Les mesures de restrictions d'usage d'eau pour l'arrosage des golfs, publiées en juin 2022 par le ministère de la Transition écologique.


 (Ministère de la Transition écologique)

La France est au régime sec mais les golfeurs peuvent continuer à pousser leurs balles sur un green bien arrosé. Alors que les restrictions d’eau se multiplient dans l’Hexagone, plusieurs élus de la Nupes (Nouvelle Union populaire, écologique et sociale) dénoncent un deux poids, deux mesures dans les directives anti- sécheresse du gouvernement : « Il est interdit de remplir les piscines, mais les golfs doivent seulement réduire leur consommation de 20% et arroser entre 19 heures et 9 heures », affirme sur Twitter Hendrik Davi, député LFI de Marseille. 

Sur BFM, Eric Piolle précise sa critique des mesures gouvernementales. « Dans les arrêtés anti-sécheresse, il y a une dérogation pour permettre d’arroser les greens », déclare l’élu. Le maire de Grenoble (Isère) dit-il vrai ou « fake » ?

Contacté par franceinfo, le ministère de la Transition écologique rappelle que « les golfs ne sont pas exempts des restrictions » mais ne dément pas l’existence de consignes de réduction de consommation d’eau moins sévères pour les greens, c’est-à-dire la zone d’herbe la plus rase du parcours situé autour du trou. Ces mesures sont décrites dans un guide publié par le ministère en juin (PDF) et fixant, selon le niveau d’alerte, le périmètre des activités consommatrices d’eau autorisées.

Au premier palier, le seuil de « vigilance », seule une sensibilisation des exploitants de parcours de golf aux économies d’eau est préconisée. Au deuxième palier, le niveau « alerte », l’arrosage est proscrit de 8 heures à 20 heures, avec pour objectif de diminuer la consommation d’eau de 15 à 30%. Pour le seuil suivant, « l’alerte renforcée », une réduction des volumes consommés d’au moins 60% est exigée ainsi qu’une interdiction d’arroser les fairways, autrement dit la zone du terrain située entre le départ où est tiré le premier coup et le green, l’étendue de gazon à l’arrivée du parcours où se trouve le trou du golf.  

Enfin, au niveau maximal d’alerte, le seuil de « crise », seul l’arrosage des greens est autorisé pour une consommation d’eau qui ne pourra pas représenter plus de 30% des volumes d’eau habituellement utilisés. Le ministère de la Transition écologique précise toutefois qu’en cas d’impératif, « les préfets sont tout à fait disposés à interdire l’arrosage [des greens] si cela leur semble nécessaire ». 

Les golfs bénéficient donc bien de conditions d’utilisation de l’eau plus favorables que d’autres activités. Au niveau « crise », il est toujours possible d’arroser les greens mais interdit, par exemple, de remplir une piscine privée ou, pour les agriculteurs, d’irriguer les cultures. 

« Il y a un vrai enjeu économique » pour justifier une telle dérogation, déclare auprès de franceinfo Rémy Dorbeau, président de l’Association française des personnels d’entretien des terrains de golf (Agref). « Sans eau, un green meurt en trois jours et il faut trois mois pour le faire repousser. Or un parcours sans green, c’est comme une patinoire sans glace, il devra fermer », prévient Gérard Rougier, directeur Territoires Environnement et Equipements à la Fédération française de golf. L’activité des « 700 golfs qui emploient 15 000 personnes en France » serait alors menacée, insiste le directeur.

Un impact économique que souligne également le ministère de la Transition écologique : « Les golfs sont une activité économique et touristique. Un golf fermé, ce sont des dizaines de salariés au chômage et une perte touristique conséquente pour le territoire. »

« S’il y a un problème [d’emploi], l’Etat pourrait subventionner l’arrêt des [golfs] par la mise en place du chômage partiel, réagit auprès de franceinfo Hendrik Davi. Mais on ne fera jamais rien au niveau environnemental si vous faites un chantage à l’emploi. J’ai travaillé sur les scénarios du Giec : quand il n’y aura plus d’eau pour l’agriculture, il n’y en aura plus pour le golf ».

« Selon un rapport du Sénat, la consommation totale de tous les golfs représentait en 2002 l’équivalent de la consommation annuelle d’une ville de 500 000 habitants (36 millions de mètres cubes), ce n’est pas négligeable », ajoute le député. Une étude publiée par la Fédération française de golf (PDF) évalue, de son côté, cette consommation à 29 millions de mètres cubes d’eau en 2010. « Le réchauffement climatique est violent dans ses effets, reconnaît Gérard Rougier, de l’Agref, mais des efforts ont été entrepris depuis dans les grands golfs avec une baisse des consommations d’eau d’environ 30%. »

Pour Guillaume Martin, ingénieur énergie-climat-mobilité interrogé par Marianne, le débat autour de l’arrosage des greens est symptomatique d’une société qui « n’a pas pris conscience de l’ampleur du réchauffement climatique. Se dire qu’on va potentiellement payer plus cher nos aliments à cause des sécheresses et de leur impact sur le secteur agricole, et qu’en parallèle, on a préféré jouer au golf… C’est sûr que cela pose question », juge l’ingénieur.

Si la dérogation dont bénéficie l’arrosage des greens de golf peut se justifier par la préservation de l’emploi, le maintien et l’acceptabilité, à terme, d’une telle mesure face au changement climatique restent posés. 

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