Depuis les Mondiaux de Budapest, en juin, la natation française est revenue dans la lumière après quelques années compliquées. Avec huit médailles sur le sprint, dont deux en or, et une nouvelle génération qui arrive enfin à maturité, les Bleus ont relancé la machine au bon moment, à deux ans des Jeux olympiques de Paris. Alors que les championnats d’Europe débutent jeudi 11 août, l’entraîneur de l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) Michel Chrétien, qui s’occupe notamment de Maxime Grousset, parle de ce renouveau à franceinfo: sport.
Franceinfo: sport : Comment s’est préparée l’équipe de France malgré ce court laps de temps entre Budapest et Rome ?
Michel Chrétien : L’ensemble de la délégation a passé une semaine à Vichy (Allier). La forme revient petit à petit, mais c’est sûr qu’on est sortis des Mondiaux avec une grande fatigue. Le plus difficile a été de récupérer, mais aussi de se donner un nouvel objectif pour les championnats d’Europe. La distance entre les deux est faible, donc la problématique était de prendre en compte cette fatigue à la fois mentale et physique.
Avec mes nageurs, j’ai changé notre façon habituelle de fonctionner. Il fallait être plus pragmatique et penser à court terme. Comme ils ont atteint le niveau chronométrique international, je m’en suis servi comme d’une base et d’un acquis pour qu’ils reproduisent cette performance de nouveau et qu’ils se servent de cette confiance comme principal moteur de leur réussite, à défaut d’avoir une préparation optimale.
Les Bleus sortent de Mondiaux réussis après plusieurs années de disette. Comment expliquer ce renouveau ?
Les résultats sont assez cycliques à moins d’être aux Etats-Unis, en Russie ou en Chine. Cette génération nouvelle est le fruit d’un travail entrepris il y a quelques années. Des moyens ont été mis en œuvre pour permettre à ces jeunes d’éclore, d‘abord au niveau des entraîneurs. Ils ont accompagné cette génération de bout en bout sans discontinuer. Les athlètes ne sont pas nombreux, et on n’a pas non plus une réserve de coachs et de sites d’entraînement pour permettre ce renouvellement. Cela peut expliquer les hauts et les bas.
Une des révélations de ces mondiaux, c’est Maxime Grousset, un nageur que vous entraînez…
Je suis proche de lui comme de tous mes nageurs. Je me suis pas mal occupé de lui quand il est arrivé de Nouvelle-Calédonie. Ce qui l’anime, c’est la compétition. Il n’a pas peur en finale. Il aime jouer. Pour la petite anecdote, avant la finale du 100 mètres libre à Budapest (où Grousset a décroché la médaillé d’argent), il est venu me voir et m’a dit qu’il serait sur le podium, et qu’il pensait même pouvoir gagner. Il se sentait très fort. C’est Maxime, il n’a pas de barrières.
Vous avez pris en main le pôle excellence de natation à l’Insep en 2018. Comment jugez-vous son évolution ?
Les résultats à l’Insep ont été assez rapides parce que les moyens sont bien supérieurs à ceux des clubs. Ici, un athlète blessé est traité dans les quinze minutes. Dans un club, le processus est beaucoup plus long. C’est un gain de temps énorme. On peut faire beaucoup mieux dans le futur, mais on a déjà débloqué les outils pour permettre d’observer le nageur sous toutes les coutures. J’ai désormais un système d’analyse vidéo performant. J’ai juste à appuyer sur un bouton pour voir telle ligne ou tel nageur à n’importe quel moment. C’est indispensable.
« J’ai utilisé mes expériences passées au sein de l’Insep pour mettre en place un système de performance optimal. Ça n’a pas été simple parce que la natation n’est pas un sport roi. Mais la réussite entraîne les moyens. Mon expérience de coach avec Jérémy Stravius, et maintenant avec Maxime Grousset, m’a aussi ouvert des portes. »
Michel Chrétien, entraîneur de natationà franceinfo: sport
Les relations avec les clubs n’ont pas toujours été au beau fixe. Est-ce que cela a été un frein dans l’évolution de la natation française ?
Auparavant, la structure reposait sur les clubs et l’Insep n’était pas reconnu. Les nageurs préféraient les clubs. Il fallait qu’on retrouve une structure d’entraînement et un collectif. Il fallait créer un sentiment d’appartenance et se comporter comme eux. C’était la première étape. Les moyens ont aussi été déployés par la direction technique nationale pour qu’on brille de nouveau.
Comment se traduisent ces nouvelles relations avec les autres clubs ?
J’ai proposé à des collègues de venir pour s’entraîner ici, à l’Insep. Je l’ai notamment proposé à Florent Manaudou, afin qu’il puisse partager ses connaissances et profiter des installations ici. Mais sur une courte période. Je souhaite que l’Insep devienne un centre d’information et qu’il soit utilisé par tout le monde pour avoir un autre regard sur l’entraînement et les moyens mis en place. Je veux juste que l’équipe de France évolue, pas que les nageurs changent d’étiquette. Je souhaite qu’ils restent dans leur club, mais qu’ils viennent aussi vers nous.
Florent Manaudou est-il venu ?
Il était venu l’hiver dernier, rapidement. La porte est toujours ouverte.
Le changement radical, c’est aussi l’arrivée d’un homme à la tête de la natation française : le Néerlandais Jacco Verhaeren…
De par ses résultats, c’est quelqu’un qu’on respecte beaucoup. Dans notre sport, on a tendance à écouter des gens de notre sérail. Il a une belle carte de visite. Mais plus que ça, il apporte un management anglo-saxon. Il y a beaucoup de pragmatisme. Il a une grande ambition pour l’équipe de France, sans parti pris. Il a une vision du haut niveau et seulement ça. Il veut une grande équipe de France. Il fait le lien entre tout le monde, le staff et les nageurs. Il communique avec chacun et n’oublie personne.
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