Une joueuse de basket au cœur d’un échange de prisonniers russo-américain. L’Américaine Brittney Griner, 2,06 mètres, star de la WNBA, la ligue de basket nord-américaine féminine, a été condamnée, jeudi 4 août, à neuf ans de prison ferme par un tribunal russe pour possession et trafic de drogues.
Arrêtée au mois de février à Moscou pour possession de cannabis, elle se retrouve aujourd’hui, malgré elle, plongée dans une crise géopolitique entre Washington et Moscou, en plein conflit en Ukraine. Franceinfo résume l’histoire de cette sportive, devenu un enjeu diplomatique pour les Etats-Unis, en six actes.
1Le 17 février, Brittney Griner est arrêtée à Moscou
La sportive de 31 ans, considérée comme l’une des meilleures joueuses de basket au monde, est arrêtée en février à l’aéroport de Sheremetyevo de Moscou avec du liquide de vapoteuse à base de cannabis, quelques jours avant l’offensive russe en Ukraine.
L’inspection du bagage à main apporté par Brittney Griner, arrivée sur un vol en provenance de New York, permet alors de « confirmer la présence de vapoteuses (et) d’un liquide présentant une odeur particulière« , précise le service fédéral des douanes de Russie dans un communiqué.
— Phoenix Mercury (@PhoenixMercury) March 5, 2022
La star des Phoenix Mercury (club de la ville de Phoenix, en Arizona) était venue en Russie pour jouer pendant l’intersaison américaine, une pratique courante pour les basketteuses de WNBA, qui gagnent souvent mieux leur vie à l’étranger qu’aux Etats-Unis.
2Le 5 mars, la détention de la star du basket est révélée au grand public
Quinze jours après l’interpellation de Brittney Griner, celle-ci est révélée publiquement. Entre-temps, les forces russes ont envahi l’Ukraine et l’annonce de son arrestation est accueillie par un silence qui semble délibéré. Son club des Phoenix Mercury réagit simplement, dans un très court communiqué, être « informé » de la situation de la joueuse. Sa femme, Cherelle Griner, appelle à « respecter [leur] vie privée » pendant qu’elle « travaille à faire rentrer [s]a femme en toute sécurité ».
Même stratégie à Washington, où l’on redoute que la joueuse ne devienne un outil de pression dans le conflit ukrainien. « Pour les Américains détenus, nous ne donnons généralement pas de détails car cela ne fait pas avancer les choses pour les ramener à la maison », commente un porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, pour justifier ce silence.
3Le 19 juillet, Joe Biden adopte davantage de sanctions pour libérer des détenus américains
Face à la médiatisation de l’affaire, le président Joe Biden ouvre la voie à des sanctions contre les gouvernements qui emprisonnent injustement des Américains et ordonne des avertissements de voyage plus détaillés.
La superstar de la NBA LeBron James avait estimé, quelques jours auparavant, que les autorités américaines ne faisaient pas suffisamment d’efforts pour rapatrier Brittney Griner. « Comment peut-elle se sentir soutenue par les Etats-Unis ? », s’était interrogé le joueur, quadruple champion NBA et désigné quatre fois meilleur joueur de la ligue, dans son émission « The Shop : Uninterrupted » sur YouTube. « Dans son cas, je me demanderais : ‘Est-ce que j’ai même envie de rentrer en Amérique ?' »
Joe Biden signe alors un décret (en anglais) autorisant les agences gouvernementales à imposer des sanctions financières ou des interdictions de voyager aux fonctionnaires étrangers ou aux acteurs non étatiques impliqués dans des détentions injustes d’Américains.
4Le 4 août, Brittney Griner est condamnée à neuf ans de prison ferme en Russie
Lors de son procès, fin juillet, Brittney Griner clame avoir apporté par inadvertance du cannabis médicinal en Russie mais n’avoir jamais eu l’intention de faire de la contrebande de drogue. Selon elle, le cannabis lui a été prescrit par un médecin. « Je n’ai pas eu l’idée, ni ne prévoyais d’introduire des substances interdites en Russie », déclare alors la double championne olympique, depuis la cage réservée aux accusés, selon une journaliste de l’AFP sur place.
Elle explique qu’elle utilisait le cannabis médicinal de façon légale aux Etats-Unis, sur ordonnance et uniquement lors de ses jours de repos, hors compétition, pour soulager de multiples « douleurs » liées à sa pratique intensive du basket. « C’est à cause de toutes les blessures que j’ai eues pendant cette longue période de basket-ball. Cela va de mon dos aux cartilages. Et j’ai été en chaise roulante pendant quatre mois, je m’étais foulé la cheville », détaille-t-elle.
Le Parquet russe requiert neuf et demi de prison contre la star du basket féminin, qui demande au tribunal de « ne pas mettre fin à sa vie ». Elle affirme : « J’ai commis une erreur de bonne foi et j’espère que le jugement ne mettra pas fin à ma vie ici. »
Au terme du procès, le tribunal de Khimki, près de Moscou, reconnaît finalement la star de la sélection des Etats-Unis coupable de possession et de trafic de drogue et la condamne « à neuf ans de détention dans une colonie pénitentiaire« , selon les déclarations de la juge Anna Sotnikova, rapportés par l’AFP.
5Le 4 août, les Etats-Unis dénoncent une « détention abusive »
Cette lourde condamnation suscite une vague d’indignation, notamment dans le monde du sport. A la suite du jugement, les avocats de la star internationale du basket annoncent immédiatement qu’elle fera appel de sa condamnation.
« C’est inacceptable et je demande à la Russie de la libérer immédiatement afin qu’elle puisse retrouver sa femme, ses proches et ses coéquipières« , exhorte de son côté le président américain Joe Biden dans un communiqué (en anglais) après l’annonce du jugement.
La porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, dénonce elle aussi la « détention abusive« de la double championne olympique. « Le verdict rendu aujourd’hui nous rappelle ce que le monde savait déjà : la Russie détient Brittney à tort. Elle n’aurait même jamais dû avoir à supporter un procès », déplore-t-elle. Du côté du Parti républicain, le très conservateur Ted Cruz, sénateur du Texas, parle également de « détention arbitraire« .
Côté sportif, la Ligue féminine nord-américaine de basket (WNBA) déplore une condamnation « injustifiée et malheureuse. Le verdict (…) était prévisible et Brittney reste détenue à tort », regrette l’instance dans une déclaration conjointe avec la NBA.
6Le 5 août, la Russie se dit « prête » à discuter d’un échange de prisonniers
Au lendemain de la condamnation de la basketteuse, la Russie a dit vendredi être « prête » à discuter d’un échange de prisonniers avec les Etats-Unis. L’administration américaine affirmait depuis plusieurs jours avoir soumis au Kremlin une proposition pour obtenir la libération de la joueuse, mais la diplomatie russe répétait qu’un échange ne pourrait être évoqué qu’une fois le jugement tombé.
« Nous sommes prêts à discuter de ce sujet, mais seulement dans le cadre du canal [diplomatique] qui a été convenu par les présidents Poutine et Biden », a assuré vendredi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, lors d’un déplacement au Cambodge. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a déclaré vendredi que les Etats-Unis allaient « continuer » à discuter avec la Russie au sujet d’un échange de prisonniers impliquant la basketteuse.
Washington avait déclaré fin juillet avoir fait une offre « conséquente » et « sérieuse » pour obtenir le retour de Brittney Griner et de Paul Whelan, un Américain qui purge une peine de 16 ans de prison en Russie pour « espionnage ». Selon des médias américains, comme le New York Times (en anglais), l’échange en question concernerait la basketteuse et Paul Whelan contre Viktor Bout, surnommé le « marchand de mort », un trafiquant d’armes russe qui purge 25 ans de prison aux Etats-Unis.
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