Comment passer d’une emblématique compétition qui enflamme des stades entiers à un petit tournoi qui se dispute dans l’anonymat le plus total ? Ce n’est pas seulement à cause de l’annonce brutale de Roger Federer, à la retraite depuis ce jeudi 15 septembre. En 2019, la Coupe Davis, du moins son format, a complètement changé avec l’arrivée d’un nouvel exploitant, à savoir la société Kosmos, propriété du défenseur barcelonais Gerard Piqué. Objectif, faire venir les meilleurs joueurs du monde et rendre plus télégénique la compétition en vue de la développer.
Trois ans plus tard, et alors que la France dispute en ce moment même sa phase de groupes en Allemagne, le constat est terrible. « Aujourd’hui, la Coupe Davis ne représente absolument plus rien, c’est pathétique » s’agace Arnaud Clément, consultant pour France Télévisions et finaliste de la Coupe Davis avec les Bleus en 2010, quand on lui demande son avis sur la situation actuelle. Franceinfo: sport s’est donc penché sur la question de savoir pourquoi cette nouvelle formule ne fonctionne toujours pas.
Parce qu’elle n’a pas tenu son pari à faire revenir les meilleurs joueurs du monde
C’était l’objectif majeur pour appâter l’ITF : la Coupe Davis ne devrait pas se disputer sans ses meilleurs ambassadeurs. Comprendre ici, sans le trio légendaire Federer-Nadal-Djokovic et sans la nouvelle génération hyper ambitieuse représentée par Daniil Medvedev, Stefanos Tsitsipas ou encore Alexander Zverev, entre autres. Trois ans après, aucun de ces six hommes, pour ne citer qu’eux, ne participe actuellement à la phase de groupes de la Coupe Davis.
Si la retraite de l’un, et les blessures des autres, peuvent justifier cette situation, seuls sept membres du top 20 mondial actuel dispute la compétition. Pour Lionel Maltese, spécialiste dans le marketing du sport, il faudrait trouver de « vrais financements pour débloquer un prize money important parce que c’est faux, les joueurs ne viennent pas jouer seulement pour leur nation« .
Cela s’explique surtout par des choix à faire dans un calendrier déjà surchargé. Encore plus pour des joueurs qui se rapprochent des 40 ans. « C’est mathématique dans le tennis, si un joueur dépasse un certain nombre de matchs dans la saison, il se blesse, affirme celui qui est également organisateur de l’Open 13 de Marseille. Ils ne veulent donc pas se mettre dans le rouge avec cette Coupe Davis parce que leur priorité, et c’est légitime, reste les tournois du Grand Chelem et les Masters 1000. »
Parce que le public ne s’y reconnaît plus
« Dans le sport, on ne peut pas oublier les fans, et avec cette nouvelle Coupe Davis, on n’a rien eu à faire de leur avis, estime notre consultant Arnaud Clément. C’est triste, mais c’est pour ça aussi que les meilleurs joueurs ne viennent plus. Jouer dans un stade Pierre-Mauroy rempli, devant 27 000 personnes, ou même à l’extérieur dans des petites salles en fusion pleines à craquer, c’est ça également qu’un sportif recherche.«
Sauf qu’aujourd’hui, les salles, en Allemagne, en Ecosse, en Espagne ou même en Italie, sont vides. Au mieux, quelques centaines assistent aux matchs de leurs nations respectives. Les horaires, en pleine semaine, et les affiches, peu attractives, expliquent cet abandon de poste massif. « Le fait que la compétition ne soit pas la même chaque année et qu’il y ait une incompréhension autour de son organisation, c’est complexe pour le consommateur, explique Maltese. Dans tous les cas, la marque, que ça soit Coupe Davis ou pas Coupe Davis, on ne comprend plus trop ce que c’est. »
Un sentiment complètement partagé par Arnaud Clément : « On ne comprend rien, parce que le format est incompréhensible. La France jouait contre l’Allemagne, et même chez eux à Hambourg, il n’y avait pas plus de 1000 personnes en tribunes. Pour moi, la Coupe Davis est très importante, c’est dans le sang. Quand on l’a aimée autant, que ce soit pour la regarder ou la jouer, et qu’on voit ce qu’elle est devenue aujourd’hui, ça fait mal. D’ailleurs, ce qui est le plus énervant, c’est qu’on l’appelle toujours Coupe Davis. Mais ce n’est pas ça, la Coupe Davis. Aujourd’hui c’est devenu un tournoi confidentiel ».
Parce que c’est un fiasco sur le plan marketing
Qui dit tribunes vides et désertion des meilleurs joueurs du monde dit forcément fuite des sponsors et chute des revenus autour de l’événement. « C’est évidemment un énorme échec sur le plan marketing, assure Lionel Maltese. Il faut engager une grande réflexion. Notamment sur le fait que sans la présence des meilleurs joueurs du monde, vous n’avez aucune attractivité. Mais que sans un prize money important, ces meilleurs joueurs ne viendront pas. Cela passe aussi par un calendrier aménagé, et enfin la désignation, très en avance, du lieu des phases finales.«
Cette saison, la formule est donc passée d’une seule et même période en clôture de la saison, à trois distinctes entre avril et novembre (une phase de qualifications, une phase de groupes et une phase finale). Une autre promesse de base – qui consistait à alléger un calendrier déjà surchargé – non respectée par ailleurs. Autre problème pointé du doigt par le spécialiste : la désignation beaucoup trop tardive du lieu des phases finales. Cette saison, par exemple, c’est seulement en avril que le site de Malaga, en Espagne, avait été désigné. Trop tard « pour trouver de nouveaux sponsors et de bons financements permettant d’augmenter le prize money par exemple.«
« La solution, pour moi, c’est ce qu’a proposé Sébastien Grosjean : l’organiser tous les deux ans. Le financement ne sera malheureusement pas le même mais la marque sera recréée. C’est de faire comme certaines compétitions internationales majeures [comme la Ryder Cup]. C’est la seule solution pour pouvoir attirer tous les meilleurs joueurs. »
Lionel Maltese, spécialiste dans le marketing du sportà Franceinfo: sport
Arnaud Clément partage également le souhait de voir un jour passer la compétition tous les deux ans. Pour ainsi permettre un allégement significatif du calendrier puis pour « élancer la ferveur autour de la Coupe Davis qui retrouverait son public sans difficulté. » Mais pour l’instant, il faudra bel et bien se contenter, ou pas, de cette version.
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