L’édition 2022 de Wimbledon sera inédite à plus d’un titre. Sans joueurs ni joueuses russes et biélorusses, interdits de participation par les organisateurs, ni points attribués par l’ATP et la WTA en réponse à cette première mesure, Wimbledon aura des airs de tournoi de gala. D’autant plus sans les présences des numéros 1 et 2 mondiaux. Daniil Medvedev, du fait sa nationalité russe, et l’Allemand Alexander Zverev, qui se remet de sa blessure à la cheville survenue à Roland-Garros, ne se rendront pas à Londres.
Un tournoi londonien sans ses deux premières têtes de série, un fait inédit à Wimbledon depuis la création du classement ATP en 1973. Et la première fois en Grand Chelem depuis l’Open d’Australie 1999, où Pete Sampras et Marcelo Rios, respectivement numéros 1 et 2 mondiaux, étaient les grands absents. Cette situation historique est toutefois nuancée par l’ancien joueur Arnaud Clément. « Le numéro 3 mondial Novak Djokovic sera là, et c’est finalement peut-être lui le vrai numéro 1 dans l’esprit, et tennistiquement. Surtout à Wimbledon, où il reste, ces dernières années, très largement dominateur. » Pas de quoi, donc, faire perdre de sa grandeur au Grand Chelem, malgré ce casting réduit.
L’absence de points ATP et WTA distribués peut-elle en revanche atténuer l’attrait du tournoi londonien ? Certes, cette décision de n’attribuer aucun point ne concernera pas les spectateurs, mais elle ne sera pas sans conséquence pour les joueurs et les joueuses du circuit.
Ceux qui avaient réalisé de belles performances en 2021, et donc gagné beaucoup de points, ne pourront pas les défendre et risquent même de chuter au classement. C’est le cas de l’Italien Matteo Berrettini, finaliste l’an passé, et actuel 11e mondial. « Je me suis fait complètement avoir », avait-il déclaré après s’être qualifié pour la demi-finale de Stuttgart le 10 juin.
« C’est une situation difficile, j’ai tellement de points à défendre et maintenant je ne peux plus les défendre. »
Matteo Berrettini, 11e joueur mondial à l’ATPen conférence de presse lors du tournoi de Stuttgart
Sans points attribués, l’une des motivations sera donc le prize money, qui demeure, lui, inchangé. « Le fait de ne pas bénéficier de points par rapport aux efforts qui ont été fournis en termes d’adaptation à la surface et de ne toucher qu’un chèque rend la manière d’aborder le tournoi un peu spéciale », estime Arnaud Clément.
Car mis à part « ceux qui vont aller chercher un gros résultat qui restera marquant dans leur carrière, un 21e ou 23e titre du Grand Chelem, ou encore un premier titre en majeur, ne pas bénéficier du coup de boost au niveau du classement en cas de belle performance sera un peu particulier pour beaucoup de joueurs et joueuses », analyse encore Arnaud Clément.
Si tous les participants ont des situations différentes, les joueurs du circuit secondaire ont un besoin crucial de ces gains remportés lors des tournois du Grand Chelem pour assurer la suite de leur saison. « Bien sûr, c’est dommage qu’il n’y ait pas de points, mais il y a quand même un peu d’argent à gagner. Et en Grand Chelem, cela vaut le coup. L’argent, on ne le gagne pas dans les challengers mais seulement dans les tournois du Grand Chelem. Faire l’impasse sur un Grand Chelem n’est pas envisageable », explique Enzo Couacaud, 207e mondial, qualifié pour la première fois pour le tableau final, après s’être sorti des qualifications jeudi 23 juin.
Pour autant, le Grand Chelem sur herbe perdra-t-il de son aura ? « Une fois que le tournoi sera lancé, que les joueurs auront passé, leur premier, deuxième tour, ils seront pleinement dedans et oublieront » ce contexte, estime Arnaud Clément. Car jouer Wimbledon a toujours une saveur particulière, quelles qu’en soient les circonstances.
« Wimbledon est un monument. C’est le plus grand tournoi du monde, affirme Patrice Hagelauer, ancien entraîneur de Yannick Noah, de l’équipe de France de Coupe Davis et ex-DTN au sein de la Fédération française de tennis (FFT). Jouer à Wimbledon, c’est comme jouer les Jeux olympiques une fois tous les quatre ans. Les joueurs viennent pour représenter leur pays, pour le prestige et l’histoire. »
« Rentrer avec la coupe de Wimbledon à la maison, c’est vraiment inestimable. »
Patrice Hagelauer, ancien entraîneur de Yannick Noahà franceinfo: sport
Ce sentiment de prestige et d’histoire est aussi ressenti par les joueurs actuels du circuit. « Forcément, comme tous les joueurs qui participent aux qualifications, je me suis demandé, pendant cinq minutes, si j’allais y participer ou y renoncer. Mais, Wimbledon reste un Grand Chelem prestigieux. D’ailleurs, on peut voir que très peu de joueurs ont fait l’impasse », confie Enzo Couacaud.
Si le jeune Tricolore a ressenti lors de son début de tournoi en qualifications, lundi 20 juin, la même motivation qui l’anime chaque année, il avoue toutefois jouer avec un peu plus de relâchement. « Cela retire un peu de pression car si je perds, au moins je pourrais faire un tournoi challenger la semaine prochaine où il y aura des points à gagner. Ce ne sera pas la fin du monde. Au moins, je n’aurai pas subi cette réglementation », explique le joueur de 27 ans.
« Même si, reconnaît-il, avec les points en Grand Chelem, on peut monter au classement. Alors, imaginons que je fasse demi-finale à Wimbledon, je vais rester 200e à l’ATP, alors qu’en temps normal, j’aurais dû monter à la 40e place. » Pour Patrice Hagelauer, si cette situation va être « un peu plus pénalisante pour ceux qui sont au-delà de la 100e place, tous les joueurs seront pénalisés et ne marqueront pas de points ». Mais tout le monde voudra « jouer Wimbledon parce que c’est Wimbledon, c’est l’histoire. » Qu’importe les circonstances donc, le plus vieux Grand Chelem au monde continuera de marquer son histoire et celle de son sport, en vert et contre tout.
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