire parfois en F1. »
Cette volonté d’aller toujours de l’avant s’est également conjuguée avec un sens aigu des opportunités à saisir. Ainsi, « quand Mateschitz s’est vu proposer une seconde écurie, en l’occurrence Minardi, il n’a pas hésité. Il l’a rebaptisée Toro Rosso, traduction littérale de Red Bull en italien, et s’en est servi d’incubateur pour ses jeunes pilotes. C’est une stratégie inventée en cours de route mais qui s’est révélée extrêmement payante », décode le consultant.
« Quand ils décident de quelque chose, ils vont chercher ce qui se fait de mieux sur la planète. »
Cyril Abiteboul, ancien directeur sportif de Renault F1à franceinfo : sport
Ce dernier ne cache pas son admiration lorsqu’il s’agit d’évoquer le degré d’excellence auquel est parvenu la firme de Milton Keynes. « Ils ont des équipements totalement hallucinants. Les moyens dont ils se sont dotés, et ceux qu’ils ont élaborés eux-mêmes, sont extraordinaires. Ils ont emmené les outils de simulation à un niveau jamais imaginé », souffle-t-il. Et de résumer ainsi la philosophie Red Bull : « Ils ont une feuille de route extrêmement agressive. La force de Red Bull c’est qu’ils ne s’arrêtent jamais d’investir ».
Si aujourd’hui Red Bull « qui a bénéficié longtemps de n’avoir que du châssis de sa voiture à s’occuper » rappelle Cyril Abiteboul, se permet de faire la nique à des constructeurs aussi prestigieux et aguerris que Mercedes ou Ferrari, c’est avant tout parce qu’ils sont « ultra opportunistes ». Ce dernier file même la métaphore de la course automobile en notant qu’« ils freinent plus tard que les autres écuries pour voir quelle est la meilleure trajectoire à prendre ». Pour Cyril Abiteboul, « ils ont l’intelligence du rapport de force. L’investissement leur procure une posture dans les négociations qui est juste imbattable ».
En revanche, Cyril Abitboul se montre plus réservé au sujet de la gestion des pilotes au sein de la firme autrichienne. « Dans ce domaine aussi, ils se montrent extrémistes. C’est peut être le seul point où on pourrait leur reprocher un certain manque de patience, voire d’humanité », observe-t-il. « Ils voient le pilote comme l’une des composantes de leur outil global. Mais, au final, le système fonctionne et ils ont fait émerger des talents comme Vettel, Ricciardo ou Verstappen ».
Le cas de Pierre Gasly, éjecté de la maison mère pour retourner dans la filiale Toro Rosso en pleine saison 2019, a tout de même surpris l’ancien directeur de l’écurie Renault. « Peut-être n’ont-ils pas voulu faire les efforts pour mettre Pierre dans des dispositions psychologiques favorables ? », s’interroge-t-il. « Quand on arrive chez Red Bull, c’est une chance mais c’est aussi une grande pression ».
Derrière cette pression se cache le fameux Christian Horner, l’omnipotent, et parfois décrié, directeur de l’écurie. « Il est clivant, certes, mais il est surtout efficace », tranche Cyril Abiteboul. « Les résultats parlent pour lui. On pourrait rétorquer qu’il manque d’émotions dans ses rapports humains mais la F1 n’est pas un sport où l’on fait du sentiment. Seule l’efficacité compte. » A cette froideur apparente, Christian Horner a su toutefois ajouter une bonne dose d’humour qui en fait l’un des meilleurs clients des journalistes sur les courses. « C’est une bête de communication et le roi de la punchline », confirme Abiteboul.
Si le flou demeure pour 2023, car Honda n’équipera plus l’équipe en moteurs la saison prochaine, le court terme s’annonce radieux : « Je les vois doubles champions du monde [pilotes et constructeurs] cette saison, conclut Cyril Abiteboul. Ferrari fait tout pour les aider et Mercedes progresse mais part de trop loin ». Si la marque prétend qu’elle donne des ailes, personne en F1 ne semble pour l’instant en mesure de les lui couper.
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