Les interminables lacets de l’Alpe d’Huez sont peut-être la propriété des bouillants supporters néerlandais, le sommet du col semble lui appartenir aux Britanniques. Après Geraint Thomas en 2018, un autre Anglo-Saxon de la formation Ineos-Grenadiers a raflé la mise, en la personne de Thomas Pidcock, jeudi 14 juillet. Sans pitié pour la fête nationale française, le frêle natif de Leeds a lâché ses compagnons d’échappée pour savourer en solitaire sa première victoire sur le Tour de France et sur le World Tour.
A seulement 22 ans, la « Pocket Rocket » (« fusée de poche » en rapport à sa petite taille) est même devenu le plus jeune vainqueur en haut de l’Alpe d’Huez, écartant Luis Herrera, vainqueur à 23 ans en 1984, des livres d’histoire. Voici quatre choses à savoir sur le lutin britannique, que peu en France imaginaient s’imposer jeudi.
Il compte parmi les plus grands espoirs du cyclisme britannique
Ethan Hayter, Magnus Sheffield, Ben Turner… et donc Tom Pidcock. Le jeune coureur d’Ineos-Grenadiers fait partie de la pépinière d’espoirs du cyclisme anglais. A la croisée des générations, la Perfide Albion s’apprête à dire au revoir à Chris Froome, Geraint Thomas ou Mark Cavendish. Mais elle a de quoi voir venir, et Pidcock en est l’étoile la plus brillante.
Excellent chez les jeunes au sein de l’équipe de l’ancien vainqueur du Tour Bradley Wiggins, Pidcock avait déjà bien garni son palmarès, remportant notamment le « Baby Giro », avant de passer professionnel en 2021. A la vue de ses résultats, sa première année chez les pros n’a rien eu d’une période d’adaptation : 5e des Strade Bianche, deuxième de l’Amstel Gold Race, 6e des Championnats du monde.
Le Britannique épouse d’ailleurs tous les contours de l’ambition insolente qu’affectionnent les Anglais. Souvent affublé du terme « cocky » (arrogant), qui a longtemps sied à un certain Mark Cavendish, Pidcock aime jouer avec ce caractère bien trempé. « Je veux gagner le Tour de France, Paris-Roubaix, les championnats du monde sur route, piste et VTT », lâchait-il au Guardian (article en anglais) dans une demi-plaisanterie en 2020, alors qu’il n’était pas encore professionnel.
Il fait partie de la génération dorée du cyclo-cross passée sur route
On résume souvent les rois du cyclo-cross à un duo Wout van Aert-Mathieu van der Poel, mais il serait en 2022 plus juste de parler d’un trio, en ajoutant Tom Pidcock. Le jeune Britannique est à la bagarre dans les sous-bois avec les deux « van », et ne s’est pas fait prier pour devenir champion de la discipline en leur absence en 2022. Premier Britannique à recevoir ce titre au niveau élites, Pidcock l’avait déjà glané chez les juniors en 2017 puis chez les Espoirs en 2019.
Comme Van Aert et Van der Poel, il s’est exporté avec un succès déconcertant sur route. S’il n’est pas encore à leur niveau, il leur rend également cinq ans. Et il ne souhaite pour l’instant que « s’amuser sur le vélo », comme eux à leur passage sur route. « C’est la chose la plus importante. Personne n’est inspiré par quelqu’un d’ennuyant, non ? », soufflait-il au Guardian il y a deux ans.
Il a un profil inclassable
A la vue de son profil (1,70 m pour une cinquantaine de kilos), on cataloguerait à première vue Tom Pidcock parmi les sprinteurs de poche, à l’image de Caleb Ewan. Il n’en est rien. Le Britannique n’a pas une mauvaise pointe de vitesse, mais il est une anomalie physiologique. Il excelle sur les pavés (vainqueur de Paris-Roubaix espoirs), et descend tel un virtuose, deux qualités normalement confisquées par les cyclistes plus lourds et plus grands. « Il fait partie de ces coureurs qui ont une palette énorme, en haute montagne, sur les classiques, en cyclo, en VTT. C’est le cyclisme moderne », résume Thomas Voeckler.
Désormais, impossible de dire qu’il n’est pas un bon grimpeur. Anonyme lors de son premier Grand Tour en 2021 en Espagne, Pidcock donne raison à son équipe de l’avoir sélectionné lui plutôt qu’Ethan Hayter pour cette Grande Boucle. « Ineos l’a lancé à l’avant, il a admirablement joué et maîtrisé son effort, alors que ce n’est pas évident, quand c’est son premier Tour de France, de ne pas se laisser griser », observe Thomas Voeckler. Dans la veine d’un Wout van Aert, Pidcock est un coureur inclassable dont le potentiel réel reste à déterminer.
Il est le premier champion olympique de VTT à s’imposer sur le Tour
Tom Pidcock est un insatiable du vélo. Quand il ne fait pas du cyclo-cross, il est sur la route, et lorsque qu’il n’est pas sur l’asphalte, il fait du VTT. Pidcock a même été sacré en 2021 champion olympique de VTT, le seul Britannique à le devenir depuis l’introduction de la discipline en 1996. Aucun coureur n’avait auparavant réussi à glaner la breloque en or aux Jeux en VTT et à s’imposer sur le Tour.
Pidcock, qui avoue adorer des coureurs comme Julian Alaphlippe et Peter Sagan, qui ont tous deux commencé par… le VTT, a fait preuve d’un sens inouï des trajectoires si chères au VTT dans les descentes du Galibier puis du Télégraphe jeudi. Il a avalé en descente de nombreux adversaires pourtant bien plus lourds, et finalement incapables de suivre sa roue. « Aujourd’hui, je me suis dit de mettre le paquet. Si je n’avais pas cette capacité de descendre vite, je n’y serais pas arrivé, mais ça s’est bien passé », expliquait-il à l’arrivée.
Tout comme van Aert ou van der Poel, son passé dans les autres disciplines lui confère un avantage irremplaçable sur la route : la confiance sur le vélo dégouline des pores de Tom Pidcock. Depuis jeudi, tout le monde s’en est rendu compte.
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