Un tweet et une blague maladroite, voilà le mélange explosif qui a propulsé le club du Paris Saint-Germain au cœur d’une polémique qui dépasse le cadre sportif. Deux jours après avoir ironiquement envisagé des déplacements en « char à voile« pour les joueurs parisiens, l’entraîneur Christophe Galtier a reconnu le lendemain « une blague de mauvaise qualité ».
Passée la polémique, sur le fond, certains détails, et non des moindres, restent problématiques pour les équipes. D’abord, les questions logistiques liées à l’aspect sportif. « Les TGV n’offrent pas de retour après les matchs du soir, le retour en train ne peut se faire que le lendemain, pointe un responsable du PSG. Surtout, l’équipe joue tous les trois jours. Donc si les joueurs doivent dormir sur place, sachant que la nuit suivant le match est très courte, cela leur fait une journée en moins de récupération. » Un avis partagé au Stade Rennais : « Quand une équipe est engagée sur un championnat européen, les matchs s’enchaînent avec le calendrier de L1, et le temps de récupération est fondamental pour les sportifs de haut niveau », détaille un responsable communication.
Décaler le retour au matin retarderait ainsi les séances de récupération et d’entraînement. Du côté de la SNCF, les trajets retour posent effectivement encore un problème logistique. « La nuit, il y a peu de trains et des travaux de maintenance y sont réalisés », répond la SNCF. Au-delà des horaires, c’est aussi le manque de flexibilité de la compagnie que soulignent les clubs. « Les emplois du temps (jour précis dans le week-end et horaires de match) sont définis par les diffuseurs trois semaines à l’avance seulement. Logistiquement, c’est très compliqué », indique le Stade Rennais. D’autant plus sur les périodes de vacances scolaires, où le nombre de passagers gonfle dans les trains.
D’après la dernière étude commandée par la Ligue professionnelle de football (LFP) sur la base de la saison 2018-2019 (dernière saison complète avec du public), les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, avaient fait 65 % de leurs déplacements en avion, 31 % en bus, et seulement 4 % en train. Alors qu’une dizaine de déplacements pourrait être plus court ou équivalent en train, d’après les données récoltées par le quotidien Libération.
La souplesse face à l’imprévu est également mise en avant. Si le jet privé peut attendre et s’adapter aux aléas, le train lui, est en revanche plus limité sur la question de la souplesse. « Avec l’avion, précise un responsable de l’Olympique de Marseille, on a la garantie d’arriver à temps. En train, il peut toujours survenir des imprévus, des collisions avec des animaux, des pannes etc. »
« Si l’horaire du match venait à changer pour quelques raisons que ce soit, météorologiques, sécuritaires etc, comment faisons-nous si nous sommes en retard ? Le train nous attendrait-il ? »
un dirigeant de l’Olympique de Marseilleà franceinfo: sport
Par ailleurs, les clubs s’accordent également sur la question de la sécurité à l’arrivée et sortie des gares. Comment assurer la sécurité des équipes et éviter les troubles à l’ordre public ? Les cas de clubs phares comme Paris, mais aussi de Marseille, sont à part, car chacun de leurs déplacements déclenche des cohues.
La SNCF assure pouvoir répondre à cette interrogation, en sécurisant les lieux, notamment à l’aide de leurs propres effectifs. « L’équipe serait installée en tête ou en queue du train. On peut aussi imaginer les faire partir d’autres gares comme Massy-Palaiseau, Marne-la-Vallée ou celle de l’aéroport Charles de Gaulle 2, qui sont plus faciles d’accès que les gares parisiennes. L’équipe de France de rugby y a d’ailleurs déjà recours », détaille la compagnie ferroviaire, qui souhaite travailler avec tous les clubs.
La SNCF se dit confiante dans sa capacité à trouver une solution pour les contraintes spécifiques des clubs professionnels. « Nous proposons deux types d’offres : la privatisation du train entier soit environ pour 500 personnes, ou la privation d’une ou plusieurs voitures pour un groupe. La SNCF l’a déjà fait pour des déplacements de politiques, de pèlerins et de supporters. Nous avons l’expérience en la matière », soutient l’entreprise ferroviaire. L’offre des « trains spéciaux », comme l’appelle la SNCF, est « sur mesure et chaque besoin client est pris en compte ». Cela va donc d’un service premium bagagerie, restauration ou encore d’un accueil VIP.
Mais tout cela a un coût. Si on estime celui d’un trajet en jet privé aux alentours de 30 000 euros, la SNCF s’abstient de communiquer sur ses tarifs pour ce genre de prestation. « Chaque négociation est différente et tout est sur mesure », répond l’entreprise. En juillet 2021, la LFP assurait d’ailleurs que la solution par voie ferrée « entraînerait un surcoût extrêmement important pour les clubs ». D’après les estimations de certains clubs de Ligue 1, intéressés par cette option, les tarifs seraient deux à trois fois plus chers que l’avion à l’heure actuelle.
Si le changement n’est pas encore pour demain, les clubs réfléchissent activement à des solutions alternatives à l’avion. D’après l’étude commandée par la LFP, calculant l’empreinte carbone des déplacements des joueurs et des spectateurs, « 66 % des clubs se disent prêts à envisager de réaliser tout déplacement dont le trajet serait inférieur à quatre heures en bus, voire le font déjà ; et 19% des clubs sont prêts à essayer sur quelques matchs ». Aussi, « 26% des clubs sont prêts à recourir au train pour un trajet direct inférieur à trois heures et 39% sont prêts à essayer pour quelques matchs ».
Toutefois, même si les déplacements en jets privés sont plus polluants que les trajets en train, sur les émissions carbones totales émises liées au déplacement des matchs de Ligue 1, l’étude nous apprend aussi que « 87% proviennent du déplacement des supporters pour se rendre au stade ». Le chemin est donc encore long, mais la SNCF se veut confiante pour la suite. « Il y a encore quelques années, aucun club ne nous appelait. Aujourd’hui, nous sommes en discussion. »
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