cinq fois où le préfet de police Didier Lallement, sur le départ, s'est retrouvé sous le feu des critiques

Son départ doit être annoncé par le gouvernement à l’issue du Conseil des ministres. Le préfet de police de Paris Didier Lallement va quitter son poste le 20 juillet, a appris franceinfo, lundi 11 juillet, confirmant une information du Monde. Il a atteint, en août dernier, la limite d’âge de 65 ans dans le corps préfectoral mais son mandat a été prolongé de deux ans grâce à une disposition dérogatoire. 

Depuis sa nomination, en mars 2019, à la tête de l’institution chargée de la sécurité de Paris et sa petite couronne, les méthodes de maintien de l’ordre de Didier Lallement, jugées trop brutales, ont été désapprouvées à plusieurs reprises. Franceinfo revient sur les précédents qui lui ont valu de se retrouver sous le feu des critiques.

1Dès 2019, il est critiqué pour sa gestion des manifestations des « gilets jaunes »

Didier Lallement prend la tête de la préfecture de police de Paris le 21 mars 2019. Il est alors âgé de 62 ans et succède à Michel Delpuech, limogé car jugé trop laxiste face au saccage de l’Arc de Triomphe le 1er décembre 2018 à Paris, lors du troisième week-end de manifestation des « gilets jaunes ». Ce natif de Lyon a l’image d’un « homme à poigne » comme préfet de la Nouvelle Aquitaine et la réputation d’un haut fonctionnaire au « caractère bien trempé », rappelle France 3 Normandie, où il a officié de 2010 à 2012, avant d’être nommé en 2017 à Bordeaux.

Or, moins d’un an après son arrivée à la tête de la préfecture de police de Paris, cet « Etat dans l’Etat », des documents internes mettent en cause sa gestion du maintien de l’ordre lors du mouvement de contestation. Il est « clairement indiqué que l’on doit ‘impacter’ les groupes »rapportent des responsables de la gendarmerie, selon une note de septembre 2019. Le recours à la technique de la « nasse » est pointé du doigt dans ces documents, révélés par Mediapart en 2020. De hauts responsables jugent les pratiques de Didier Lallement « contraires à la législation ainsi qu’à la réglementation en vigueur », écrit le site d’investigation.

Et puis il y a cette scène, en novembre 2019, sur la place d’Italie, dans le 13e arrondissement de Paris. Didier Lallement y déambule après les échauffourées qui ont émaillé la manifestation organisée pour le premier anniversaire des « gilets jaunes ». Devant les caméras de BFMTV, le préfet de police est apostrophé par une femme qui s’enorgueillit d’appartenir au mouvement. « Nous ne sommes pas du même camp, madame ! » lâche-t-il. D’aucuns lui reprochent de déroger à la neutralité indue à sa fonction, voire de sortir de son devoir de réserve. Il concédera plus tard « une maladresse ».

2Au printemps 2020, il blâme les malades du Covid-19 en réanimation 

Le préfet au visage tranchant et à la silhouette longiligne refait parler de lui quelques mois plus tard, alors que la France se confine face à l’épidémie de Covid-19. « Ceux qui sont aujourd’hui hospitalisés, qu’on trouve dans les réanimations, sont ceux qui au début du confinement ne l’ont pas respecté. Il y a une corrélation très simple », déclare Didier Lallement, le 3 avril 2020, lors d’une opération de police à la porte d’Orléans à Paris, pour empêcher les départs en vacances de printemps. Cette « corrélation très simple » est pourtant loin d’être évidente, selon plusieurs médecins et scientifiques. Et ces propos provoquent un tollé.

Le mea culpa ne tarde pas : quelques heures plus tard, la préfecture de police de Paris publie un communiqué dans lequel son dirigeant dit « regretter » ses propos. « Son intention n’était pas d’établir un lien direct entre le non-respect des consignes sanitaires et la présence de malades en réanimationIl s’agissait de rappeler la nécessité d’une stricte application du confinement dans cette période, pour la protection de la santé de chacun », détaille le texte. Pour être certain que le message est bien passé, Didier Lallement décide de s’exprimer de vive voix lors d’une conférence de presse.

« J’ai pu donner le sentiment que je n’étais pas conscient que nombre de nos concitoyens sont encore exposés à la maladie en raison de l’engagement professionnel« , déplore-t-il, face caméra, d’un ton laconique. « Ce qui compte, dans la situation difficile que nous traversons, c’est l’unité nationale », assure finalement le préfet de police de Paris, dans un souci d’apaisement.

3En janvier 2021, il est visé dans une enquête pour « faux témoignage »

L’année 2021 ne commence pas sous les meilleurs auspices pour Didier Lallement. Dans sa carte de vœux, le préfet de police de Paris inscrit une citation du communiste russe Léon Trotski, parlant de « l’ordre nécessaire ». La carte est envoyée à de nombreux élus d’Ile-de-France. Certains s’indignent de cette « curieuse référence pour un préfet de police ».

Quinze jours à peine après cette polémique, c’est dans le collimateur de la justice que Didier Lallement se retrouve, dans le cadre d’une enquête pour « faux témoignage », ouverte après des signalements du député Ugo Bernalicis. L’élu de La France insoumise avait saisi le procureur de la République de Paris pour dénoncer une série de déclarations « mensongères » faites sous serment, de la part du préfet de police et de quatre hauts magistrats. 

Président de la commission d’enquête sur l’indépendance de la justice, Ugo Bernalicis estime que Didier Lallement n’a pas dit toute la vérité aux parlementaires lorsqu’il a déclaré, au cours d’une audition, ne pas avoir « trouvé les organisateurs » de manifestations de policiers non autorisées en juin 2020. Finalement, trois mois après son ouverture, le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) a classé sans suite l’enquête pour « faux témoignage », en l’« absence d’infraction ». Le ministère public assure que « ni l’élément matériel, ni l’élément intentionnel de ce délit ne sont caractérisés ».

4Entre 2021 et 2022, il bataille avec la mairie de Paris sur la « colline du crack »

Le torchon brûle entre Didier Lallement et Anne Hidalgo. Depuis sa nomination, le chef des forces de l’ordre n’a pas dévié de sa position : il veut déplacer les consommateurs de crack hors du nord-est de Paris. Il s’agit de leur zone historique de regroupement, surnommée la « colline du crack ». L’intransigeant Didier Lallement a donc fixé une politique de dispersion. Or, du côté de la mairie de Paris, on est plutôt favorable à la création de nouvelles salles de consommation, pour éviter que les fumeurs de crack se droguent en pleine rue. Et chacun campe sur ses positions.

Mais le temps presse : sur le terrain, les riverains sont excédés. Ainsi, en mai 2021, des tirs de mortiers d’artifice visent un groupe de fumeurs de crack dans la rue. En réaction, Anne Hidalgo ferme les jardins publics du quartier, sans pour autant avoir trouvé un nouveau lieu pour les accueillir. Puis en septembre 2021, elle sollicite l’intervention de la police sur Twitter. Furieux, Didier Lallement lui répond dans un communiqué et la rend responsable publiquement de la situation.

Quelques jours plus tard, le préfet de police se passe de l’accord de la mairie pour transférer ces toxicomanes porte de La Villette, dans un square à la limite de la Seine-Saint-Denis, pour éviter tout nouveau débordement dans les jardins d’Eole. La passe d’armes se poursuit et début 2022, Didier Lallement propose un troisième déplacement, cette fois dans le 12e arrondissement de Paris, vers une parcelle de la SNCF, après « pose d’une clôture sécurisée ». Auquel il doit renoncer trois jours aprèsdevant l’opposition virulente des élus de gauche comme de droite. Depuis, la situation paraît bloquée.

D’autant plus qu’entre la maire socialiste et le préfet de police, les relations sont toujours orageuses : dans un courrier adressé à Anne Hidalgo, révélé le 13 mai par Le Parisien, Didier Lallement torpille le projet contesté de réaménagement entre le Trocadéro et la tour Eiffel. Sans mâcher ses mots et avec un ton sec.

5En mai 2022, il est dénigré après les incidents au Stade de France

Spectateurs sans billets qui escaladent les grilles, supporters et familles aspergés de gaz lacrymogènes, fans victimes de vols ou d’agressions… Des scènes de chaos ont précédé et suivi la finale de la Ligue des champions entre le Real Madrid et Liverpool au Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). La soirée du 28 mai a valu à ses organisateurs, aux forces de l’ordre et au gouvernement railleries et critiques.

Une fois de plus, le préfet de police de Paris s’est retrouvé au cœur d’une vive polémique. Car Didier Lallement a fait porter l’essentiel de la responsabilité des incidents, contre les témoignages de la plupart des observateurs sur place, sur « 30 000 à 40 000 supporters anglais ». Selon lui, ces derniers s’étaient présentés au stade « sans billet ou avec des billets falsifiés ».

Une version que Didier Lallement a assumée « complètement », le 9 juin, lors de son audition devant la commission de la culture et des lois du Sénat. Le préfet n’était pas le seul à soutenir cette version : le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait également repris ces éléments. « C’est moi qui ai donné ce chiffre au ministre et là aussi je l’assume complètement », a-t-il justifié face aux sénateurs. Et il a, dans le même temps, reconnu « un échec », mentionnant les personnes « bousculées ou agressées » et « l’image ébranlée » de la France. « C’est une blessure pour moi », a-t-il ajouté.

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