Elle défie le temps et lui fait même un pied de nez. A 35 ans, Shelly-Ann Fraser-Pryce a marqué une nouvelle fois le monde du sport de son empreinte. A Eugene aux Etats-Unis, la sprinteuse jamaïquaine a remporté trois nouvelles médailles aux championnats du monde. D’abord l’or sur le 100 m, dimanche 17 juillet, puis l’argent sur le 200 m, jeudi 21 juillet, et enfin l’argent sur le relais 4×100 m, dans la nuit de samedi 23 à dimanche 24 juillet.
En prime, elle s’est offert le record des championnats du monde sur la distance star du 100 m (10″67). « C’est mon cinquième titre mondial sur 100 m, et il arrive à 35 ans, oui j’ai bien dit 35 ans ! », a souri la triple championne olympique. « C’est remarquable. Avant tout, j’ai toujours cru en moi, j’ai toujours cru en mes capacités. »
35 years old! A mother! 10.67! 5th world title! Yessss @realshellyannfp it’s your night!!!
— Allyson Felix (@allysonfelix) July 18, 2022
Cette ligne supplémentaire sur le palmarès d’une athlète surnommée « Pocket rocket » [fusée de poche] a été saluée dans le milieu de l’athlétisme. “35 ans ! Une mère ! 10″67 ! Cinquième titre mondial ! C’est ta soirée !!!”, a tweeté l’Américaine Allyson Felix, l’athlète la plus décorée de l’histoire aux Mondiaux avec 19 médailles. « Techniquement et sur la gestion de la compétition, elle a tellement l’habitude qu’il n’y a pas de faux pas », estime Stéphane Diagana, champion du monde du 400 m haies en 1997 et consultant de France Télévisions, qui relève « le plaisir qu’elle prend à courir ». « Elle a un palmarès inégalable. Elle ouvre la voie à la jeune génération », ajoute-t-il.
Déjà dans l’histoire, Shelly-Ann Fraser-Pryce est entrée au panthéon de l’athlétisme mondial grâce à ses trois nouvelles breloques. Avec ses désormais quatorze médailles mondiales [et même 15, si on compte son titre mondial sur le 60 m lors des championnats du monde en salle en 2014], dont 10 en or, Shelly-Ann Fraser-Pryce a égalé son compatriote Usain Bolt, et ses quatorze médailles mondiales, dont 11 en or.
Si elle le rejoint sur le nombre de médailles, la sprinteuse le dépasse sur un point : ses cinq titres de championne du monde sur le 100 m, en 2009, 2013, 2015, 2019 et donc 2022. Un record sur la piste. Usain Bolt n’en a remporté « que » trois. Ses cinq médailles d’or sur le 100 m font d’ailleurs d’elle une des rares athlètes à être quintuple champion du monde dans une même épreuve individuelle. Avant elle, le perchiste ukrainien Sergueï Bubka, le lanceur de disque allemand Lars Riedel et le lanceur de marteau polonais Pawel Fajdek (sacré à Eugene) ont rejoint ce cercle.
Elle égale aussi une autre Jamaïquaine, Merlene Ottey, naturalisée slovène il y a vingt ans, qui a elle aussi remporté 14 médailles aux Mondiaux (trois en or, quatre en argent et sept en bronze). Fraser-Pryce, qui a aussi remporté huit médailles olympiques, dont trois en or, est ainsi la quatrième athlète la plus médaillée de l’histoire des championnats du monde. Devant elle, il ne reste que l’Américaine Allyson Felix et ses 19 médailles, dont treize titres, et qui a pris sa retraite après avoir remporté le bronze sur le relais 4×400 m mixte le 16 juillet.
Seule tache à son palmarès, sa suspension de six mois en 2010 pour dopage à l’oxycodone, un opioïde. A l’époque, la sprinteuse a justifié cette prise d’analgésique en raison d’une rage de dents, et nié toute volonté d’avoir souhaité se doper. Mais le fait de ne pas avoir signalé la prise de ce produit avant un contrôle anti-dopage n’a fait que renforcer la suspicion.
Au-delà du nombre, si son palmarès est autant impressionnant, c’est que Shelly-Ann Fraser-Pryce a remporté cinq médailles mondiales à 30 ans passés. Treize ans après son premier sacre mondial à Berlin, Fraser-Pryce est même devenue à Eugene, à 35 ans, la championne du monde du 100 m la plus âgée de l’histoire, femmes et hommes confondus. « Le secret de ma réussite, c’est que je suis une compétitrice et je crois que Dieu m’a donné un don. Je travaille dur, je suis assidue, déterminée, et j’en veux toujours plus », a expliqué à Eugene, celle qui est revenue au plus haut niveau après la naissance de son fils Zyon, en 2017.
Déjà en 2021, à Lausanne (Suisse), elle expliquait sa motivation de revenir plus forte après sa pause grossesse. « Ma motivation est plus forte qu’avant. C’est dur pour les filles. Nous, les filles, nous avons tellement peur de fonder notre famille, les gens pensent que l’on ne pourra jamais revenir après une grossesse. »
Shelly-Ann Fraser-Pryce peut-elle encore davantage marquer l’histoire ? Celle qui a tout gagné voit encore un ultime défi se dresser devant elle. Car depuis trente-quatre ans, l’Américaine Florence Griffith-Joyner conserve le record sur le 100 m, en 10″49. Record contesté depuis pour de lourds soupçons de dopage.
Shelly-Ann Fraser-Pryce veut malgré tout s’en rapprocher. En 2021, elle a couru la distance en 10″60, sa meilleure performance en carrière. Certes, elle se trouve encore à plus d’un dixième d’écart, mais qu’importe, elle refuse de baisser les bras. « Je crois dur comme fer que je suis capable de courir plus vite, et comme j’y crois, je ne m’arrêterai pas tant que je ne l’aurai pas fait », a-t-elle lancé en zone mixte après sa finale victorieuse du 100 m. De quoi faire encore vibrer les pistes quelque temps.
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