Chuter pour mieux se relever ? Sasha Zhoya, considéré comme l’un des grands espoirs de l’athlétisme mondial, a terminé dernier de la finale du 110 m haies des Championnats européens de Munich, mercredi 17 août. Sous les yeux de sa mère et de son staff, le prodige a payé cher pour apprendre.
Les attentes étaient hautes. Il faut dire que la progression du hurdleur est fulgurante. Champion d’Europe et champion du monde junior, mais aussi détenteur des records du monde cadet et junior (en 12’72, pulvérisant l’ancien chrono), il a dominé sa spécialité chez les jeunes. Pour première année chez les seniors, Zhoya avait donné le ton aux Championnats de France en juin, en battant deux fois son record personnel pour s’offrir la meilleure performance tricolore – la sixième de l’histoire française, en 13’17 – et le titre national. Tout ça le jour de ses 20 ans, s’il vous plaît. « C’est un talent brut », résumait avant la course Stéphane Diagana, champion du monde de 400 m haies et consultant France Télévisions.
Eliminé en demi-finale des Championnats du monde à Eugene (Etats-Unis) en juillet, Zhoya voyait Munich comme une bonne opportunité de rebondir. Meilleur performeur européen « à égalité avec Acier Martinez », rappelait l’intéressé avant la compétition, le jeune athlète arrivait avec de l’ambition en Bavière, tout en soulignant que sur les haies « rien n’est jamais gagné ».
Il est environ 20 heures mercredi 17 août quand sa mère, l’ancienne skieuse Catherine Larbiose-Zhoya arrive dans les tribunes. La Clermontoise, qui gère une partie de sa carrière, ne tient pas en place : « j’ai pris deux billets dans deux tribunes différentes », raconte-t-elle en cherchant des yeux la meilleure place possible. Après de courts échanges avec les représentants de la fédération d’athlétisme, Catherine Larbiose-Zhoya se pose quelques minutes pour regarder deux premières demi-finales – encourageant les deux Français en lice, Just Kwaou-Mathey et Pascal Martinot-Lagarde.
Direction la tribune centrale pour la demi-finale de son fils, prévue à 20h52. Les volontaires de la compétition, présents pour vérifier les billets sont intrigués. L’une d’entre eux demande « qui est cette dame ? » Quand le nom Zhoya est prononcé, l’interrogation laisse place aux sourires un brin intimidés et admiratifs.
Juste avant la course, l’Auvergnate se fait rejoindre par les deux entraîneurs de son fils : Dimitri Demonière, l’ancien sprinteur, et Ladji Doucouré, ex-champion du monde de la discipline. Si personne dans son entourage ne s’hasarde à des pronostics, tous le savent capable de briller – comme à Monaco une semaine plus tôt, où il avait couru en 13’21. Lors de la présentation des athlètes, Zhoya fait le show, à l’américaine, avec ses cheveux blonds péroxydés et sa chaînette. S’élançant du couloir six, il obtient sans grande difficulté son ticket pour la finale avec une deuxième place. Sa course rassure. Grand sourire aux lèvres, Catherine Larbiose-Zhoya esquisse même quelques pas de danse, non sans rappeler ceux de son fils, passionné notamment de ballet.
Après l’euphorie de la qualification vient le temps du débrief. « Il a pris un mauvais départ, il était tendu au début, mais il s’est repris. Le chrono (13’46) n’est pas important, ce qu’il compte c’est qu’il se qualifie », glisse-t-on dans son clan. « Il s’est économisé sur la fin, il savait qu’il avait de la marge quand il a jeté des coups d’oeils autour de lui sur les derniers mètres. Il fait ça depuis qu’il est tout petit », lâche sa mère, qui a coaché l’athlète aux trois passeports (français, australien et zimbabwéen), jusqu’à ses 12 ans.
Il faut attendre près d’une heure trente avec que les haies ne soient remises sur la piste. Dans le clan Zhoya, amputé de Ladji Doucouré, parti en bord de piste, les visages sont tendus. Arrive l’horaire tant attendu : 22h22. Les portables sont de sortie pour immortaliser la première finale internationale « chez les grands » du hurdleur, qui a choisi de concourir pour la France début 2020. Un jeu de lumières rouges et bleues annonce l’installation des athlètes dans les starting-blocks. Toute la tribune se lève, le silence gagne le stade olympique de Munich.
Le départ est donné. Zhoya s’élance de son couloir 7. Passées les premières haies, l’athlète de ne semble pas en mesure de jouer une médaille, les haies tremblent et certaines tombent. Son entourage ne lâche rien et s’époumonne en sautant sur place : « Allez Sasha allez ! » . Ce ne sera pas suffisant : devancé, le Français perd toute chance de monter sur le podium après une chute à quelques mètres avant l’arrivée. Il termine huitième et dernier. Dans la tribune, tous se prennent la tête dans les mains.
Une ambiance qui contraste avec celle sur la piste, où le hurdleur ne montre pas une grosse déception et court enlacer ses deux compatriotes, « PML » et Kwaou-Mathey, respectivement médaillés d’argent et de bronze. « Je suis très content et je l’avais dit avant la semaine, ça montre qu’on est forts sur les haies, que c’est notre épreuve, explique-t-il au micro de France Télévisions.
Mercredi soir, les haies semblaient trop hautes pour le natif de Perth : entre les compétitions juniors et seniors, leur hauteur augmentent de sept centimètres (99 cm contre 106 cm). « Il était bas, ça se voyait qu’il allait en faire tomber », souligne sa mère déçue. Installé plus bas dans les gradins, Kevin Mayer, accompagné de Baptiste Thierry, vient à la rencontre de l’ancienne skieuse : « C’est dommage, il ne lui manquait pas grand-chose. Ca va venir », tente de rassurer le double champion du monde de décathlon.
Alors que les tribunes se vident petit à petit, Dimitri Demonière et Catherine Larbiose-Zhoya font le bilan de la course. Quand on leur dit ce sera pour la prochaine, le coach répond par un petit sourire et les doigts croisés. Il reste deux meetings suisses, à Lausanne (26 août) et Zurich (8 septembre) pour conclure la Diamond League. En attendant le prochain grand rendez-vous international, les Mondiaux de Budapest, en août 2023. Et cette fois, Zhoya voudra être celui que ses compatriotes félicitent.
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