Où en sont vraiment les Bleues ? C’est la question que l’on peut se poser au sortir d’une phase de poules où le XV de France, tantôt rattrapé par ses vieux démons, tantôt porté par une force collective certaine, a décroché sa place pour les quarts de finale du Mondial, samedi 22 octobre. Si des sauts enlacés et des chants de fête ont accompagné la victoire contre les Fidji, synonyme de qualification, les réactions sont néanmoins restées mesurées. « Il faudra gommer ces petites fautes de mains pour la suite, régler ces détails qui vont peut-être nous coûter cher à la fin », tenait par exemple à appuyer l’ouvreuse Jessy Trémoulière à la fin de la rencontre.
Oui, on aura bien entendu sa capitaine Gaëlle Hermet louer « l’état d’esprit » irréprochable du groupe, et son sélectionneur Thomas Darracq saluer « les risques » pris par ses joueuses en phase offensive Néanmoins, ni cette large victoire face aux Fidjiennes, ni celle obtenue en ouverture contre l’Afrique du sud, n’ont autant emballé les analyses d’après-matchs et provoqué de sourires que la courte défaite face à l’Angleterre.
Pourquoi ? Car si les Françaises ne clament plus aussi clairement leur envie de sacre final qu’il y a quelques mois, leur objectif est bien de s’installer aux côtés de l’Angleterre au sommet de la hiérarchie du rugby mondial. Et que dans cette optique-là, dominer Sprinboks et les Fidjiennes, est un passage obligatoire. Dans le duel d’aspirantes au titre, la phase de poules est venue rappeler l’écart qui persiste entre les deux nations. S’il semble s’être réduit depuis le dernier Tournoi des Six nations et cette finale pour le Grand Chelem perdue par les Bleues, l’opposition a tourné en faveur de l’Angleterre… pour la 11e fois consécutive.
Cet écart se mesure aussi en dehors des duels directs entre les deux équipes. Là où l’Angleterre écrase ses adversaires, « ces petites scories », relevées par Thomas Darracq, sélectionneur des Bleues, empêchent le XV de France d’en faire de même face à des adversaires largement à sa portée. Et si ces maladresses restent de l’ordre du détail face à des oppositions telles que l’Afrique du Sud (13e nation mondiale) ou encore les Fidji, qui disputent le premier Mondial de leur histoire, elles sont rédibithoires quand il s’agit de renverser des adversaires tels que les Red Roses, contre qui « il y a peu d’occasions » à exploiter, des mots de Caroline Drouin.
On doit marquer beaucoup plus d’essais. Il y a des fautes sur les libérations, sur les mêlées, des touches qui sont mal maîtrisées à des moments où on est proches des lignes. C’est dommage de pas avoir pu encore plus scorer parce que ce soir les filles le méritaient.
Thomas Darracq, sélectionneur des Bleuesaprès le match contre les Fidji
Cette capacité à concrétiser ses temps-forts, soulignée par le patron tricolore samedi est le principal secteur dans lequel l’Angleterre surpasse les Bleues, et celle qui fait d’elle, la numéro 1 mondiale. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter une oeil aux copies livrées par la France et l’Angleterre face au même adversaire fidjien dans ce Mondial. Nombre de franchissements (16 contre 6), défenseures battus (45 contre 23), essais marqués (14 contre 7) ou encore ballons perdus (9 contre 14), les chiffres clés sont pour la plupart largement à l’avantage des Red Roses.
Face aux Fidji, les Anglaises avaient marqué autant d’essais que les Bleues à la 50e minute… Certes, avec ce 44-0, les Bleues ont sûrement livré leur performance la plus aboutie de la compétition, mais elles sont encore loin de la correction que leur avait infligé l’Angleterre en ouverture (84-19).
Pour autant, le XV de France sort de cette phase de poules avec des signaux aussi positifs que prometteurs. « Ce n’est pas avec 15 joueuses, mais avec 30 qu’on gagne une Coupe du monde« , posait Thomas Darracq il y a quelques mois, pour justifier du nombre important de joueuses différentes mobilisées lors du Tournoi des Six nations. Le staff est resté fidèle à sa logique. En procédant à près de dix changements après le Crunch pour affronter les Fidji, le staff tricolore a pu faire souffler certaines joueuses, tout en mobilisant un large groupe, sans sacrifier le résultat.
Mieux encore, la charnière inédite Bourdon-Trémoulière et le décalage de l’habituelle ouvreuse, Caroline Drouin au centre, ont offert des options stratégiques déterminantes dans la gestion du match, des temps faibles et dans les essais marqués. Pauline Bourdon, remplaçante de Laure Sansus, a d’ailleurs été nommée joueuse du match.
De plus, malgré la défaite, les enseignements récoltés lors de la défaite contre l’Angleterre seront précieux pour la suite. Lors du Tournoi, quelques mois plus tôt, les Bleues avaient été incapables de répondre au défi physique des avants anglaises. Chaque ballon porté ou presque, arme fatale du XV de la Rose, avait transpercé la muraille défensive bleue. Cette fois, le combat fut tout autre. Les Bleues ont livré une performance majuscule en défense, assez pour faire douter une Angleterre qu’on n’aura rarement vu faire tomber autant de ballons à l’approche des zones de marque.
Les Bleues qui se disaient « fières » et « retrouvées » après cette rencontre ont engrangé une bonne dose de confiance, qui pourrait faire la différence en cas de retrouvailles en demi-finales ou en finale. Mais il faudra d’abord passer l’étape des quarts. L’adversaire des Bleues sera connu dimanche matin.
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