Il y a 200 ans, Jean-François Champollion annonçait avoir réussi à traduire les hiéroglyphes, une réussite due notamment à la découverte de la pierre de Rosette en Égypte 20 ans auparavant.
Le 27 septembre 1822, Jean-François Champollion annonce dans une lettre à Joseph Dacier, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qu’il a réussi à déchiffrer les hiéroglyphes « après dix années de recherches assidues ». Cette traduction, qui a marqué l’histoire, aurait été difficilement possible sans la pierre de Rosette, cet objet aujourd’hui indissociable du nom de Champollion.
La pierre de Rosette est ce « document fameux qui ouvrit la voie au déchiffrement des hiéroglyphes », écrit le site officiel France Archives.
· D’où vient la pierre de Rosette?
La pierre de Rosette est découverte lors d’une expédition en Égypte en 1799, lors de travaux dans une ancienne forteresse turque « édifiée à l’embouchure de la branche occidentale du Nil, non loin de la bourgade de Rachid (que nous francisons en Rosette) », explique France Archives. La pierre est repérée par Pierre-François-Xavier Bouchard, officier du génie.
Elle est rapidement considérée comme une trouvaille majeure pour ceux qui cherchaient à traduire les hiéroglyphes. « Cette pierre offre un grand intérêt pour l’étude des caractères hiéroglyphiques; peut-être en donnera-t-elle la clef », peut-on lire en septembre dans le Courrier d’Égypte.
« Tout le monde savait que c’était un objet important », abonde auprès de BFMTV.com l’égyptologue Émilie Martinet.
· Que dit-elle?
Si la pierre de rosette est si spéciale, c’est parce que c’est « le premier texte bilingue que l’on découvre », déclare Émilie Martinet. « Pour la première fois, on a accès à un document en trois écritures, présentant des écritures accompagnés de leur traduction », explique aussi dans une vidéo la BNF (Bibliothèque nationale de France).
Cette pierre noire est un « fragment de basalte d’un peu plus d’un mètre de haut et pesant plus de 700 kg », détaille le site Gallica. Trois écritures différentes y sont présentes, trois traductions d’un même texte. Rapidement sont identifiées une section en hiéroglyphes et une autre en grec.
La troisième partie, dont la langue est identifiée dans un second temps, « c’est du démotique », explique Émilie Martinet, « c’est aussi de l’égyptien, mais c’est une abréviation des hiéroglyphes, une écriture pour l’administration, qui permet d’écrire plus rapidement ». En somme, sur cette pierre, il y a « trois écritures, mais deux langues ».
Il a rapidement été possible de comprendre le sujet de ces textes grâce au grec, que l’on savait traduire: sur la pierre est inscrit un décret royal datant d’environ 200 avant J-C qui « institue le culte divin en faveur de Ptolémée V Épiphane, alors âgé de 12 ans », écrit Gallica. Il s’agit donc d’un document administratif.
· Comment Champollion a-t-il traduit ce texte?
Plusieurs points ont permis à Jean-François Champollion de traduire ce texte. D’une part, il a réussi à obtenir une copie des inscriptions présentes sur la pierre de Rosette grâce aux relations de son grand-frère Jacques-Joseph, homme de lettres, qui sera d’une aide précieuse dans sa quête de traduction.
Jean-François Champollion est lui-même, poussé par son frère, « formé aux langues anciennes: hébreu, persan, grec, arabe, syriaque… », énumère Émilie Martinet. France Archives parle d’un « enfant prodige maîtrisant toutes les langues anciennes et orientales ».
D’autre part, alors que plusieurs hommes de son époque cherchent aussi à percer le mystère des hiéroglyphes, Jean-François Champollion a la bonne idée de se mettre à étudier le copte, « qui descend de l’égyptien ancien et qui était noté avec un alphabet dérivé du grec et quelques lettres du démotique », explique l’égyptologue à BFMTV.com, soit toutes les langues présentes sur la pierre de Rosette.
Enfin, et certainement le point le plus important, « pendant longtemps, on a cru que chaque signe des hiéroglyphes équivalait à une idée », déclare Émilie Martinet, or « Champollion a définitivement prouvé que des hiéroglyphes pouvaient aussi noter des sons. »
Il démontra en effet que les hiéroglyphes sont une langue mixte, dans lesquels sont mêlés phonogrammes (un signe = un son) et idéogrammes (un signe = une idée). Ainsi, le dessin d’un bras peut signifier l’idée de bras, mais placé d’une certaine façon dans la phrase, il peut aussi être un composant d’un mot, une syllabe.
· Qui d’autre à étudié la pierre de Rosette ?
Cette découverte de Jean-François Champollion est due aux découvertes précédentes sur la pierre de Rosette. Grâce à l’abbé Barthélemy, on supposait alors que dans les hiéroglyphes, « les cartouches [parties d’écritures encadrées] entouraient des noms royaux », explique la BNF, et l’anglais Thomas Young a par la suite « localisé la cartouche de Ptolémée sur la pierre de Rosette ».
Grâce à ces avancées, Champollion a donc pu rapprocher les hiéroglyphes de l’écriture grecque et faire « correspondre un son à chaque hiéroglyphe de Ptolémée ».
De plus, si la pierre de Rosette a bien été la clef de décryptage des hiéroglyphes, rien n’aurait été possible sans tous les textes égyptiens ramenés à l’époque en France, sous l’égide de Napoléon, qui permettaient de tester de potentiels systèmes de traduction. « Aujourd’hui, il y a encore des langues que l’on n’arrive pas à déchiffrer par manque de textes », rappelle Émilie Martinet.
Ainsi en 1815, Jean-François Champollion « poursuit ses travaux sur l’obélisque de Philae » où se trouvent un texte en grec et un autre en hiéroglyphe, raconte la BNF. Cela lui permet « à nouveau de rapprocher les deux écritures ». En comparant les cartouches de Ptolémée et de Cléopâtre, il « vérifie alors le son de leurs trois signes communs: P, O et L, et peut ensuite déduire le son des autres hiéroglyphes de Cléopâtre ».
Si c’est la pierre de Rosette et le nom de Jean-François Champollion que l’Histoire a, à juste titre, retenu, il ne faut jamais oublier que « toute découverte scientifique est forcément l’aboutissement de plusieurs découvertes », souligne Émilie Martinet.
· Où se trouve la pierre de Rosette aujourd’hui?
En 1801, peu après la découverte de la pierre de Rosette, l’armée française capitule en Égypte face aux Anglais. Ils « exigèrent la livraison des monuments antiques: avec deux obélisques, des sarcophages, le poing colossal de Ramsès II, la Pierre de Rosette fut considérée comme prise de guerre », rappelle France Archives.
C’est pourquoi, même si elle a été découverte par les Français, elle est conservée au British Museum de Londres, une ville « où jamais ne se rendit Champollion », précise France Archives. Cela signifie que, s’il a bien traduit ces textes, Jean-François Champollion n’a apparemment jamais vu en vrai cette fameuse pierre qui l’a rendu célèbre.
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