Les accolades après la ligne d’arrivée entre Aurélien Paret-Peintre, Mikaël Cherel et leur manager, Vincent Lavenu, sont franches, appuyées, comme si tout le poids du soulagement venait se jeter dans cette étreinte. Julien Jurdie, le directeur sportif, répond avec vigueur et plaisir aux journalistes massés dans la station de Châtel. Et pour cause : la formation AG2R Citroën vient de remporter avec fracas et au bout du suspense la neuvième étape grâce à Bob Jungels, arrivé quelques minutes plus tôt, dimanche 10 juillet.
Le Luxembourgeois, qui n’avait plus gagné en World Tour depuis 2018, revient de loin, très loin même. Victime d’une chute ayant entraîné un léger traumatisme crânien sur l’Amstel Gold Race 2021, il a connu un première année compliquée pour son arrivée chez AG2R Citroën, avec notamment une opération des artères iliaques. « C’est un rêve de gagner une étape, d’aller chercher la victoire de cette façon. C’est l’une des plus grandes journées depuis ces dix ans », a avoué le rouleur du Grand-Duché à l’arrivée.
Sa méforme était telle, à l’approche du Tour 2022, que sa place n’avait rien d’acquise, malgré son profil complet. « Pour être honnête, au mois de mai, il n’avait pas sa place au Tour. Et au Tour de Suisse, tout s’est renversé. A partir de là, il y a l’ascendant psychologique qui est arrivé », raconte Julien Jurdie, admiratif.
Présent dans la bonne échappée dimanche, Jungels s’est fait la malle seul à une soixantaine de kilomètres de l’arrivée. Thibaut Pinot (Groupama-FDJ), parti en poursuite, est bien revenu à 20 secondes dans le final, mais le Luxembourgeois a résisté, vissé sur sa selle, les bras cramponnés au guidon et le visage marqué par l’effort. « Il a fait le grand champion, comme il sait le faire de temps en temps. Il avait gagné Liège-Bastogne-Liège un peu de la même manière. C’est un vrai rouleau compresseur », souligne Vincent Lavenu. « Il a saisi l’opportunité, et ensuite, c’est un numéro que j’ai rarement vu : 65 km tout seul, c’est un truc de fou ! », enchaîne Jurdie.
Cette victoire, la douzième de la formation savoyarde sur le Tour de France depuis l’ère du ProTour en 2006, est celle du renouveau d’un homme discret mais apprécié partout où il est passé, compagnon de chambrée de Julian Alaphilippe chez Quick-Step (2016-2020) avant de rejoindre AG2R Citroën.
« C’est un super bonhomme, qui est toujours à l’écoute, demandeur de conseils, qui reste assez calme et qui se pose beaucoup de questions. Il était le premier à douter, à se demander pourquoi il ne marchait pas. On a retourné la pièce, et je pense qu’il va nous faire un grand Tour de France »
Julien Jurdie, directeur sportif d’AG2R Citroënà franceinfo: sport
C’est aussi la victoire d’un collectif meurtri depuis le départ du Tour par les galères de son leader Ben O’Connor, quatrième à Paris en 2021, et pointé à presque 50 minutes dimanche en raison de chutes. « C’est vraiment une top journée, et ça sauve amplement notre début de Tour. On a eu un départ un peu chaotique. On relève la tête et, collectivement, c’est un signe fort : on ne s’est pas arrêté de travailler, d’y croire », sourit Mikaël Cherel.
Le formation a aussi eu maille à partir avec le Covid-19. Bob Jungels a été contrôlé positif avant le départ à Copenhague mais a pu s’élancer. Geoffrey Bouchard a en revanche dû quitter ses partenaires samedi. De quoi plonger AG2R dans le doute après les dix premiers jours ? Visiblement non. « C’est un soulagement après une bonne vieille semaine de m****, mais on ne s’est pas cachés derrière ! Après notre premier top 10 samedi avec Bob, je leur ai dit : ‘C’est le début d’une aventure' », continue Jurdie. « La roue tourne enfin : on a du vent de face depuis le départ, il ne nous arrive que des ennuis, notre leader est derrière à cause des blessures. Il fallait trouver quelque chose de positif », raconte le directeur sportif.
« On avait besoin d’avoir ça pour rebooster l’équipe et valider le travail de toute la formation. Ce sont toujours des moments exceptionnels à vivre. On a pleuré, comme d’habitude, mais ce sont des larmes de bonheur », ajoute Vincent Lavenu.
Assurée de ne pas rentrer bredouille à Paris, AG2R Citroën a déjà sauvé son Tour, mais ne l’a pas pour l’heure réussi. « On a l’habitude de batailler pour le classement général. On ne peut pas se satisfaire d’une victoire », précise Jurdie.
Avec Jungels, mais aussi Benoît Cosnefroy et Aurélien Paret-Peintre, la formation française a plusieurs cartes à abattre malgré les pépins d’O’Connor. « Je pense que ce n’est que le début et qu’on verra une super équipe AG2R Citroën jusqu’à la fin du Tour. On va faire des coups régulièrement, car on sait que pour gagner des étapes, c’est la seule solution », s’enthousiasme Jurdie. Sera-t-elle, comme en 2021, la seule formation tricolore à s’imposer sur les routes du Tour ?
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