Un temps autorisé puis interdit, le coaching hors du terrain va être de nouveau permis. L’ATP a annoncé mardi 21 juin qu’elle allait autoriser le coaching des entraîneurs auprès de leur joueur lors des matchs.
Cette mesure, qui sera testée à partir du 11 juillet jusqu’à la fin de la saison lors du Masters en novembre prochain à Turin, y compris lors de l’US Open (29 août-11 septembre), concernera les matchs du tableau des qualifications ainsi que ceux du tableau principal du circuit ATP. Ces échanges « verbaux et non-verbaux » seront toutefois encadrés. Ils ne seront autorisés qu’à partir des tribunes et depuis des sièges attribués aux entraîneurs.
Ces interventions ne devront pas perturber le jeu ou gêner l’adversaire, et devront se limiter à quelques mots ou phrases, et non des conversations. Autre condition : ces échanges seront acceptés seulement quand l’entraîneur et le joueur seront du même côté du terrain.
Les gestes seront eux autorisés sur l’ensemble du match, toujours en veillant à ne pas interrompre le jeu, ni perturber l’adversaire. En revanche, le coaching verbal ou gestuel sera interdit si le joueur venait à quitter le court, quelle qu’en soit la raison. « Le coaching non-verbal était interdit mais tout le monde l’utilisait. Ça a existé et ça existe encore et n’est pas sanctionné. L’ATP ne fait finalement que normaliser ce qui existait en cachette, sans que l’arbitre ne le voit ou ne le sanctionne », réagit Patrice Hagelauer, ancien entraîneur de Yannick Noah, de l’équipe de France de Coupe Davis et ex-DTN au sein de la Fédération française de tennis (FFT). Le Grec Stefanos Tsitsipas a régulièrement été critiqué par ses adversaires, lui reprochant de bénéficier de coaching de la part de son camp.
Pour encadrer cette nouvelle règle, l’ATP précise dans son communiqué que « des pénalités et des amendes seront toujours appliquées en cas d’abus ou de mauvaise utilisation des conditions de coaching ». Un encadrement aux limites encore floues menant à de possibles dérives. « C’est une porte ouverte aux abus, qui seront difficiles à arbitrer », ajoute Patrice Hagelauer.
Ce remaniement du règlement n’est pas forcément bien accepté dans le monde du tennis. « Cela peut changer l’issue d’un match, car ce sont sur des petits détails qui fait que l’on gagne ou non. Cela va créer un déséquilibre lors des matchs », tranche le joueur Enzo Couacaud, « déçu » par l’annonce de l’ATP. Des détails notamment sur l’aspect technique, élément essentiel du jeu.
« On voit des joueurs qui ont des capacités d’analyse aux changements de côté et qui leur permettent de trouver des solutions si besoin, ce qui est une qualité, alors que d’autres ont beaucoup plus de mal, explique l’ancien joueur Arnaud Clément. Là, on va avoir un regard extérieur qui va aider les joueurs et enlever à certains le petit plus qu’ils ont par rapport aux autres. Je trouve cela un peu dommage », développe l’ex-capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, « opposé » à cette nouvelle règle.
Au point de dénaturer l’essence même du tennis ? « Oui, répond Enzo Couacaud, 207e joueur mondial. Au tennis, ce sont deux joueurs qui s’affrontent, et l’aspect tactique est vraiment une force ou une faiblesse pour les joueurs. Certains jouent très bien mais tactiquement n’arrivent pas à trouver les clés face à un adversaire. Aujourd’hui, en payant un coach, parfois super cher car il est un ancien top 5 ou top 10 mondial, le coach va lui donner les clés. »
Et moi, je vais donc jouer contre l’adversaire et le coach qui a été top 5 mondial. C’est plus dur et injuste. Nous n’avons pas tous les mêmes moyens. Ca devrait être tel joueur contre tel joueur et chacun avec ses armes pour gagner.
Enzo Couacaud, 207e joueur mondialà franceinfo: sport
Pour le joueur de 27 ans, qui participe actuellement aux qualifications de Wimbledon, le coaching hors court est un aveu de faiblesse de l’ATP. « J’ai l’impression que l’ATP a mis cette règle pour des grands joueurs qui se faisaient toujours coacher, et qui n’étaient pas sanctionnés. L’ATP change les règles pour ne plus avoir à faire la police derrière », estime Enzo Couacaud. « J’ai l’impression qu’on essaie de plus en plus de changer les règles du tennis, le coaching, la pause toilette, les 25 secondes au service qui ne sont pas toujours respectées, poursuit-il. L’ATP n’arrive pas à faire respecter les consignes aux tops joueurs, et nous, les autres joueurs, on paye pour cela. C’est ça qui est un peu scandaleux. »
Cette modification du règlement permet à l’ATP de s’aligner sur la WTA, qui avait procédé dès 2020 à un essai du coaching depuis les tribunes sur certains tournois. L’essai sera soumis à une évaluation collective à la fin de la saison 2022, afin de définir la possibilité d’inclure durablement le coaching hors du terrain lors des saisons suivantes.
Et donc faire entrer le tennis dans la longue liste des disciplines évoluant avec du coaching hors terrain. « C’est dans l’air du temps, estime Patrice Hagelauer. Dans de nombreux sports, il y a du coaching, il faut donc peut-être tenter l’expérience, et voir s’il y a des abus ou non. » Les cinq prochains mois donneront donc une tendance sur cette question autant épineuse que contestée.
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